lundi 24 janvier 2011

Le temps où nous chantions


Résumé: Tout commence en 1939, lorsque Delia Daley et David Strom se rencontrent à un concert de Marian Anderson. Peut-on alors imaginer qu'une jeune femme noire épouse un juif allemand fuyant le nazisme? Et pourtant... Leur passion pour la musique l'emporte sur les conventions et offre à leur amour un sanctuaire de paix où, loin des hurlements du monde et de ses vicissitudes, ils élèvent leurs trois enfants. Chacun d'eux cherche sa voix dans la grande cacophonie américaine, inventant son destin en marge des lieux communs: Jonah embrasse une prometteuse carrière de ténor, Ruth, la cadette, lutte aux côtés des Black Panthers, tandis que Joseph essaye, coûte que coûte, de préserver l'harmonie familiale. Peuplé de personnages d'une humanité rare, Le temps où nous chantions couvre un demi-siècle d'histoire américaine, nous offrant, au passage, des pages inoubliables sur la musique.

Mon avis: Je dois vous faire un aveu: c'est vrai, cela fait un petit moment qu'il n'y a pas eu de billet (proprement) littéraire sur ce blog. C'est que j'ai passé 18 jours merveilleux avec la famille Strom.

Ce livre est une merveille. Richard Powers a su me transporter et me charmer de sa plume belle et touchante. C'est la première fois que je lisais des pages aussi belles sur la musique. J'ai eu l'impression de lire une symphonie. La symphonie de l'Amérique aux multiples couleurs.
L'amour que se portent David et Delia, et qu'ils portent à la musique va plus loin qu'une simple histoire d'amour. Ils sont prêt à braver toutes les embûches qui croiseront leurs routes, qu'elles soient raciales (il est un allemand juif, elle est noire) ou sociétales. J'ai même eu l'impression qu'ils se construisaient une bulle. Une bulle dans laquelle ils élèveront leurs trois enfants, Jonah, Joseph et Ruth.

C'est à travers les yeux de Joseph que l'on tisse le fil de l'histoire américaine de la moitié du XXe siècle (de 1939 à nos jours). Des trois frères et sœur, c'est lui mon préféré. Il est souvent au service de sa famille, ne vivant que pour son frère Jonah, qui n'aura de cesse de lui demander de partir avec lui, et ainsi laisser sa vie de côté. Joseph ne se mariera jamais. Il laissera filer Teresa, la femme qu'il aimait pour rejoindre son frère et répondre à son appel. Il mettra sa vie entre parenthèse pour s'occuper de Jonah puis de Ruth. Cette chère Ruth qui ne suivra pas les traces de ses frères dans la musique mais se lancera dans la bataille pour les droits des noirs au côté de son mari Robert et des Black Panthers. Ruth est d'ailleurs laissé de côté une bonne partie du roman puisque nous suivons les traces de Joseph et qu'il a perdu sa trace. Mais elle revient à la fin pour prendre sa place dans la pièce qui se joue devant nous. Et elle s'y révèle émouvante, battante, a essayé de conduire ses fils vers les chemins de la liberté qu'elle et Robert ont tant cherché pour ceux de leur race: d'ailleurs, Martin Luther King et Malcolm X sont évoqués à travers ces pages. Mais les frères Storm sont en dehors du monde réel. Et surtout Jonah.

Jonah s'est révélé à moi vers la fin du roman. Ce n'était pourtant pas gagné car je le trouvais prétentieux par moment mais surtout égoïste, jusqu'au point de faire de Joseph son ombre. Je lui en ai voulu pour ça. Puis, vers les 50 dernières pages, j'ai enfin compris. J'ai compris son état d'esprit: il vivait dans sa bulle musicale ne sachant rien du monde extérieur qui l'entourait. (Ruth sera stupéfaite devant les méconnaissances de Jonah du monde réel: il ne sait même pas que Gorbatchev est au pouvoir en Russie) Il ne vit que pour et par la musique. Il ne se réveillera que lors des manifestations raciales qui vont incendier le pays dans les années 80, mais il sera trop tard pour lui.
Alors qu'il a été le personnage que j'ai le moins aimé, j'ai pleuré devant le destin qui l'attendait.

Richard Powers nous parle également d'intégration, de racisme.
J'ai admiré le courage et la volonté de David Storm et Delia Daley. Dès leur rencontre à Washington lors de ce concert, ils ont tout de suite su qu'ils étaient fait l'un pour l'autre et qu'ils pourraient construire leur propre nid s'ils le voulaient, au mépris des autres et des évènements qui vont déchaîner l'Amérique, de la seconde guerre mondiale aux mouvement raciaux. Ils ont su faire face à tout grâce à leur amour.
L'oiseau et le poisson ont pu s'aimer et faire leur nid au mépris de tous les dangers. Et je trouve cela admirable.

Le dernier chapitre du roman m'a beaucoup touché. J'étais au bord des larmes. L'auteur nous livre une fin magnifiquement poétique, pleine de fantaisie et qui nous explique que le temps est une boucle qui tourne à l'infini. Mais je préfère ne rien dire pour ne pas vous gâcher le plaisir de lire par vous même ces dernières pages qui conclues l'un des plus beaux romans de ces dernières années.

Un livre poignant que je garderai au fond de mon cœur.
Un coup de cœur assurément. Le premier de l'année 2011.

Richard Powers: Le temps où nous chantions (The Time of Our Singing), 10/18, 1046 pages, 2006

8 commentaires:

  1. Je ne sais même pas pourquoi je n'ai pas encore lu ce livre. Il y a tout ce que j'aime dans ton résume, et surtout l'histoire d'une famille qui sert à peindre l'histoire de l'Amérique avec des personnages tellement forts qu'on a l'impression de les connaître. Allez hop, ce sera pour 2011 !

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  2. Un chef d'œuvre, rien de moins. Un roman que j'offre autour de moi dès que j'en ai l'occasion.

    (En passant : le prochain roman de Powers traduit en français, Générosité, sort le 17 mars)

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  3. Je rejoins Ys! Et en plus, encore une fois ton billet a fini de me séduire. Puis si tu as failli pleurer, moi je peux bien sortir les mouchoirs!

    Tiens j'ai eu une pensée pour toi dimanche, j'ai rerereregardé Across The Universe!

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  4. @In Cold Blog: Merci pour l'info. Il est clair que je ne m'arrêterai pas à ce livre. Richard Powers est un auteur que je compte bien relire.

    @Tiphanie: Oui, les mouchoirs sont de rigueur. Et c'est gentil de penser à moi en regardant ce génial musical!

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  5. Je note, note et renote! :D Ton billet donne vraiment envie!

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  6. @Sabbio: très bonne initiative. C'est un livre qui mérite d'être lu tellement c'est beau.

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  7. Ah ce roman! Quel souvenir! Une merveille!!

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