jeudi 11 août 2011

Enfantval ou Cyprèsville


4eme de couverture: Il y a d'abord la formidable galerie de personnages dessinés par Joyce Carol Oates: Laney, l'adolescente trop lucide et qui souffre de la pauvreté comme de l'isolement; Arlène Hurley, la femme perpétuellement abandonnée par ses amants; Vale, le frère de Laney, aspiré par les charmes obscurs de la délinquance; Earl Tuller, l'homme brutal qui meurtrit et saccage; et, pour finir, Kasch, l'intellectuel en rupture de ban, qui devient l'ami-père-amant de Laney. Toute la subtilité et le lyrisme de Joyce Carol Oates.

Joyce Carol Oates est une grande écrivain, c'est indéniable. Pourtant, il n'est pas évident de s'attaquer à la lecture de ses livres. Quand j'ai ouvert Haute Enfance, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre: j'ai alors commencé à lire...sans comprendre un traitre mot de ce que je lisais. Il y avait une suite de mots à la suite des autres qui formaient des phrases mais elles n'avaient aucun sens pour moi. (J'avais eu la même sensation avec Blonde) Je n'ai pourtant pas abandonné, malgré mon envie de lâcher le livre car je n'y comprenais rien et je me suis laissé porter par ses mots jusqu'à presque me noyer et au bout de 70 pages, j'ai réussi à saisir le sens des mots et de l'histoire.
Il faut dire que le style de Oates n'est pas facile à assimiler mais dans ce livre là, il est tellement travaillé qu'il y a même certains passages qui n'ont eu aucun sens pour moi. "Qu'importe!", je me suis dit, pourvu que je comprenne l'essentiel, c'est le principal.
En fait, le livre nous fait entendre des voix. Plusieurs personnages prennent la parole pour nous parler de leurs souffrances et de leurs joies (peu nombreuses, je l'avoue). Oates prend alors le parti de s'amuser avec la narration passant d'un paragraphe à l'autre, du "je" au "tu" puis au "il". Heureusement, les personnages sont peu nombreux, (ce qui est rare chez Oates qui a le don de croquer un nombre impressionnant de personnages dans chacun de ses romans), j'en ai remarqué 6. Le "je" est attribué à Kasch et à Grand-Père Hurley, le "tu" à Laney (c'est d’ailleurs la première fois que je voyais cette narration là, ce qui m'a un peu déstabilisé au départ), et le "il" ou "elle" à Arlène et Vale et quelquefois à Earl. Dès que j'ai compris ça, 'au bout de cent pages, tout est devenu un peu plus clair. Mais l'auteur s'amuse également à nous ballader d'une époque à une autre, de 1914 aux années 70, passant d'une guerre à une autre au gré des souvenirs de Grand-Père Hurley parlant d'un cousin parti à la guerre en France et qui n'est pas revenu, et à ceux de Vale, qui se retrouve paumé après être revenu du Vietnam. C'est ainsi tout un pan de l'histoire américaine que nous conte Oates à travers des gens ordinaires.

Bon, mais c'est bien joli de vous parler du style comme cela mais il serait temps de vous dire si j'ai aimé. Eh bien, à ma grande surprise, j'ai aimé ce roman et malgré la difficulté de compréhension, j'ai voulu savoir comment il se terminait, même si je savais que ça allait se finir mal. Ben oui, ça se finit souvent tragiquement chez Oates. C'est un poème tragique auquel nous invite l'auteur et on referme le livre un peu sonné par cette fin suspendue à un signe.

Une dernière petite chose: au début du roman, il y a une préface de la traductrice (je tire d'ailleurs mon chapeau à Claire Malroux qui a su traduire ce texte à merveille) qui nous donne les clés pour pouvoir entrer dans le roman. Je ne lis les préfaces qu'à la fin du roman car j'ai toujours peur qu'elle en dévoile trop. Cette préface ne déroge pas à la règle. Sauf qu'en la lisant, j'ai enfin compris le roman et tout s'est éclairé. Donc, pour ceux qui voudraient lire ce livre sans trop de difficulté de compréhension, lisez la préface au risque de vous spoilier. Mais si vous ne voulez pas savoir ce qui arrive à Laney, Kasch, Earl et tous les autres, ouvrez ce livre à la première page,(en oubliant la préface) et laissez vous porter par la plume de Oates, au risque de vous noyer. Ne vous inquiétez pas toutefois, on remontes progressivement à la surface tout de même.

En conclusion, un roman de Oates qui me laissera un souvenir confus mais plaisant (j'ai aimé Laney, la seule à se sortir de toute cette histoire sans trop de casse) que je conseille à tout ceux qui ont déjà l'habitude de la plume d'Oates. Pour ceux qui voudrait la découvrir, ne commencez pas par celui là. Vous vous y perdriez et vous n'auriez plus envie de revenir dans l'univers Oatesien. Et ce serait tellement dommage de passer à côté de cette auteur.

Joyce Carol Oates: Haute Enfance (Child Wold), Le Livre de Poche, 350 pages, 1979

5 commentaires:

  1. Tu as pris ce livre par le bon bout en acceptant de te laisser porter par ses différentes voix.Il est parfois difficile de s'accrocher quand on ne comprend pas ce qu'on lit. J'ai d'autres romans de Oates dans mes PAL et LAL, il faudrait que je continue avec cette auteur.

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  2. J'ai tellement de titres de cette auteure dans ma PAL que je ne sais même plus si celui-ci en fait partie ! J'aime beaucoup ce qu'elle fait mais je ne suis pas sûre que j'accrocherai à celui-là à cause du style !

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  3. sacrée Oates, elle ne nous rend pas la tâche aisée ! j'aime ses romans mais j'y entre toujours sur la pointe des pieds, un peu effrayée de ce que je vais découvrir, et à chaque fois je m'exclame devant son talent incomparable ! celui-ci est dans ma PAL, merci pour tes conseils, je les suivrai !

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  4. @Ys: parfois, il et bon de ne pas chercher à comprendre à tout pris. Et puis, la plume d'Oates est tellement belle que cela rattrape le style un peu difficile de ce roman.
    @Joelle: C'est vrai que le style du livre peut rebuter. Heureusement, le roman n'est pas trop long.

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  5. @george: De rien! J'ai le même sentiment que toi sur les romans de Oates. J'ouvre toujours un de ses livres lentement en me demandant comment elle va aborder le sujet du roman. Et au final, c'est tout de même un bonheur de retrouver sa plume.

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