jeudi 19 août 2021

Rentrée Littéraire 2021 #2: La Grande Vallée

 

Résumé: Quelque part dans les Alpes, la Grande Vallée bat au rythme des saisons. Dans les mois chauds de transhumance, accompagnant leurs bêtes sur les flancs de la montagne, les bergers savourent leurs joies pastorales au milieu de la nature intacte. Le tour d’horizon est somptueux, entre les neiges éternelles qui éblouissent le regard et le vert qui, plus bas, inonde les vallons.

Mais l’arrivée du Grand Batave trouble les cœurs : avec cet homme venu du Nord, c’est le village des Cent-Maisons qui s’industrialise, c’est la nature qu’on transforme. Tous ces bouleversements annoncent-ils vraiment, comme le croit Arno, le petit berger qu’on appelle le Merle, la mort des étoiles et la fin des chansons ?

Vendredi 13 août 2021, petit détour à la campagne, jusqu'à la nuit tombée. Là, je lève la tête et je me perds avec délectation dans le ciel étoilé. Et je me rends compte que cela faisait longtemps que je ne les avais pas vu, ces chers astres.  Etrangement, cette nuit là, je me suis endormi le coeur plein de plénitude. 

Pourquoi je vous raconte cette anecdote? Car, elle fait totalement écho au dernier livre d'Edouard Bureau: "La Grande Vallée". Attention, je vous préviens, nous sommes ici devant un OLNI (objet littéraire non identifié) ou plutôt, un texte qui revient a l'essence de ce qu'est un "vrai" roman, dans le sens romanesque. Ce roman est une pépite, un objet rare: celui qui rappelle les histoires de notre enfance. Ce roman est un bijou rempli de poésie: une fable moderne sur la nature et le combat que certains d'entre nous mène contre l'industrialisation, un livre  qui vous prendra au coeur et vous fera du bien, si vous réussissez à entrer dedans. 

L'histoire, c'est celle d'Arno, dit le Merle, et de son ami Belej dit la Barbe, deux chevriers qui partent en transhumance avec leur troupeau de chèvres, en ayant hâte de faire une halte au Col de Rosàjan, chez le Vieille Dania. On les suit alors dans leur trajet, au gré des saisons, de ce printemps qui se passe et de l'été qui s'annonce. Oui, mais voilà que dans la Grande Vallée, un Homme venu du Nord, que l'on nomme Le Grand Batave, vient proposer son aide aux habitants en leur proposant la Belle Industrie, le Progrès. C'est à ce moment là que le Merle décide de se lancer dans la bataille pour préserver la nature de ces chères montagnes. 

"La Grande Vallée" redonne au conte, et à la fable, ses lettres de noblesse. La plume d'Edouard Bureau est l'une des plus belle et poétique que j'ai pu lire. Pour vous dire, c'est la première fois que je mets autant de post-it dans un roman, pour retrouver certains passages qui m'ont plu. Sa plume m'a donné du baume au coeur, m'a émue aux larmes tellement c'est beau. Tenez, par exemple: 

"Quand je pense à ma vie, je ne vois pas d'ombrage, je ne vois qu'une lueur tranquille, oui, une calme lueur, c'est clair comme un soleil mais ça ne brûle pas, non: ça réchauffe simplement. Mon bonheur, ça n'est pas un zénith, ni la lumière aveuglante de l'après-midi. Mon bonheur est plutôt comme la fin d'une journée, comme ce moment où la terre est chaude, où l'on arrose les plantes pour qu'elles poussent, la fin d'une journée d'été, où l'on est bien, où l'on a bu de l'eau fraîche et où l'on est repu de chaleur. C'est très beau la fin d'une journée d'été. Oui, et mon bonheur et ma vie y ressemblent. " (p.29-30)

Je vous le dis, Edouard Bureau est un poète qui m'a charmé avec ses mots et avec ses personnages: le jeune Arno est d'une gentillesse et a une très belle âme. Son ami Belej est enthousiaste et impétueux et la vieille Dania est d'une sagesse infinie.
 
Alors, je préfère vous prévenir, la première partie du livre (qui fait une centaine de pages) est très contemplative: on suit les deux petits bergers dans les alpages lors de la transhumance et au gré des jours et des saisons qui passent. Le livre est d'une lenteur assumée, mais une lenteur pas chiante, attention: une lenteur qui fait du bien et qui ,en ces temps où tout va vite et où l'on ne prend plus le temps de vivre, il est bon de se laisser emporter et charmer par tout ce que nous offre la nature. Cette lenteur apporte un sentiment de plénitude qui fait du bien et nous reconnecte à la nature, sauf que, l'ombre menaçante du Grand Batave (le grand méchant de l'histoire) plane parmi ses pages de bien être. Honnêtement, je n'avais pas hâte que l'histoire s'emballe: j'étais bien parmi les chèvres et les cabris du Merle et de la Barbe (surtout que ces dernières nous font entendre leur pensée (quand je vous disais qu'on était dans une fable et/ou un conte!). C'est magnifique. 
Ensuite, dans les deux dernières parties, l'action est présente et l'histoire s'emballe avec l'affrontement entre le Merle (la nature) et Le Grand Batave (l'industrialisation), mais la lenteur revient parfois se glisser dans certains paragraphes pour nous laisser souffler. Mais on se laisse emporter jusqu'à une fin que je n'attendais pas, mais qui tout compte fait est d'une logique implacable. Mais d'une beauté sans pareille qui m'a fait monter les larmes aux yeux. 

Edouard Bureau redonne ses lettres de noblesse au roman "romanesque" et d'aventure, dans une fable écologique sur les bienfaits de la nature que l'homme a peu à peu oublié. Un conte magnifique qui vous fera rêver de grand air et de calme. Un livre qui vous donnera envie de mettre votre vie trépidante sur pause, le temps d'une transhumance en compagnie du Merle et de la Barbe. Une vraie pépite qui va se démarquer lors de cette rentrée littéraire, je le sens. Un vrai coup de coeur pour ma part que je vous encourage à découvrir. 

 (Allez, deux petits extraits pour la route et pour vous donner encore plus envie)

"Les hommes sont ainsi, se dit le Merle: en pleine lumière, ils sourient au soleil; ils aiment la chaleur et l'ombre indistinctement. Mais souvent les ténèbres les submergent. Les hommes ne pensent pas à battre en retraite ou à lutter, non, la plupart du temps, ils se contentent de pleurer leur plaisir disparu, le jour décliné. Mais, grand Dieu, pourquoi l'homme ne livre-t-il pas bataille contre l'obscurité? Est ce parce qu'il ne peut rien faire contre elle ou parce qu'il attend le jour suivant, qui sera rempli de beau temps? Ah que soient maudites l'inertie des hommes! leur faiblesse! leur paresse! (p.48)

"La voilà, la Grande Vallée: toute dans cette quête de l'harmonie, aimer l'hiver aussi fort que l'été, aimer les étoiles autant que le soleil! De hautes montagnes bouleversantes où le temps prend son temps. Nulle part ici bas, l'homme n'a contraint les heures, ni les jours, ni les saisons. (p. 282)

Merci aux Editions du Cherche Midi d'avoir redonné sa chance au roman de vraie fiction et aux romans d'aventures, avec cette nouvelle collection "Cobra" qui démarre fort avec "La Grande Vallée". 


Edouard Bureau: La Grande Vallée, Le Cherche-Midi (collection "Cobra"), 445 pages, 2021




 

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