lundi 6 avril 2015

Nous ne sommes pas nous-mêmes

4e de couverture: Une révélation littéraire comme on en voit rarement. Épique, tendre, cruelle, traversant toute la deuxième moitié du xxe siècle, une oeuvre bouleversante qui, à travers le désir d'ascension d'une femme, interroge l'American Dream et rappelle les plus belles heures du grand roman américain.

De son enfance dans un minuscule appartement du Queens d'après-guerre, fille unique d'un père camionneur idole du quartier, et d'une mère qui noyait sa mélancolie à grands coups de scotch, Eileen Tumulty a tiré un principe : toujours viser plus haut, ne jamais renoncer à sortir de sa condition.
Faire des études, décrocher un diplôme d'infirmière : Eileen s'accroche, s'endurcit. Tomber amoureuse, épouser Ed : Eileen s'envole, elle a de l'ambition pour deux. Donner naissance à un fils, trouver la maison de ses rêves, former une vraie famille : Eileen veut encore plus, encore mieux.

Et pourtant...
Les rêves ne sont-ils jamais que des rêves ?

Sentir la menace, redouter le pire, se révéler dans l'épreuve.

Et puis choisir de continuer à vivre, malgré tout.


Ce roman-fleuve de Matthew Thomas m'a déconcerté. En lisant la 4e de couverture, je m'attendais à lire une fresque de l'Histoire Américaine, vécue à travers le prisme d'une famille américaine, sur plus de 60 ans. J'ai commencé ma lecture avec cet objectif et, au final, ce n'est pas ce que j'y ai trouvé. Non, ce roman n'est pas un livre sur l'Amérique. C'est un roman intime centrée sur une famille, les Leary,  avec leurs joies et leurs peines. Ayant compris cela, c'est à ce moment là que le roman s'est révélé à moi. Il m'a bouleversé, chamboulé. 
Matthew Thomas a donné du corps à ses personnages. Nous sommes vraiment dans l'intimité d'un couple, de sa rencontre jusqu'à la disparition d'un des deux. Ed et Eillen Leary démontre que l'amour est plus fort que tout. Malgré ses rêves de grandeur, Eillen n'a jamais baissé les bras et a toujours soutenu son mari, jusqu'au bout. C'est beau, émouvant. 

En fait, j'ai pris le temps de lire ce roman car, au final, il ne s'y passe pas des événements majeurs qui vous clouent sur place et vous fait tourner les pages à une vitesse folle. C'est un roman qui prend son temps et qui expose les faits de manière poétique et cruelle, et qui nous parle surtout du temps qui passe et des rêves qui ne restent que des rêves. 
J'en étais donc à penser que ce roman était bien sympathique mais qu'il n'avançait pas beaucoup, pestant déjà sur le fait que l'auteur aurait pu nous éviter certains passages et faire plus court (ceci est un fait avéré pour moi: l'auteur aurait pu resserrer son roman,en évitant de s'appesantir sur certains passages, mais bon, c'est souvent le défaut des premiers romans), et voilà qu'un événement va tout changer dans ma perception du roman. 
A ce moment là, le couple Leary (qui a eu un fils depuis quelque temps déjà) se délite progressivement: Eillen ne reconnait pas son mari et commence à s'éloigner de lui. Elle sent qu'ils n'ont pas les mêmes ambitions et le lecteur que je suis, sent que le couple arrive à un point de non retour. Mais voilà qu'une maladie s'invite dans le couple. Cette maladie va me faire changer de regard sur la famille Leary et changer ma perception du roman. A partir de ce moment là, je me  suis senti proche de cette famille, m'y retrouvant parfois. J'ai été ému aux larmes devant le combat de ce couple qui se lance dans une lutte perdue d'avance, puisque cette maladie (L'Alzheimer pour mettre un nom sur celle ci) ne se soigne pas. 
J'avoue qu'a partir de ce moment, le roman devient un peu éprouvant émotionnellement, puisque cela fait plus de 400 pages  que le lecteur s'est attaché aux Leary, avant que la maladie se déclare. L'auteur ne nous épargne rien sur la dégradation que provoque la maladie chez Ed, et cela a été difficile pour moi de le lire car j'ai été confronté à cette maladie. Cela a fait ressortir en moi des sentiments et des émotions que j'ai vécu. 

La maladie d'Ed pourrait être assimilée à la fin du rêve américain. Au début du roman, Eillen, fille d'un Irlandais qui s'est établi à New York pour y refaire sa vie, a des rêves plein la tête: elle veux avoir un très bon métier (avocate, médecin...), une belle maison dans un quartier "riche": le rêve américain par excellence...sauf que Ed, son mari n'a pas les mêmes ambitions qu'elle, ce qui va la démoraliser. Elle va voir son quartier changer avec des familles noires, indiennes s'installer près d'elle...et ce n'est pas ce qu'elle veut pour sa famille. Elle réussira à acheter une maison dans une banlieue plus huppée, mais c'est à ce moment là que sa vie va basculer et que ses rêves de réussite vont tomber en lambeaux: elle va alors se consacrer à son mari,tout en gardant l'espoir que son fils Connell, aura une meilleure vie qu'elle. Sauf que Connell ressemble plus à son père.
Ce roman fabuleux sur la désillusion et les espoirs déçus est bouleversant, dérangeant parfois, crispant devant certaines situations mais toujours juste. Matthew Thomas nous embarque dans cette histoire américaine qui ressemble à beaucoup d'autre...et c'est ce qui fait sa force: la proximité avec le lecteur. 

J'ai bien conscience que je ne rend pas justice à ce roman avec cette chronique (je n'arrive pas à trouver les mots justes sur les émotions que j'ai ressenti tout au long de ma lecture), mais ne vous arrêter pas à cela. Nous ne sommes pas nous mêmes est un roman à lire pour tous ceux qui aiment les fresques intimistes, les grands romans qui nous parlent des gens simples, et qui déroule le fil de toute une vie: celle de la famille Leary. Faites leur connaissance, vous en ressortirez changé et vous verrez la vie d'un autre oeil. 

Merci à Brigitte et aux Editions Belfond pour cette merveilleuse rencontre avec les Leary. 

Matthew Thomas: Nous ne sommes pas nous mêmes, (We are not ourselves), Belfond, 788 pages, 2015


2 commentaires:

  1. Je trouve que ton billet rend bien justice au livre, surtout dans ton avant-dernier paragraphe ou tu fais la comparaison avec l'American dream, pour autant je n'ai pas tellement envie de le lire, je crains un peu les longueurs et la lenteur.

    Et au passage, purée, elle fait flipper la couverture du livre que t'es en train de lire!!!

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  2. Merci pour ce gentil commentaire, moi qui pensait que mon billet aurait pu être mieux, cela me réconforte.
    Oui, une couverture de livre à ne pas regarder avant de dormir, sinon, on ne dort pas. D'ailleurs, le livre est posé face 4e de couverture, tellement celle ci (la couverture des "3 crimes.." me fait flipper. Mais le livre est passionnant, pour le moment.

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