lundi 22 octobre 2018

Ça raconte Sarah

4e de couverture: Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d’une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l’allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l’étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d’une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.

Rentrée Littéraire 2018 (#10)

Premier roman d'une jeune écrivaine qui impressionne beaucoup,de par son style,  "Ça raconte Sarah" est l'un des chocs littéraires de cette rentrée. 

Retenez bien ce nom: Pauline Delabroy-Allard. Voilà une grande écrivaine, dont vous  entendrez beaucoup parler dans les prochaines années, j'en suis certain. 
En tout cas, elle frappe très fort avec un roman qui vous happe dès la première page.  la scène d'ouverture du livre (qui se situe en réalité entre les deux parties du livre) m'a énormément intrigué et donné l'envie de continuer. 

Ce roman, ça raconte quoi? Alors oui, ça raconte Sarah, une femme solaire, qui aime la vie et qui illuminera celle de la narratrice. Mais cela raconte également une passion amoureuse entre deux femmes: la narratrice et Sarah, et tout commence avec un coup de sonnette lors d'une soirée de réveillon. Cette rencontre va bouleverser la vie de la narratrice, qui vit une vie sans relief (mère célibataire, prof, elle élève sa fille et vit avec son compagnie d'origine Bulgare) que Sarah va venir illuminer. 
Le roman est composée de deux parties: la première dresse le portrait de Sarah, cette femme qui emporte la narratrice dans un tourbillon. Elle est belle, violoniste, et fait le tour du monde lors de tournée avec son quatuor à cordes. C'est aussi la partie de la passion amoureuse, celle où la narratrice se découvre des points communs avec l'être aimé, mais veut aussi savoir ce que veut dire certains mots,. Elle cherche d'ailleurs à un moment la définition du mot passion et ce qu'elle lit n'est pas très réjouissant et aurait dû la faire fuir...mais l'amour est aveugle et la passion encore plus. 
La deuxième partie du roman est celle où la narratrice devient elle même ce personnage de roman qu'elle aurait voulu être: elle fuit Paris pour l'Italie et va tout remettre en question. Cette 2e partie, plus introspective, m'a emporté d'une autre manière que la première.Autant la première me lançait dnas un tourbillon euphorisant et planant, autant la 2e m'a donné un choc émotionnel, qui m'a fait redescendre sur terre.  Je me laissais glisser dans ce gouffre sans fond afin de savoir comment cela allait se finir. 

En fait ce livre passe de la lumière à l'ombre: Sarah, "lumineuse" (dans les yeux de la narratrice) prend toute la place dans la première partie, puis quand la passion s'estompe, car à un moment, elle se délite, l'ombre reprend ses droits, dans une 2e partie plus introspective. 

J'ai énormément aimé ce roman, pour son sujet; c'est un livre sur la passion dévastatrice qui va jusqu'à la folie et Pauline Delabroy Allard démontre bien cela dans un style fort musical, avec des phrases courtes, qui sonne comme une musique à notre oreille. J'ai également beaucoup aimé les références littéraires (Duras, Goldoni), cinématographiques (Truffaut) et musicale (Beethoven, Schubert): elles parsèment le roman comme des petites respirations bienvenues avant de refaire le grand plongeon dans cette passion fulgurante, qui emporte la narratrice et le lecteur dans un tourbillon. 

Pauline Delabroy Allard a un talent fou et met la barre très haute pour un premier roman fulgurant, sur la passion et offre un portrait beau et saisissant de deux femmes qui s'aiment quitte à se brûler...juste pour pouvoir exister coûte que coûte et vivre cette passion dévorante jusqu'au bout. Puis, les questions sans réponses que nous laisse l'écrivaine, sciemment, fait que le lecteur peut leur donner l'interprétation qu'il veut. 
Franchement, Ca raconte Sarah est l'un des plus beaux textes que j'ai pu lire en cette rentrée littéraire et je suis ravi du petit succès qu'il rencontre, car c'est mérité. 

Merci à Pauline Delabroy Allard, que j'ai eu la chance de rencontrer le 19 octobre 2018 lors d'une rencontre à la librairie Gibert de la ville où j'habite, pour la dédicace de mon exemplaire. Ce fut un moment fort intéressant et intense en émotion, que je n'oublierai pas de sitôt. 

Pauline Delabroy-Allard: Ça raconte Sarah, Editions de Minuit, 189 pages, 2018


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