mardi 12 juin 2012

Un père et un fils face au deuil

4e de couverture: Formidable de tendresse et d'intelligence, un premier roman qui vous prend aux tripes sur la peur de l'abandon mais aussi l'amour fou liant un père et son fils. Face à l'absence, le combat magnifique d'un duo de laissés-pour-compte.

Lucy Darby a disparu il y a un an, laissant derrière elle Le Kid, son petit garçon de onze ans, et son mari, David.
Depuis, chacun essaie de combler ce vide insupportable comme il peut. Le Kid a fait voeu de silence et se réfugie dans un univers d'invincibles superhéros ; quant à son père, nettoyeur de scènes de crime, il aide chaque nuit des inconnus à faire un deuil dont il est lui-même incapable.
Mais Le Kid dort de moins en moins et David est tourmenté par des flashs troublants dans lesquels Lucy lui apparaît.
Que s'est-il vraiment passé un an plus tôt ?

Alors que Le Kid commence à faire le mur la nuit avec sa petite bande de loosers et que David s'enfonce dans une introspection douloureuse, père et fils vont devoir se heurter au monde et à eux-mêmes pour lever le voile sur leur passé.


Je dois dire qu'en débutant la lecture de ce roman, j'ai été un peu désappointé: la couverture du roman (magnifique soit dit en passant comme souvent aux éditions Belfond) et le métier de David Darby annoncé dans la 4e de couverture (il est nettoyeur de scènes de crimes) m'ont induit en erreur. Je pensais lire un roman aux teintes policières. Il n'en est rien. Les scènes de crimes que Darby à la tache de nettoyer sont souvent des scènes de suicide. Donc point d'enquête policière ici. 

Ce petit désappointement a vite été effacé lors de ma lecture: c'est un formidable premier roman que nous offre Scott O'Connor sur la perte d'un être cher et l'acceptation de cette disparition par ses proches. Voilà un roman que j'ai mis un peu de temps à lire, voulant prendre mon temps. Ce n'est pas un roman si facile d’accès: l'auteur nous donne à voir (ou plutôt à lire) la souffrance d'un père et de son fils, alternant les points de vue de l'un et de l'autre, en nous plongeant complètement dans l'intimité de cette douleur. Darby et Witley, surnommé "Le Kid",   n'arrivent pas à se remettre de la disparition de Lucy. Darby s'est complètement enfermé dans le travail et n'arrive plus à dormir dans la maison qui fut la leur. Le Kid s'est enfermé dans le silence volontairement sellant un pacte: s'il ne parle plus, sa mère reviendra car il pense que son père lui a menti sur la disparition de sa mère: elle n'est pas morte, elle va revenir. 

J'ai été très proche de ce petit garçon d'une dizaine d'années: son silence volontaire le rend un peu asocial et fait de lui le pestiféré de l'école. Tous les élèves de sa classe le détestent (sauf Matthew son meilleur ami) et il est le souffre douleur de deux petits caïds Brian et Razz: ces deux derniers n'hésitant pas à se servir de lui comme puching-ball. Les chapitres concernant Le Kid, malgré la violence omniprésente ont été ceux qui m'ont le plus touché car ils ont réveillé en moi  pas mal de souvenirs.  


Ce que porte la nuit  n'est pas un roman facile à aborder et surtout on ne se plonge pas dans ce roman sans prendre de précaution car la douleur qui se dégage de ce livre est tellement intime qu'elle en devient dérangeante par moments: j'avais parfois l'impression d'être un voyeur, de regarder Darby et le Kid se débattre avec leur conscience et leur questionnement sur la mort de Lucy. Je me suis même posé la question: pourquoi je suis là à les regarder souffrir? 
Pourtant je continuai ma lecture afin de savoir ce qui était réellement arrivé à Lucy car même si ce roman n'est pas affilié au domaine policier, un mystère demeure: la mort de Lucy, qui ne sera élucidée qu'à la toute fin du livre. Cette révélation a été un choc pour moi et je n'ai pas pu retenir mes larmes. 


Ce que porte la nuit est également un superbe roman sur la mort: l'auteur, sans trop en faire, nous montre comment un père et son fils vivent avec cette disparition et comment ils vont devoir s'en sortir pour avancer. En fait, ce roman nous parle également de ce "travail de deuil" (je n'aime pas trop l'expression mais je ne vois pas comment parler de ce passage entre la mort d'un proche et l'acceptation de celle ci) auquel nous sommes tous confronté un jour. Darby et le Kid arriveront un jour à accepter la mort de Lucy. Quand ce passage sera franchi, ils pourront reprendre leur vie et avancer. 

Juste un dernier point avant d'oublier: c'est également un roman onirique par moments: j'ai souvent eu l'impression que l'auteur était aux frontières du fantastique pour pouvoir nous parler de ce sujet sensible qu'est la mort: surtout avec "l'apparition" de  l'ange (cet ange dessiné sur les murs de la maison brulée où le Kid se réfugie. Le Kid remarque que l'ange n'a pas de mains.  Il pense alors  qu'en terminant le dessin de l'ange, celui ci pourra s'envoler et lui ramener sa mère)

Au final, un roman beau, touchant, qui nous immerge dans la douleur intime d'un homme qui doit apprendre a vivre sans sa femme  et de son fils  qui doit accepter la mort de sa mère. Un roman dérangeant, à certains moments,  de par le sujet abordé. J'ai été touché au coeur. Un magnifique premier roman. 


Merci à Diane et à Brigitte des Éditions Belfond pour l'envoi de ce roman. Ce fut une très belle découverte, forte en émotion.


Scott O'Connor: Ce que porte la nuit (Untouchable), Éditions Belfond, 444 pages, 2012






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