jeudi 12 juillet 2012

Une petite musique américano-européenne

4e de couverture: Installé à Rome avec sa fille Leah, Jack McCall s’est juré de ne plus revenir à Waterford, sa ville de Caroline-du-Sud, que le suicide de sa femme Shylla et le procès intenté contre lui par sa belle-famille l’ont poussé à quitter. Un télégramme lui annonçant l’agonie de sa mère va cependant le faire changer d’avis. Dès l’arrivée, face à son père, le juge alcoolique, face aux parents de Shylla, hantés par les souvenirs de la Seconde Guerre, face à son frère John, le déséquilibré mental, à son vieux copain Mike, qui veut lui faire écrire un scénario pour Hollywood sur leurs années soixante, les souvenirs affluent… Des souvenirs où les drames de chacun renvoient aux commotions de l’Histoire, de l’Holocauste à la guerre du Viêtnam, à tout un passé chaotique vis-à-vis duquel Jack devra trouver le chemin de la réconciliation. Les forêts et les marécages de Caroline-du-Sud, les plages et les parties de pêche de l’enfance entourent d’une poésie sauvage cette saga aux mille ramifications, où le drame, l’émotion, le rire s’entremêlent à chaque page. 

Comme beaucoup, j'ai découvert la plume de Pat Conroy avec le fabuleux "Prince des Marées", un roman absolument merveilleux. Partez à la découverte de Tom, Savannah et Luke Wingo,  vous serez emerveillez, chamboulé et vous verrez la vie autrement.


Mais je ne suis pas là pour vous parler de Tom, Savannah et Luke, mais de Jack, Leah, Lucy, Shylla, John Hardin, Ledare, quelques personnages attachants de "Beach Music".


C'est un roman dense et foisonnant auquel Pat Conroy nous convie et on  se plonge  dans ce pavé de plus de 900 pages lentement...comme on entre dans la mer...j'y suis entré à petits pas, doucement, m’habituant peu à peu aux personnages et à l'histoire. Puis au bout de 90 pages, j'ai plongé sans pouvoir le lâcher. J'ai vécu avec Jack et les siens pendant 6 jours.


Ce qui est admirable avec Pat Conroy, c'est qu'il lance plusieurs storylines sans en laisser une sur le bord de la route:  celle de Jack et de ses copains, celle de Shylla (c'est d'ailleurs par son suicide que le roman débute), celles de Lucy (son passé mais également son présent avec la leucémie qui la ronge), celle de Jordan (sa fuite mais également l'évènement qui s'est déroulé en 1971 et qui a conduit à cette fuite), celle de George et Ruth Fox, les parents de Shylla (le passé de George sur l'Holocauste sont les passages qui m'ont le plus chamboulé, remué intérieurement. Pat Conroy nous raconte l'atrocité de cette période de manière brute, sans prendre de gants)...et j'en oublie surement. Ce qui n'est pas le cas de Pat Conroy: chaque histoire aura sa conclusion un moment où a un autre.


C'est aussi l'Histoire Américaine et Européenne qu'évoque pour nous Pat Conroy et ce par l'intermédiaire de deux évènements tragiques et majeurs: l'Holocauste et la Guerre du Vietnam. Ces deux conflits sont là pour nous parler de deux générations qui ont souffert de par ces deux évènements. Mais également, deux générations qui s'affrontent et cela se voit très bien surtout entre le Général Elliot et son fils Jordan.


J'ai aimé la relation entre les cinq frères McCall: je me suis d'ailleurs demandé si Pat Conroy ne s'était pas inspiré de ses quatre frères et lui   pour dessiner les portraits de la fratrie McCall, Jack étant la réplique de l'auteur. Il y a aussi Lucy, la mère de ces cinq gaillards, une femme exceptionnelle, qui a su construire sa vie comme elle l'entendait sans rien demander à personne et qui est devenue l'une des femmes les plus respectée de Waterford. Sans oublier la petite Leah, la fille de Jack, une petite fille espiègle et qui va changer le cours de la vie de son père. C'est par elle et pour elle que Jack revient à Waterford, retrouve ses racines et évoque ces souvenirs merveilleux et tragiques qui font le sel de ce roman.
Mais il y a également ces personnages que j'ai détesté comme Capers Middleton, jeune homme de bonne famille devenu un homme politique arrogant et que j'ai eu envie de frapper souvent, ou Betsy, la femme de ce dernier, jeune écervellée que Jack aime bien taquiner sans ménagement. Mais surtout, le personnage le plus détestable du roman à mon sens est le général Elliot, père de Jordan, un homme brutal, strict, faisant de la vie de son fils et de sa femme un enfer: il n'hésite pas à appeler la police pour faire arrêter son fils. Un être totalement abject comme sait si bien les dessiner Pat Conroy.

Beach Music est ce que j'appelle un roman à tiroirs:  fait de souvenirs, le passé et le présent se mélangent dans un même chapitre, passant d'une histoire à l'autre sans jamais nous perdre une seule minute.

Pour tout vous dire, malgré son épaisseur, j'ai eu beaucoup de peine à tourner la dernière page. Je ne voulais pas encore quitter Jack et les siens. Alors même si elle n'a pas l'aura des Jumeaux Wingo et de Luke du "Prince des Marées" l'histoire de Jack est aussi passionnante et forte...et je vous encourage à la découvrir.

Voilà un roman dense, foisonnant qui nous parle de l'Amérique, de la Caroline du Sud avec des airs d'océans qui nous laisse un goût salé sur la langue...mais aussi un air d'Italie, de pasta, de langue italienne qui  chante les merveilles de Rome à notre oreille...sans oublier les odeurs sombres de la 2nde guerre mondiale, d'Allemagne nazie, de Pologne, de Russie qui nous laissent un arrière goût de rage et d'impuissance dans la bouche...de manifestations anti guerre, de révoltes et de mouvement révolutionnaires contre cette Guerre du Vietnam qui, même éloigné, nous laisse une odeur brulante de napalm dans les narines...
Pour ressentir tout ça, faites comme moi et plongez vous lentement dans ce pavé de 900 pages et laissez vous bercer par cette Beach Music qui vous livrera les secrets de la mémoire de Jack... qui n'est autre que la mémoire de l'Amérique.

Pat Conroy: Beach Music (Beach Music), Le Livre de Poche, 922 pages, 1996


2 commentaires:

  1. je ne connais pas cet auteur mais j'ai entendu parlé de "prince des marées" et ton commentaire me donne envie de le lire...

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