Mais ce que Duchamp ne sait pas à son arrivée, c’est que la ville parle mille langues, raffole des sciences occultes, ignore encore le cubisme et s’apprête à connaître la plus grande insurrection ouvrière de son histoire.
Quelle belle petite curiosité que ce récit de Benoit Coquil sur Marcel Duchamp et son passage en Argentine, vers la fin de la première guerre mondiale.
Benoit Coquil arrive habilement à nous intéresser à son sujet en nous apprenant des choses sur la personnalité de Marcel Duchamp, mais aussi sur l'Argentine de cette époque là. Il fait un parallèle entre l'arrivée de Duchamp dans ce pays d'Amérique latine et la future grève que va connaître Buenos Aires en 1918. Il démontre surtout que Duchamp, toujours en fuite des conflits, ne sera pas au rendez-vous, même si, pour une fois, il est sur place.
J'ai trouvé que ce livre était d'une vivacité élégante, un melting pot des genres: il y a le récit historique, que Benoit Coquil habille habilement de fiction (puisque de cette période sur Duchamp on ne sait pas grand chose. Ainsi, il fait plus un travail d'écrivain que d'historien, imaginant les situations et les dialogues que l'artiste aurait pu avoir) , mais aussi un côté psychologique quand on se penche sur la personnalité de Duchamp, sans oublier ces chapitres qui sont de véritables scènes de théâtre et construite comme telles. Puis, les interpellations que l'auteur fait au lecteur, comme un monsieur Loyal qui invite la foule a assister au spectacle. Tout ceci donne un charme fou à ce petit texte qui nous apprend beaucoup sur cette période historique méconnue du grand public.
C'est également un livre sur les rendez-vous manqués: Duchamp ne va pas être au rendez-vous de l'histoire puisqu'il passera son temps dans sa chambre d'hôtel alors que la population se révolte. Mais il sera également arrivé trop tôt, pour assister à la naissance artistique de Buenos Aires. Tous ces artistes argentins qui vont émerger ne sont pas encore présent quand Duchamp débarque. D'ailleurs, Benoit Coquil s'amuse, dans ses derniers chapitres, à imaginer les rencontres que Duchamp aurait pu faire avec des artistes argentins, revenant alors à la fiction.
En définitive, une bien belle surprise que ce Buenos Aires n'existe pas. Benoit Coquil se glisse dans la peau de cette ville en devenir, en mélangeant les langues dans ce pays ensoleillé. L'anglais, le français et l'espagnol se marient et se mélangent pour nous compter l'histoire de Duchamp, un artiste français, qui fuit le conflit mondial et qui sera absent au rendez-vous de l'histoire. Un livre étonnant qui vous promet un voyage fabuleux à travers la petite et la grande Histoire. Ne manquez pas ce rendez-vous avec ce livre, comme à pu le faire Duchamp avec l'Argentine, à son époque.
Benoit Coquil, Buenos Aires n'existe pas, Flammarion, 200 pages, 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire