samedi 30 juin 2018

Souvenirs involontaires

4e de couverture: «  Il y a longtemps qu’on m’y incite  : vous devriez raconter votre vie, elle est passionnante  : vous en avez vu des choses et des gens, que ce soit dans le journalisme, la haute couture, la politique, dans le milieu littéraire, en amour  !  … 
Je croyais l’avoir fait  : en une centaine d’ouvrages, j’en ai abattu des sujets, analysé des sentiments  !
Que rajouter, comment y revenir  ?
De Jean-Jacques Servan Schreiber à Françoise Giroud en passant par le Brésil, et Saint-Tropez…
D’analyses en psychanalystes, avec Pontalis, Lacan, Dolto, et bien d’autres.
De Sagan à Camus et Nimier, de Sartre à Céline, de Liliane Bettencourt à François Mitterrand…
Du jury Femina à tous mes éditeurs  : Claude Gallimard, René Julliard, Jean-Claude Fasquelle, et bien sûr Claude Durand…, d’autres plus secrètement, que de personnages ont traversé – parfois durablement – ma vie  !
C’est la façon dont j’ai forgé mon destin et dont en retour il m’a construite et constituée que j’entreprends de raconter ici.
Qu’est-ce qu’écrire, sinon se donner en pâture au public  ?  »


Madeleine Chapsal est une écrivaine connue de bons nombres de français, et  même de ceux qui ne l'ont jamais lu,comme moi. 
La littérature a croisé ma vie il y a 34 ans, et ne l'a plus jamais quittée dès lors (j'avais 6 ans). 
Sans jamais  l'avoir lue, je connais Madeleine Chapsal depuis près de 30 ans. Ma mère, mes tantes ont toutes lu, un jour où l'autre l'un de ses livres. Mon regard a ainsi croisé son nom lors de mes pérégrinations dans les bibliothèques de mes proches. 

Quelle ne fut pas ma surprise, et mon bonheur de trouver dans ma BAL, son dernier livre. Enfin, j'allais avoir l'occasion de me plonger dans son écriture. Pourquoi alors ne pas l'avoir fait avant, en piochant dans la bibliothèque de mes proches. J'avais peur, tout simplement. Peur que ses livres ne me parlent pas, car trop jeune, ou trop garçon, pour pouvoir comprendre le regard d'une femme sur la vie d'une femme. Un grand mystère pour moi. 

Cette autobiographie, joliment titré Souvenirs involontaires n'aurait peut être pas vu le jour, si l'on avait pas demandé, à maintes reprises, à Madeleine de raconter sa vie passionnante. Tout simplement, parce qu'elle n'a fait que ça, à travers ses autres écrits. Ses romans étant inspiré de sa propre vie. 

J'ai beaucoup aimé découvrir la vie de Madeleine Chapsal, qui a vécu tant de choses et découvert tant d'univers qu'elle nous rappelle: le monde de la Haute Couture, par sa mère, créatrice de mode dans les années 20 et au delà, le monde de la presse avec la création de "L'Express" par son mari, Jean-Jacques Servan, Schreiber (JJSS), son expérience de juré littéraire au Prix Fémina,le monde de l'édition avec ses différents éditeurs,  ses amitiés avec Régine Deforges, Sonia Rykiel, Liliane Béttencourt. 
Par petites touches, Madeleine Chapsal déroule le fil de sa vie au gré de ses souvenirs, et le plus étrange, c'est que j'avais l'impression de croiser des connaissances, tellement les personnes croisées au fil de la vie, sont entré dans l'inconscient collectif, comme Sonia Rykiel, Régine Deforges, Françoise Dolto, Françoise Giroud , David Servan Schreiber (un grand médecin, le fils de son ex-mari, avec qui elle construisit une belle relation filiale, elle qui ne put jamais avoir d'enfant), François Mitterrand, Roger Nimier, Bernard Giraudeau, et tant d'autres. 
C'est aussi toute une époque, (celle du Paris de l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui) que Madeleine nous dévoile à travers ses souvenirs. C'est fabuleusement bien écrit, de manière fluide, comme si cela coulait de source. L'écriture de Madeleine Chapsal, c'est comme si elle nous parlait à l'oreille pour nous dévoiler ses pensées les plus intimes. Puis, il y a aussi la notion du temps qui passe, inexorable, et la fin du livre est bouleversant, surtout quand elle évoque les êtres aimés, qui disparaissent progressivement (JJSS, David, François Mitterand, Bernard Giraudeau...) et qu'elle, est toujours là, à vivre pleinement et avec une certaine sérénité, sa vie...tout en gardant en soi l'envie d'écrire encore et encore. 

L'autre point que j'ai aimé dans ce livre, c'est qu'enfin, je lis une autobiographie, telle qu'elle devrait être écrite:au gré de ses souvenirs qui reviennent à la mémoire, de façon involontaire. En effet: le livre est constitué de petits chapitres très courts, entre deux et cinq pages, qui reviennent sur des moments de la vie de Madeleine: elle parle de sa mère, de son enfance, de son métier de journaliste, de sa rencontre avec Jean-Jacques, son mari, de ses voyages, au Brésil ou en Suisse, de ses éditeurs, de son expérience des Salons du Livre (d'ailleurs très intéressant de voir ça, d'un point de vue de l'auteur), de ses rencontres, de ses amours, et ce, au gré de sa mémoire. Alors il y a un petit fil chronologique, puisqu'elle commence à ses trois ans, pour aller vers aujourd'hui, mais, je pense que cela est un travail de montage, et qu'elle a d'abord écrit ce livre dans le désordre le plus complet au gré de ses souvenirs. Il n'y a d'ailleurs quasiment aucun dialogue et c'est normal: qui se souvient d'une conversation dans ses moindres détails, au mot près, qu'il a eu alors qu'il avait 20 ans ou 32 ans. Personne...à moins de les avoir enregistré, comme ce fut le cas pour les entretiens que Madeleine Chapsal eu avec Françoise Dolto ou André Malraux, par exemple. 
Le seul défaut de cet exercice qui consiste à se raconter, au gré de ses souvenirs, c'est qu'il y a certains événements répétés plusieurs fois dans le livre, donnant un aspect répétitif au livre. Un défaut qui n'en n'est qu'un, si comme moi, vous lisez le livre de manière continu. Je pense plutôt alors que c'est un livre qu'il faut picorer et découvrir en lisant un chapitre, de ci de là. 

Au final, un livre de souvenirs qui m'a fait découvrir une personne charmante, une femme amoureuse, et pleine de vie, rempli de joies, de doutes, et de larmes. Une femme qui nous ressemble et qui se livre à son public une énième fois. Je suis ravi d'avoir pu la découvrir et je dirai même que j'ai maintenant envie de découvrir certains de ses romans, pour continuer de suivre le chemin de cette grande dame de la littérature. 

Merci à Eric et aux Editions Fayard pour cette charmante découverte. 

Madeleine Chapsal: Souvenirs involontaires, Fayard, 432 pages, 2018



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire