En 1974 – vingt ans avant La maladie de Sachs –, Bruno Sachs entre à la faculté de médecine de Tourmens. Il se lie d'amitié avec André Solal, Basile Bloom et Christophe Gray, trois étudiants voués à la médecine générale.
Au cours de ces sept années de faculté, ils vont apprendre leur métier, mais aussi côtoyer les militants de l'IVG et de la contraception, contester l'enseignement de mandarins hospitaliers, militer pour une médecine plus humaine...
Pour devenir médecins – pour devenir des hommes –, Bruno et ses trois camarades devront vivre plusieurs histoires à la fois : l'histoire d'une formation ; l'histoire d'un grand amour ; l'histoire d'un engagement moral et politique ; l'histoire d'une profonde amitié. Des histoires comiques et tragiques. Des histoires où l'on vit pleinement et où, parfois, l'on meurt.
Comme dans un roman d'aventures.
L'ambition de ce roman polyphonique est non seulement de raconter comment Bruno Sachs est devenu ce qu'il est, mais quel monde, il y a trente ans, a préparé celui que nous connaissons aujourd'hui.
Après plusieurs années d'attentes, j'ai enfin sauté le pas afin de découvrir la plume de l'écrivain Martin Winckler (après avoir découvert celle du passionné de séries).
Et j'ai décidé de faire le grand saut avec un petit pavé de plus de 700 pages (alors que j'aurai pu commencer par le bref roman La vacation), tout ça pour découvrir les années d'apprentissage de Bruno Sachs (l'un des héros récurrent de Martin Winckler) avant ses années de pratique évoquée dans La vacation ou La Maladie de Sachs.
J'ai été estomaqué par ce roman fleuve, de par sa construction: ces voix multiples qui nous racontent leurs expériences en faculté de médecine, ces 7 années de pratiques (dont la première est survolé en un petit chapitre) qui nous sont dévoilées sans fard, avec justesse, sensibilité mais aussi sans concession.
Alors, il est vrai qu'on s'y perd un peu dans tous ses personnages évoqués, et on en retient peu finalement (Bruno et ses trois amis Christophe, Basile et André; Charlotte, Emma, Mathilde, Monsieur Nestor...) mais leur parcours est tout aussi passionnant à suivre.
Ce roman revient sur une période charnière de la médecine, surtout en ce qui concerne les femmes: en effet, Bruno commencent ces études de médecine lors de la promulgation de la Loi Veil, sur l'avortement. L'auteur y parle alors de grossesse, d'avortement, mais également de la place des femmes dans la société, et plus particulièrement dans le monde médical. Certains passages sont misogynes mais ils faut les replacer dans le contexte de l'époque. (les années 70), mais aussi sur une pratique plus humaine de la médecine et moins hiérarchisé, moins élitiste.
Ce roman est un roman médical, et j'avoue m'être senti perdu dans certains passages du roman, qui sont un peu technique (surtout dans les parties concernant Le Manuel (journal conçu par Bruno et ses amis), mais, même si je ne comprenais rien à ce que je lisais, ces passages là donnent un ton et une couleur particulière au roman.
L'un des points qui m'a comblé lors de ma lecture est la référence permanente à Alexandre Dumas et à son roman le plus célèbre Les Trois Mousquetaires (même le titre du roman de Martin Winckler est une référence à ce roman de cape et d'épée). En fait, Les Trois médecins est une "réécriture" des Trois Mousquetaires. Beaucoup de passages du roman de Dumas sont "retranscrit" (bien évidemment dans le contexte médical du roman et de l'époque moderne): la rencontre entre Bruno/D'Artagnan et ses trois camarades: Christophe/Athos, Basile/Porthos et André/Aramis, l'affaire des Ferrets (qui ici concerne un stylo), la vengeance de Mathidle/Milady envers Bruno/D'artagnan. J'ai adoré retrouver ces passages là, qui font de ce roman médical, un roman d'aventures captivant.
J'ai trouvé que cet hommage était bien mené par Martin Winckler, qui tient son roman jusqu'à la dernière page, qui termine le roman sur un petit clin d'oeil supplémentaire.
Au final, un roman polyphonique, sur le monde médical des années 70 (et surtout les années d'apprentissages de la médecine), qui m'a passionné de bout en bout et qu'on a peine à lâcher. Un roman mené tambour battant mais qui sait aussi poser les bonnes questions et les bonnes réflexions sur le monde médical et plus particulièrement sur une médecine, plus juste, plus humaine, moins chiffré, moins élitiste, sur la place des femmes dans cette société d'hommes. Ou comment se cultiver en se divertissant.
Je suis ravi d'avoir découvert la plume et l'univers fictionnel de Martin Winckler, que je retrouverai dans d'autres romans, c'est sûr. Et ça tombe bien, j'en ai encore certains qui attendent d'être lu. Si c'est pas génial ça!
Martin Winckler: Les Trois médecins, Folio, 750 pages, 2004
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