Résumé: 1878, Londres. Trois personnages gravitent autour du Lyceum Theatre : Ellen Terry, la Sarah Bernhardt anglaise; Henry Irving, grand tragédien shakespearien, puis Bram Stoker, administrateur du théâtre et futur auteur de Dracula. Loin d’une légende dorée où tous les pas mènent vers la gloire, la destinée de Bram Stoker se révèle un chemin chaotique mais exaltant.
Avec ce Bal des ombres, Joseph O'Connor rend un vibrant hommage au père de Dracula, Bram Stoker (en y mêlant également deux autres grandes figures anglaises, Ellen Terry et Henry Irving) dans un récit follement gothique et baroque à souhait.
Il y a un moment que je veux découvrir les histoires de Joseph O'Connor (deux de ses livres peuvent en témoigner puisqu'ils attendent depuis quelques années d'être lu par le chroniqueur de ce billet). Et finalement, c'est avec son dernier livre que je le découvre.
Je dois dire que ce livre m'a déconcerté à son début. J'ai mis une quarantaine de pages à savoir dans quoi je m'embarquais, l'auteur prenant un malin plaisir à mélanger les époques et les différentes écritures stylistiques, passant de lettres aux extraits de journaux intimes. Il a fallu l'arrivée de Stoker au Lyceum, théâtre londonien récemment acheté par Henry Irving, grand comédien Shakesperien pour me laisser aller. Ensuite, je n'ai pu que me laisser porter par la plume poétique et envoutante de Joseph O'Connor.
Quelle idée géniale de la part de Mr O'Connor d'avoir fait le choix de "copier" son personnage Bram Stoker dans la façon de raconter les aventures londoniennes de l'écrivain, en interaction avec Henry Irving, et Ellen Terry, entre autres. En effet, L'auteur s'est inspiré de "Dracula" dans ses références, mais aussi dans sa forme, puisque le texte est composé, essentiellement d'extraits du journal de Bram Stoker (alors probablement inventé par Joseph O'Connor, puisque nous sommes ici dans une oeuvre de fiction, et non pas une biographie) et de lettres (pour ceux qui l'ignorerait, Dracula est un roman essentiellement épistolaire entremêlé de journaux intimes des protagonistes). Mais les références ne s'arrêtent pas là, puisque Joseph O'Connor citent les protagonistes principaux du roman de Bram Stoker, Jonathan Harker (qui ici est un jeune dessinateur qui signera les décors des pièces montées par Irving) et Mina (qui, dans Le bal des ombres est justement une ombre, un fantôme qui erre dans les hauteurs du Lyceum (dans ce fameux "antre de Mina" qui fait peur à beaucoup de monde et dans lequel Bram Stoker va se réfugier pour écrire). Sans oublier évidemment, le comte Dracula, qui doit être représenté dans le roman par le personnage réel et fictif à la fois, Henry Irving, propriétaire du Lyceum, ogre magnifique qui rend la vie impossible à ses subordonnés.
Alors, faut il avoir lu Dracula pour lire ce livre? Non, pas obligatoirement, mais l'avoir lu est un petit plus car le lecteur peut alors s'amuser des références qu'il découvrira au fil de sa lecture.
Qu'est ce que j'ai aimé l'ambiance de ce livre, retrouver l'intérieur d'un théâtre, le Londres de la fin du XIXe, l'ambiance sombre et gothique de ce livre, encore plus renforcé par la peur qui s'insinue dans la population depuis qu'un fameux Jack l'Eventreur sème la terreur dans les rues (d'ailleurs, Bram nous entraine dans ses ruelles tard dans la nuit, nous faisant frissonner au moindre bruit). C'est également un livre sur la création littéraire et le fait de ne pas être reconnu de son vivant, car, comme beaucoup d'écrivains de son temps, Bram Stoker, ne vit pas de sa plume et se résigne à travailler dans ce théâtre en tant qu'administrateur. Ses relations avec sa femme, Florence, s'en ressent un peu. (Pourtant, c'est elle qui se battra pour les droits d'auteurs de son mari en intentant un procès à la société de film qui produisit "Nosferatu", très inspiré par Dracula, en leur intentant un procès et établissant ainsi la protection des auteurs avec ces fameux droits d'auteurs. C'est ce qu'explique Joseph O'Connor à la fin du livre en lui adressant également ses remerciements).
Si je ne devais avoir qu'un bémol, ce serait pour la dernière partie du livre (la Coda): non pas qu'elle ne soit pas intéressante mais le fait qu'un personnage ai disparu lors de l'acte III, le souffle retombe un peu. Comme si celui ci avait pris toute la place et phagocyté les autres personnages. Elle donne cependant une belle conclusion au destin de Bram Stoker, mais elle n'a pas su m'emporter au bout.
En tout cas, je ne regrette pas cette formidable découverte. Voilà un roman gothique dans la plus pure des traditions. Un roman sur l'envers du décor et les coulisses d'un théâtre, avec l'ombre de Dracula qui plane sur le Lyceum. Que demander de mieux, franchement.
Merci aux Editions Rivages pour ce voyage fantasmatique dans le Londres du XIXe.
Joseph O'Connor, Le bal des ombres, (Shadowplay), Rivages poche, 477 pages, 2022
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