Emma est française, expatriée en Croatie, elle y conseille le ministère de la justice. Dunja est croate. À soixante ans, elle aimerait prendre sa retraite mais doit travailler pour gagner sa vie et entretenir son fils musicien. Les deux femmes ont un lien : le bébé d’Emma, Bruno, dont Dunja est la nourrice. Alors qu’Emma s’absente souvent pour son travail, Dunja et Bruno fusionnent et l’amour de Dunja pour l’enfant ne cesse de grandir. Le quotidien de ces trois personnages n’est pas parfait, mais ils ont trouvé un certain équilibre. Jusqu’au jour où Emma, rentrant de voyage, apprend que son appartement a été cambriolé et que Bruno et Dunja ont disparu. Ces deux événements pourraient-ils être liés au passé d’Emma qui a longtemps travaillé sur les questions de crimes de guerre dans la région ? Qu’est-il arrivé à Bruno et Dunja? Emma arrivera-t-elle à les retrouver à temps ?
Marie Diane Meissirel est une baroudeuse, qui, un jour, à eu envie d'écrire pour partager ses expériences de voyage. Et c'est par la fiction qu'elle a choisi de le faire.
Dans son deuxième roman, Un héritage grec, elle partageait son expérience de la crise grecque, par le biais d'une fiction familiale.
Pour son 3e roman, Marie Diane a choisi de revenir sur le conflit serbo-croate, en racontant le parcours de deux femmes dans la Croatie d'aujourd'hui, juste avant que la Croatie entre dans l'Union Européenne. Deux mères, Emma, française, qui vit en Croatie depuis plusieurs années et qui travaille au ministère de la justice, en traquant des criminels de guerre, entre autres choses; et Dunja, la soixantaine, qui a eu deux fils, dont l'un, Miro, est mort lors du conflit et Ratko, musicien, qui se complaît dans les embrouilles.
Le destin va rapprocher ces deux mères, quand Emma va embaucher Dunja comme nounou pour son petit Bruno. Trop accaparée par son travail, Emma va se décharger sur Dunja. C'est ainsi que cette dernière va s'attacher au petit Bruno, au point de ne plus vouloir le quitter...jusqu'au jour où, Emma, rentrant d'un voyage, découvre que Dunja et Bruno ont disparus. Une course contre la montre s'engage alors pour Emma afin de retrouver son fils.
Quel roman magnifique que ce Huit mois pour te perdre. Marie-Diane Meissirel nous replonge, avec brio dans la Croatie d'aujourd'hui, pour mieux nous raconter le conflit serbo-croate d'hier, de la manière la plus émouvante qui soit: celui de deux voix féminines. Entendre cette histoire, que, comme beaucoup, j'ai vécu de loin (qui s'intéressait vraiment au conflit entre croate et serbes, en Yougoslavie dans les années 90?) sans trop savoir ce qui se passait, par le prisme de ces deux femmes est des plus bouleversant.
Tout d'abord la voix d'Emma, qui s'adresse au lecteur, en racontant son expérience de la Croatie, de par son travail (la recherche et le jugement des criminels de guerre),mais également de son histoire d'amour avec Adam, ambassadeur américain, de qui, elle aura un enfant, Bruno, dont elle devra s'occuper seule. Emma est une étrangère en ce pays, et a donc ce regard européen, que nous pourrions avoir.
En revanche, Dunja est croate: sa voix va alors raconter sa vie et son ressenti de ce conflit d'une manière différente. Elle a perdu un fils dans cette guerre, un fils qu'elle adorait et adulait. Elle voit son 2e fils, Ratko, prendre le mauvais chemin et se sent désemparée. Mais, à la différence d'Emma, qui s'adresse au lecteur, Dunja, raconte tout cela au petit garçon qui lui a redonné goût à la vie: ce petit Bruno, dont elle s'occupe depuis huit mois. Ce dialogue à une voix (le petit garçon à 11 mois) est des plus déchirants et m'a brisé le coeur. J'ai compati et compris les décisions de Dunja.
En ayant le point de vue de ces deux femmes, Marie Diane nous montre un avis global sur ce qui s'est passé en Yougoslavie, et nous montre deux visons différentes (on en a un bon exemple avec Gotovina, général croate, qui a été accusé par le Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie (TPIY) de crimes contre l'humanité, pour ses actes ou les actes commis sous son commandement lors de l'Opération Tempête en 1995): Emma, qui travaillait pour le TPIY, a tout fait pour le condamner, alors que Dunja, le voit comme un héros).
Ainsi, Marie-Diane, dresse juste un portrait, en donnant deux visions, sans jugement. Au lecteur de se faire sa propre opinion. Son style s'adapte à ces deux héroïnes: on ressent de la retenue et du détachement chez Emma (qui n'a pas un sentiment maternel très prononcé, ne pensant qu'à son travail), alors que l'émotion l'emporte chez Dunja. C'est un travail admirable de pouvoir se mouvoir dans deux esprits tellement contraires. Marie-Diane s'en sort très bien. Et elle réussit à merveille a retranscrire ce conflit,dont elle a vu la complexité et l'impact lors de son séjour à Zagreb de 2004 à 2009.
Voilà un roman passionnant, bouleversant, qui laisse sans voix et qui nous montre le conflit yougoslave d'une autre manière. Les voix de deux femmes que je n'oublierai pas de sitôt. Un roman que je vous conseille fortement.
Merci à Eric et aux Editions Daphnis & Chloé qui ont su m'enchanter encore une fois.
Marie-Diane Meissirel: Huit mois pour te perdre, Daphnis & Chloé, 173 pages, 2016
Entretien de Marie-Diane Meissirel (Huit mois pour te perdre)
Marie-Diane Meissirel: Huit mois pour te perdre, Daphnis & Chloé, 173 pages, 2016
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