mercredi 18 octobre 2017

Au pied!

4e de couverture: l’envers de la fortune 
Etudiante sans le sou, Mathilde vient de décrocher un job inespéré : assistante de la belle et fantasque Geneviève Arcand. En franchissant la grille du château où elle doit officier, elle découvre un monde de luxe et de raffinement, à mille lieux de son quotidien: son logis à elle est le sous-sol humide d’un pavillon, qu’elle partage avec Léa, sa colocataire fêtarde. Naviguant d’un milieu à l’autre, elle se flatte de partager l’intimité de sa patronne. Mais naïve et vulnérable, elle tombe peu à peu sous son emprise. Entre fascination et perversion, la relation qui lie les deux femmes ne laissera personne indemne.
Après un premier roman percutant (Sur la réserve) qui ne m'avait pas laissé insensible, Carole Mijeon revient avec un 2e roman complètement différent mais tout aussi percutant. 

A travers le portrait de Mathilde, jeune étudiante en besoin d'argent, qui décide d'accepter un job chez une ancienne mannequin, Carole Mijeon frappe encore là où ça fait mal en traitant deux sujets forts: la vie étudiante et ses difficultés financières et la perversion narcissique et l'emprise qu'elle peut avoir sur n'importe qui. 

On va suivre le combat qui semble perdu d'avance entre Mathilde, notre jeune étudiante naïve, et Geneviève Arcand, une bourgeoise de province qui va faire d'elle son souffre-douleur, en quelque sorte. Puis, c'est également le conflit intérieur de Mathilde qui nous sera montré. 

J'ai adoré ce livre de la première à la dernière page, n'en faisant qu'une bouchée. J'ai été happé et surpris par la plume de Carole Mijeon dès le prologue: j'avais imaginé une fin différente à ce prologue où l'on fait la connaissance de Mathilde qui suit un SDF en mettant un plan au point. Je m'imaginais déjà une situation, sauf que la fin du prologue m'a détrompé lourdement et je me suis demandé comment tout cela était arrivé (puisque le premier chapitre se déroule huit mois plus tôt, par l'entretien d'embauche de Mathilde par Geneviève). 

Les personnages sont parfois à baffer, et on aime en détester certains, comme Geneviève, (qui m'a rappelé certaines personnes que je connais), cette femme vindicative, qui assoit son pouvoir jusqu'à rabaisser cette pauvre Mathilde, qui m'a fait bien de la peine (même si j'avais envie de la bousculer parfois et lui dire qu'elle se faisait des illusions). C'est par le personnage de Geneviève que les pervers narcissiques sont évoqués: et cette bourgeoise en est un beau spécimen. Elle arrive tellement à ses fins qu'elle détruit totalement la personnalité de Mathilde, qui ne fait que sombrer, mois après mois, et on assiste à sa chute, totalement impuissant, et frustré (les scènes de l'annonce de la mort du chien Agio, pour lequel Mathilde s'était pris d'affection, ou la nuit dans le cagibi, sont des moments insoutenables que je n'oublierais pas de sitôt) en se demandant jusqu'où cette sorcière de Geneviève va aller. Surtout que Mathilde se retrouve seule puisque Myriam, la femme de ménage, va devenir sa rivale, quand Mathilde va passer d'assistante à femme de ménage. Une autre petite manoeuvre de Geneviève: diviser pour mieux régner. 

Ce roman parle aussi de la condition des étudiants, qui, pour payer leurs études, font des petits boulots qui leur prennent beaucoup de temps, et qui vivent dans un petit logement insalubre parfois (là Mathilde et sa colocataire Léa (fêtarde invétérée, tout le contraire de Mathilde) habite dans le sous-sol d'un pavillon près du garage.), à manger des aliments premier prix, parce qu'elle ne peut pas s'offrir autre chose par manque de moyen. 
C'est ainsi que le lecteur passe d'un monde riche (celui de la Rochère) à un monde pauvre (le sous-sol du pavillon) et le contraste entre les deux est saisissant. On peut comprendre que Mathilde se laisse parfois tenter par l'argent et ce monde de luxe. Mais il y a le côté sombre de cette faste lumière. 

Et tout cela nous est raconté dans un style fluide et des dialogues ciselés, qui sonnent vraiment bien à nos oreilles (tellement qu'on a l'impression d'entendre la conversation des personnages, et qu'on y croit) qu'on ne peut qu'être conquis, surtout que cela est fait avec une pointe d'humour, non négligeable. Puis le twist final nous laisse sur les fesses, tout de même. Il y a un certain petit suspense que Carole Mijeon sait entretenir jusqu'au bout. Non, vraiment, rien à redire sur ce livre, à part: lancez-vous et partez à sa découverte. Vous ne le regretterez pas! 

Au final, un 2e roman tout aussi plaisant et maîtrisé, qui m'a ravi. Voilà une auteure, Carole Mijeon que je vous encourage à découvrir: sa plume est belle et ses sujets originaux et percutants  ne laissent pas indifférents. 

Merci aux Editions Daphnis et Chloé pour leur confiance et pour la découverte de ce fabuleux roman. 

Carole Mijeon: Au pied!, Editions Daphnis & Chloé, 321 pages, 2017


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