samedi 9 février 2013

Une femme fuyant l'annonce

4e de couverture: Ofer, mon enfant, nous irons ensemble à la frontière palestinienne. Tu rejoindras le camion militaire et je partirai sans me retourner. Je marcherai sur les chemins de Galilée, avançant toujours, jusqu’à ton retour. Je n’irai pas seule. Avram, mon amour de jeunesse, sera avec moi. Je lui parlerai de toi, de tes colères, tes silences butés, ton sourire et tes sanglots. Ofer, mon enfant, reviens-moi.

Un roman n'a pas besoin d'être un coup de coeur pour être un grand roman.
Une femme fuyant l'annonce de David Grossman est probablement l'un des romans qui va le plus me marquer cette année. Il n'est pourtant pas si facile d'accès. J'y suis entré lentement, me demandant ce que j'allais y trouver. En fait, le long prologue du roman est peut être le moment le plus ardu dans la lecture: le lecteur se demande où il est, il fait la connaissance d'un trio (Avram/Ora/Ilan) qui va avoir son importance pour la suite.

A partir du voyage d'Ora, la lecture se fait doucement, avec intérêt et envie d'en connaitre plus. Ora emmène son fils, Ofer, à l'aéroport, celui ci s'étant engagé de nouveau dans l'armée. A partir de ce moment, Ora décide de partir en  randonnée en Galilée,   qu'elle avait prévue  de faire avec son fils. Elle emmène avec elle,  Avram, son amour de jeunesse, et part sans se retourner et sans vouloir savoir ce que devient son fils. Elle ne veux pas savoir s'il est mort lors d'un combat. Pour éviter cet état de fait, elle décide de raconter à Avram, la vie de son fils Ofer et de sa famille, pour le garder en vie.
L'auteur va alors balader le lecteur entre le passé et le présent, dans de longs chapitres qui deviennent presque étouffant de par cette longueur.

Dans ce roman, David Grossman nous parle tout simplement d'amour: l'amour d'une mère pour son fils (et la peur de le perdre), l'amour de deux êtres qui se sont perdus en route et qui se retrouvent lors de ce voyage, mais également l'amour pour un pays, Israel, qui a bien du mal à trouver sa place et la paix dans ce monde. Un pays déchiré par un conflit que j'ai eu peine à comprendre tant j'en suis éloigné. Pourtant cette incompréhension ne m'a pas empêcher d'être intrigué et de m'y intéresser.

Certains passages du livre m'ont vraiment bouleversés et m'ont fait manquer d'air. J'ai été estomaqué par le sort d'Avram durant son emprisonnement. Les passages ou Ilan, son meilleur ami l'écoute parler sans discontinuer jusqu'à la folie, sans rien pouvoir faire m'ont mis mal à l'aise.

J'ai un peu de mal à trouver les mots pour pouvoir dire ce que j'ai ressenti lors de cette lecture éprouvante. J'ai pris mon temps pour le lire, comme une façon de digérer à chaque fois ce que j'avais lu la fois d'avant. Puis, j'ai été pris d'une frénésie de lecture, d'une boulimie qui m'ont fait tourner les 300 dernières pages en une journée, prenant le risque d'avoir trop d'émotions d'un coup.

Le final du roman m'a laissé dans l'expectative, ne sachant pas ce que l'auteur avait finalement choisi: Ofer est il mort ou vivant?: c'est alors au lecteur de faire ce choix, même si certains indices nous sont dit à demi mots..Puis, tant qu'Ora parlera de lui, Ofer sera toujours vivant.

Je crois que ce qui m'a le plus touché dans le roman, jusqu'aux larmes, (le trop plein d'émotions m'ayant submergé) , ce fut les derniers mots que David Grossman adresse au lecteur: au moment de l'écriture du roman, il fut dans la même situation qu'Ora: son fils cadet est parti faire son service militaire au moment de la 2e guerre du Liban. David Grossman pensait que les mots qu'il écrivait protègeraient son fils. Malheureusement ce dernier fut tué quand son tank fut touché par une roquette alors qu'il tentait de sauver, avec le reste de l'équipage,  un autre blindé.
David Grossman termine par ses mots:

"Après la semaine de deuil, je me suis remis à écrire. Le roman était presque achevé. Ce qui a changé surtout, c'est l'écho de la réalité dans lequel la version finale a vu le jour. ( p.784)

Ce roman n'a pas besoin d'être un coup de coeur pour être un grand roman. Pour cela, il suffit juste d'ouvrir les yeux et d'écouter la voix d'Ora qui vous parle de son fils Ofer: vous serez touché en plein coeur.

David Grossman: Une femme fuyant l'annonce, (Icha boharat mibsora), Points, 784 pages, 2011














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