jeudi 19 août 2021

Rentrée Littéraire 2021 #1: Traverser la foule

Résumé: « On traverse des foules toute sa vie, pour ne pas se perdre ou perdre des morceaux de soi. Je traverse la foule comme on traverse la vie, je contourne. »

Un jour comme un autre de décembre, Dorothée se confronte à l'indicible : le suicide de son mari, qui la laisse seule avec deux petites filles face à un gouffre d'incompréhension.
Tout ce qui entoure la mort est pénible, long, compliqué. Il faut attendre, répondre à des questions. Mais le deuil donne aussi le droit de s'affranchir des conventions. Dorothée veut qu'il éclate à la face du monde, elle veut rester qui elle est, une femme qui jouit. Pas seulement une veuve et une mère, mais une femme libre avec son imaginaire et son grain de folie. Alors, passés le choc, la colère et la douleur, elle prend ses émotions et ses enfants sous le bras, qui l'épuisent et la comblent. Les fantômes, elle les brûle.

 Attention, voilà un texte atypique qui risque d'en surprendre plus d'un! Dans ce récit touchant, d'une puissance évocatrice forte, sur un sujet qui pourrait tourner au larmoyant (le suicide d'un proche, et ici, de l'homme qui partageait la vie de Dorothée), Dorothée Caratini laisse sortir la peine qu'elle a au fond du coeur, comme une sorte de catharsis, un besoin urgent de se confier, avec force, courage et humour (car, oui, on sourit en lisant ce livre) sur ce qu'elle a vécut après le suicide de son compagnon. 


Il m'a fallu un petit peu de temps avant de savoir ce que j'avais ressenti durant la lecture de ce livre. J'ai été souvent déboussolé pendant ma lecture, par les différents styles d'écriture. En effet, Dorothée alterne, les narrations, entre la première personne qui la voit actrice de sa vie, comme le Prologue qui revient sur le moment où elle découvre le corps de Stéphane dans son salon. Un prologue fort, qui ne vous laissera pas indifférent, mais qui vous surprendra par un ton parfois caustique, et entre la 3e personne, qui la voit spectatrice d'un passé qu'elle a vécue et qu'elle se remémore, comme leur première rencontre. Le "tu" vient également s'immiscer dans la narration, comme un dialogue entre la narratrice/autrice et le disparu. 

Toutes ces narrations s'entremêlent pour donner un texte fort, troublant parfois, devant le choix de certains mots ou d'une narration percutante, donnant au texte une couleur musicale très rock'n'roll et punk. C'est un peu déconcertant, mais pas déplaisant. En fait, j'ai trouvé ce texte très vivifiant. En parlant du suicide et de la mort, Dorothée parle de la vie, et de celle qu'elle s'est construite avec ses deux filles. Et cette vie là est belle et flamboyante, malgré les obstacles que la vie nous met dans les pattes. 

En fait, j'ai été déconcerté lors de ma lecture, car je ne m'attendais pas à lire un texte aussi aboutit et atypique. On est touché, éberlué devant certains situations, ému par moments mais cela est  toujours contrebalancé par un style percutant qui vous met une claque, en vous disant: eh, c'est pas le moment de flancher, l'histoire (et la vie) continue. Reste attentif". En fait, j'ai aimé être surpris par ce livre.

Comme je vous le disais au début, "Traverser la foule" est un texte atypique, qui vous surprendra page après page. Un texte qui porte une voix nouvelle et percutante, très rock'n'roll dans la littérature française, et qui va plus loin qu'une auto-fiction. Il ne faut pas passer à côté.  De son histoire personnelle, Dorothée Caratini  en a sorti un livre et une voix non conventionnelle, qui risque de marquer la littérature française. 


Merci aux Editions Bouquins, pour la découverte de ce déconcertant "objet littéraire". 


Dorothée Caratini: Traverser la foule, Editions Bouquins, 200 pages, 2021




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