mardi 12 juin 2018

Le Mangeur de citrouille (Belfond Vintage Saison 6, Volume 31)

4e de couverture: Dans cette tour sur la colline, il n’y avait pas d’enfants pour me conférer une identité ou mettre de l’ordre dans le chaos du temps qui passe. Il faisait très clair : l’éclat brutal du brouillard était plus net que la lumière du soleil. J’avais décroché le téléphone : il gisait sur la table comme un fœtus informe, avec son fil tordu en nœuds épais.
Profonde, violente, la confession glaçante d’une femme au bord de la folie, étouffant dans un mariage qu’elle ne reconnaît pas, perdant pied devant des enfants qu’elle ne comprend plus. Chargé d’une forte dimension autobiographique, porté par un style renversant d’intelligence, ce roman fouille les plaies de Mrs Armitage, la narratrice, mais aussi de Penelope Mortimer, l’auteur, et finalement celles de générations de femmes cherchant désespérément une échappatoire à leur condition.
Publié en Angleterre en 1962 et chez Plon en 1964, un cri déchirant qui, aujourd’hui, est toujours plus assourdissant.

Comme à son habitude depuis maintenant 6 ans, les Editions Belfond, cherchent toujours des textes sortant de l'ordinaire et qui ont une grande portée sur le monde...mais qui sont depuis tombé dans l'oubli pour la jeune génération. 
Je dois dire que je prends toujours autant de plaisir à découvrir les romans de cette collection. A chaque fois, j'y découvre toujours quelque chose qui me frappe. Dans "Le mangeur de citrouille", roman très autobiographique de Penelope Mortimer, c'est la voix de cette femme qui nous happe dès les premières pages pour ne plus nous lâcher et nous hanter, même après avoir fermé le livre qui m'a touché. Cette femme esseulée qui ne sait plus comment vivre dans un mariage vide de sens et des enfants (nombreux, eu lors de ses précédents mariages) qui, grandissant, ne la comprennent pas et s'éloignent, on se surprend à l'aimer et à l'écouter avec bienveillance. 
Alors, je dois vous avouer que les premiers chapitres m'ont laissé un peu perplexe: entre les visites chez le psy, où elle raconte sa rencontre avec Jake, son dernier mari (elle en eu trois avant lui), son premier amour avec le fils d'un pasteur, tous ces éléments étaient mis bout à bout, comme des petites anecdotes sans trop de lien entre eux, à part, la narratrice Mrs Armitage. Malgré cet état de faits, je continuais quand même et puis, vient le moment où tout bascule dans "l'horreur" le plus absolu (bon, le mot est peut-être un peu fort, mais c'est ce que j'ai ressenti en le lisant) avec les événements du milieu de roman. Ce que l'auteure fait subir à son personnage féminin est des plus terrifiants, et cela serait cruel, si Mrs Armitage n'étaient pas le double de l'auteure Penelope Mortimer. Car, l'épreuve que vit la narratrice, qui va progressivement l'amener jusqu’à une certaine forme de folie, l'auteure l'a également vécue. (D'ailleurs, je me suis un peu spoiler le roman en lisant la biographie de l'auteure qui se trouve en début de livre, mais cela ne m'à pas trop gâcher la lecture)
En fait, c'est un roman aux accents cruels qui, mine de rien vous hypnotise au point qu'on ne peut le lâcher avant la fin (en refermant le livre, je me suis aperçu avec étonnement que je l'avais commencé le dimanche matin pour le finir, le dimanche soir). C'est cruel mais également sadique, surtout au vu du comportement des hommes, qui ne sortent pas grandit dans ce roman que ce soit, Jake, la mari de la narratrice qui se comportera comme un beau salaud, ou Mr Conway,qui fera subir à sa femme Beth, la pire des vengeances...mais je ne la plaindrais pas. 
Encore une fois, nous nous retrouvons face à un roman percutant, qui va vous laisser sans voix, tant il bouleversant. La voix de cette femme esseulée, qui ne trouve le bonheur et la solution à ses douleurs que dans l'enfantement, et qui va devoir renoncer à cette part de féminité, va me hanter encore longtemps. Cette voix est forte, sans fard et vous prend aux tripes, vous hypnotise.
Au final, une (re)découverte qui va laisser des traces: le roman de Penelope Mortimer laisse entendre une voix de femme qui dit son désespoir et sa solitude devant un énième mariage qui part à la dérive. Avec un style percutant,cruel dans les faits, les mots et les gestes, il nous embarque au plus loin dans la folie, jusqu'à l'obsession. L'obsession du personnage pour la survie de son bonheur et l'obsession du lecteur d'aller jusqu'au bout afin de savoir comment Mrs Armitage va se sortir de cet enfer. Un texte important qui, par la voix d'une femme, parlera à toutes les femmes. 
Merci aux Editions Belfond pour cette découverte essentielle. 
Penelope Mortimer: Le mangeur de citrouille, (The Pumpkin Eater), 250 pages, Belfond, (Collection Belfond |Vintage]), 1962 (pour l'édition originale), 1964 (pour la traduction française), 2018 (pour la présente édition)




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