mercredi 19 septembre 2012

A Streetcar named Desire

4e de couverture: Dans un appartement minable de La Nouvelle-Orléans, Stella Du Bois, descendante d'une vieille famille aristocratique, vit avec son mari Stanley Kowalsky, un Polonais pour les beaux yeux duquel elle a abandonné la plantation familiale.
Survient Blanche, la soeur de Stella : une créature de feu et de chair. Ce ménage à trois diabolique a fait le triomphe que l'on sait dans le monde entier de la plus célèbre des pièces de Tennessee Williams, adaptée à l'écran avec Marlon Brando et Vivien Leigh.
(Source Livraddict)

Il  y a des pièces ou des romans, qui sont de tels chefs-d’œuvre qu'on a l'impression de les connaître sans les avoir jamais lu. Un tramway nommé Désir (titre tellement poétique  qu'on a du mal à croire que ce tramway nommé "Desire" ait réellement existé. Ce tramway passait près de l'appartement de Tennessee Williams tous les jours, comme nous l'explique Catherine Fruchon-Toussaint dans l'excellente introduction de cette édition) fait partie de ceux là.
Je ne connaissais la pièce que de nom sans l'avoir jamais lue et sans connaître son sujet. Il a fallu que le hasard s'en mêle pour réparer cette injustice.
Lundi soir, j'ai tiré au hasard le prochain film que je regarderai et je suis tombé sur "Un tramway nommé désir" avec Marlon Brando et Vivien Leigh. Dilemme: j'étais prêt a regarder le film, cependant je voulais lire la pièce avant cela. Voilà pourquoi je me suis plongé doucement mais avec avidité dans cette lecture, deux heures avant de voir le film. (il m'a fallu 1h30 pour lire la pièce).

C'est toujours étrange de lire une pièce de théâtre sans connaître son sujet et je pense que c'était la première fois que je lisais une pièce totalement "inconnue" ( j’avais déjà lu des pièces comme "Une chatte sur un toit brûlant", "Pygmalion", "Phèdre" ou "Hamlet", qui ,elles ne m'étaient pas inconnues puisque j'avais déjà vu leur adaptation théâtrale ou cinématographiques).

Pour "Un tramway.." il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour planter le décor et faire connaissance avec les personnages. Puis, j'ai été transporté et fasciné par l'atmosphère pesante de la pièce, au point de tout oublier autour de moi. En lisant cette pièce (ma troisième incursion dans l'univers théâtrale de T. Williams après "Une chatte sur un toit brûlant" et "Doux oiseau de jeunesse"), je m'aperçois que je ressens toujours de la fascination et du désir pour cet auteur et son univers torturé.

C'est violent, cruel, ambigu et quelquefois malsain, mais cela ne nous laisse pas indifférent. Puis il y a une telle beauté et poésie dans cette cruauté grâce au style puissant de Williams. Puis, chaque personnage porte cette ambiguïté en lui, qu'ils ne semblent pas être ce qu'ils sont en réalité...surtout Blanche et Stanley les deux personnages les plus fascinants de la pièce et les plus ambivalents: Blanche passe pour la jeune fille de bonne famille, pure, sincère, au début de la pièce, tellement que quand le rustre et violent Stanley la rudoit, on prend faits et causes pour la jeune femme...sauf que plus la pièce avance, plus les masques tombent et chacun révèle son vrai visage. (d'ailleurs avoir lu la pièce avant de voir le film m'a fait apprécier le personnage de Stanley (incarné magnifiquement par Marlon Brando) dès le début, connaissant déjà le final de la pièce.
Par l'intermédiaire de Blanche, Williams traite de la folie, qui détruit progressivement le personnage (d'ailleurs Blanche ressemble étrangement à la soeur de l'auteur, Rose, lobotomisée en 1943. Comme elle, elle avait le goût de la coquetterie, de la fantaisie et prenait de longs bains, comme nous l'explique Catherine Fruchon Toussaint dans l'introduction) : revient alors la pitié dans le regard du lecteur quand il comprend enfin cet état de fait. Il n'y a ni bons, ni méchants, seulement des personnes qui tentent de survivre dans un monde quelquefois cruel.

Ce qui revient constamment dans l'oeuvre de Tennessee Williams, en filigranne, juste évoqué mais tout de même présent, c'est l'homosexualité (dans "Un tramway...", Blanche a été marié à un jeune homme qui s'avéra être homosexuel et qui se donna la mort après que cette dernière l'ait découvert; dans "Une chatte..." Maggie soupçonne son mari Brick, d'avoir eu une relation plus qu'amicale avec son meilleur ami, mort depuis), qui bizarrement disparait ou est édulcoré dans les adaptations cinématographiques, ce qui est franchement bien dommage car cela dénature le propos de cet excellent auteur.

Voilà une pièce magnifique qu'il faut absolument lire: violente, âpre, cruelle, mais tellement juste, qui nous montre des personnages pris dans une spirale infernale où le happy end n'a pas lieu d'être. Toutefois, j'aurai une petite frustration: de ne pas savoir avec certitude si un viol a été commis par Stanley sur la personne de Blanche. Mais, bon, il est bien quelquefois que le lecteur, ou le spectateur, se fasse sa propre opinion (et cela à surtout permis a l'auteur de ne pas être censuré de ce point de vue là puisque si viol, il y a, il se trouve dans une élipse, entre deux scènes.
Au final, bravo M. Williams, encore une fois vous avez frappé fort.

Tennessee Williams: Un tramway nommé Désir (A streetcar named Desire), Robert Laffont, collection Bouquins, 105 pages (p. 83 à p. 188) ,1947







2/ (Pièce adaptée au cinéma en 1951 par Elia Kazan avec Marlon Brando et Vivien Leigh)











2 commentaires:

  1. J'ai découvert Tennessee Williams à travers les adaptations au cinéma, mais aussi avec ses nouvelles (publiées dans la collection "pavillons poche" de Robert Laffont dont j'apprécie particulièrement le catalogue). Des nouvelles cruelles, sombres, humaines avant tout. J'avais adoré. Je boudais ses pièces de théâtre, mais en lisant ton article, je me dis que je suis bien bêta ! Merci donc !

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    1. De rien! J'ai également découvert Williams par un recueil de nouvelles mais c'est par ses pièces que j'ai commencé à l'apprécier. Il faut se plonger dans ses pièces, surtout que les adaptations ciné ont souvent connu la censure et édulcoré le propos de Williams (voir mon avis sur "Cat on a hot tin roof": (http://kabaretkulturel.blogspot.fr/2011/06/cat-on-hot-tin-roof.html) et "Sweet bird of youth" (Doux oiseau de jeunesse) qui je crois est celle qui a connu le plus de changement: (http://kabaretkulturel.blogspot.fr/2011/04/sweet-bird-of-youth.html).

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