lundi 9 avril 2012

Nos années


4e de couverture: "La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le dos. Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre Solaire, d'échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer."

Étonnant. Voilà le premier mot qui me vient en repensant à ma lecture des "années" d'Annie Ernaux. Ce n'est pas un roman fictionnel, ni une autobiographie, malgré le fait que l'auteur se dévoile un peu à travers des photos piochées dans ses albums. C'est un peu la biographie d'une époque, celle de l'après-guerre. Annie Ernaux rouvre notre mémoire pour nous parler d'elle mais surtout de nous.

Je n'ai pas trop l'habitude de lire des livres comme celui ci: il s'est retrouvé dans ma PAL par le fait du hasard: lors d'un de mes achats à France Loisirs, j'avais eu le droit de choisir un livre gratuit parmi un choix donné; ce livre là m'a alors appelé. Je l'ai laissé reposé puis il y a quelques jours, il m'a fait de l'oeil. Curieux, je l'ai sorti de ma bibliothèque et j'ai commencé à le lire. Et là, j'ai été bercé par l'écriture d'Annie Ernaux. Sa plume est belle, attendrissante, émouvante. Elle ouvre pour nous la boite à souvenirs avec certains slogans publicitaires où autre. Elle nous inclut dans ces souvenirs et le lecteur, toute génération confondue, se retrouvera dans cette histoire. La preuve: je suis né à la fin des années 70, donc tout se qui se passe avant, je ne l'ai pas vécu mais j'avais l'impression de connaitre certains objets, ou expressions: je les ai entendu ou connu par l'intermédiaire de mes grands-parents ou parents. J'ai donc vécu ces souvenirs (la libération en 44, la guerre d'Algérie, Mai 68...) grâce aux générations passées.

Puis, en avançant dans la lecture (ce livre couvre la période 1940-2007), les années passent et ce sont mes souvenirs propres qui m'ont sauté au visage: l'arrivée au pouvoir de Jacques Chirac en 1995, le fameux 21 avril 2002 (d'ailleurs à ce propos, Annie Ernaux déclare: "Ultérieurement, dans la mémoire il ne resterait de l'élection présidentielle que le jour et le mois du premier tour, 21 avril, comme si l'élection forcée du deuxième avec quatre-vingts pour cent de voix ne comptait pas. " (p.216)), les attentats du 11 septembre 2011, les avancées technologiques comme internet ou le téléphone mobile, l'arrivée de l'an 2000, la tempête qui eu lieu juste avant le passage à l'an 2000, le 27 décembre 1999.

Annie Ernaux passe aisément dans son récit du collectif à l'individuel. En nous racontant, elle se raconte aussi, à la troisième personne, peut être pour que ce livre ne soit pas une autobiographie finalement. Quand elle parle d'elle, c'est toujours par l'intermédiaire de photos ou des repas familiaux qui rassemblent certains dimanches, les membres d'une même famille.
C'est également un livre qui parle de la fuite du temps, ces années qui défilent: les études, le mariage, les enfants, la retraite. Elle pose un regard nostalgique sur ses années et s'étonne de voir ses enfants devenir des adultes. Ils ont grandit si vite. Le temps passe inexorablement et Annie Ernaux, a couché sur le papier ces années avant qu'elles ne s'envolent.

Un livre captivant qui parle de nous, qui parle à tous et qui rouvre notre boite à souvenirs. Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous encourage à le faire: parfois il est bon de regarder en arrière pour voir le chemin parcouru.

Annie Ernaux: Les années, France Loisirs, 242 pages, 2008

2 commentaires:

  1. j'adore Annie Ernaux!! tu peux continuer à la lire,tout est excellent!

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  2. @nathalie: Je compte bien suivre ce conseil.

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