jeudi 22 novembre 2012

Comme des étrangers

4e de couverture: Ample et envoûtant, un premier roman qui entremêle les voix et les époques pour évoquer le déracinement, la force de l'amour et l'incroyable volonté de survie de ceux qui ont affronté les drames de l'Histoire.

22 Britannia Road : c'est ici que Janusz, soldat polonais réfugié en Angleterre, s'apprête à retrouver sa femme Silvana et leur fils Aurek. Après sept ans de séparation, un nouveau pays, une nouvelle adresse pour se reconstruire loin de la Pologne dévastée.

Mais sur le bateau qui la ramène, Silvana s'interroge : comment renouer le fil ? Et si Janusz ne les reconnaissait pas, elle et Aurek ? Et si l'amour n'était plus là ?
Car la guerre a laissé des traces. L'exode, la faim et la souffrance ont imprimé de la tristesse dans les yeux de Silvana. Sans parler de leur fils Aurek, muet et méfiant devant ce père qu'il nomme l'Ennemi. Face au malaise, Janusz choisit le silence.

Quelques lettres jaunies dans une boîte à chaussure, des soupçons qu'on refuse de formuler... Et un terrible secret qui pourrait bien détruire à jamais cette famille.


Comment un premier roman peut avoir une telle force et un tel impact sur le lecteur? 22 Britannia Road fait partie de ces romans qu'on ne peut oublier et qui reste gravé en nous pour longtemps. 
Amanda Hodgkinson a du talent et cela se sent dans ce premier roman maitrisé, émouvant, mais surtout éprouvant. L'auteur  s'empare d'une époque mille fois utilisée (peut être même trop utilisée) en littérature ou au cinéma, la seconde guerre mondiale, et réussit à s'en défaire pour nous raconter une histoire bouleversante d'un couple qui essaie de reconstruire ce que la guerre à défait. 
Janusz et Silvana sont bouleversants. Malgré tous leurs efforts pour se retrouver, la blessure est trop vivace et l'absence trop longue pour  être comblée. Janusz pense retrouver la femme qu'il a aimé sauf qu'au final, il ne la connait pas du tout. Ils se connaissaient à peine quand la guerre les a séparés, lui, parcourant l'Europe de la Pologne à l'Angleterre en passant par la France et Silvana essayant de survivre dans les forêts de Pologne. Janusz doit alors réapprendre a connaître la femme qu'il a aimée mais surtout à faire la connaissance de son fils Aurek, qui n'était qu'un bébé quand il est parti. 
Aurek. Voilà le personnage que j'ai trouvé le plus touchant. Il doit se familiariser avec un pays qui n'est pas le sien, il a vécu ses premières années comme un sauvage avec sa mère dans la forêt. Il m'a souvent fait penser à un autiste, vivant dans son monde et qui a une relation fusionnelle avec sa mère. Il n'accepte pas que Janusz s’immisce dans sa relation avec sa mère, tellement qu'il se comporte comme un mari jaloux et qu'il surnomme son père "l'ennemi". Puis progressivement, il arrivera à s'ouvrir au monde et apprendra à faire confiance à ce père qu'il ne connait pas.


 C’est la mise en forme du roman qui m‘a le plus charmé. . Le passé et le présent s’alternent d’un chapitre à l’autre. Le passé nous fait comprendre le présent. Même si j’ai été perdu au début en essayant de me remettre dans l’histoire passé ou présente, progressivement, j’ai réussi à m’y faire. Surtout cette forme là permet aux personnages de garder tous leurs mystères jusqu’au dénouement. Encore une fois, je me suis laissé emporté et, surtout, je me suis fait avoir par la résolution du secret de Sylvana, qui pourtant, n’est pas nouveau. Mais je suis encore bon public et j’arrive à me faire surprendre lors d’une lecture. Et heureusement, je dirais.

Surtout, cette mise en forme où passé et présent s’entremêlent me fait me poser la question: comment l’auteur à écrit son roman? En définitive, trois histoires nous sont racontées: le passé de Janusz, de son départ de Pologne jusqu’à son engagement dans l’armée anglaise, celui de Silvana restée en Pologne avec leur fils et qui vivra dans les bois pour survivre, puis leur vie après la guerre quand ils se retrouvent.
Et c’est là que je me pose la fameuse question de l’écriture du roman. Amanda Hodgkinson a-t-elle écrit son roman tel qu’il a été publié? Ou a-t-elle écrit d’abord, le passé de Janusz, puis celui de Silvana, puis la partie présente en 1946, quand Silvana et Janusz essaie de reconstruire une vie de famille. Puis ensuite à fait le découpage des chapitres dans un ordre précis pour garder le mystère du roman jusqu’au bout. Car, ce qui me bluffe également, c’est la cohérence des histoires: tout se recoupe au final. C’est un exercice de style très particulier et que l’auteur maitrise admirablement, pour un premier roman.  


22 Britannia Road est un roman sur les ravages de la guerre qui détruit un couple. Malgré la paix, Janusz et Silvana n’arrivent pas à se retrouver. Le silence de Janusz n’est pas étranger dans la dissolution progressive du couple. La guerre qui les a séparé a fait d’eux des étrangers. Les non-dits se multiplient et toutes les découvertes que font les personnages et le lecteur n’arrangeront pas les choses. Plus j’avançais dans le roman, plus je sentais qu’il n’y aurait peut être pas de happy-end.
Je ne vous dirais pas ce qu’il en est si vous avez envie de le découvrir par vous-même.

Au final, un premier roman imprégné de douleur, de silences, qui nous parle des ravages de la guerre, mais surtout qui arrive encore à nous raconter la seconde guerre mondiale d’une manière inédite, du moins pour moi, car c’est la première fois que je lis un roman sur la seconde guerre mondiale du côté est, et plus particulièrement polonais. Un bon choix de la part de l’auteur qui permet de nous immerger dans une époque mainte fois racontée, mais dont elle nous dévoile d’autres facettes.
Un roman bouleversant que je vous encourage à découvrir. Un premier roman qui se transforme en coup de maître.
 

Je remercie Brigitte des Editions Belfond de me faire découvrir de nouveaux auteurs, au talent incontestable. C’est toujours un grand plaisir.

Amanda Hodgkinson: 22 Britannia Road, (22 Britannia Road), Belfond, 431 pages, 2012







4 commentaires:

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    1. Encore une fois, j'ai réussi à te convaincre. Je pense que tu devrais aimer.

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  2. Un roman que j'avais déjà repéré sur quelques blogs mais que tu me donnes furieusement envie de découvrir. Je le note et ne désespère pas de le trouver en bouquinerie.

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    1. J'espère qu'il te plaira, mais je pense qu'il pourrait t'interpeller. En tout cas, il est à découvrir.

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