mardi 30 juin 2015

Le cortège des épileptiques

4e de couverture: « Nous sommes le souffre, la malséance et le viol. Nous sommes la fausse note dans le requiem, le treizième pied dans l’alexandrin. Nous sommes le glaire et la pisse qui coulent sur vos tricots de peau. Et surtout, nous sommes nombreux. »
Des paysages blancs à n’en plus finir, une ville à fuir, un lac et une prostituée à retrouver pour enfin pouvoir se (re)poser : Victor et son mentor Girodet subissent la faim et le froid dans un décor de fin du monde. Mais qui sont-ils ? Comment en sont-ils arrivés là ? Que fuient-ils ? Et pourquoi cette obsession du lac de Debbie Dew et de sa bouche carmin ? Victor écrit son errance, son épilepsie, son enfance au pensionnat, ses rencontres hors du commun et sa fuite de la ville à feu et à sang.
Le roman de l’impatience, de la turbulence, le récit de l’hyperactivité. Un conte moderne et urbain où l’auteur imagine un avenir peut-être pas si lointain.

Ce roman aux allures d'apocalypse, né de l'imagination de Matthieu Carlier, journaliste de profession, est des plus étranges. 

Deux hommes ont fuient la ville pour s'aventurer dans le monde, destination un chalet près d'un lac. Le narrateur (Victor) est un jeune homme impatient, malmené par la vie et qui, par ce voyage, espère reprendre le cours d'une vie devenue des plus chaotiques. Heureusement, Girodet, son mentor, est là pour canaliser et tempérer tout cela.

J'ai été fasciné par ce livre, et ce, malgré le fait  qu'il ne se passe pas grand chose: c'est simplement l'errance de deux hommes dans un monde en ruine, dans un futur plus ou moins proche (en tout cas, on ressent une certaine ressemblance dans les thèmes, à notre monde actuel: la violence, la délinquance, la pauvreté, l'envie de liberté. Tout ceci fait écho à notre société actuelle.) 
Ce n'est donc pas l'histoire qui a retenu mon attention, ni même les personnages (mêmes si ceux ci sont intrigants et que je voulais savoir quelle avait été leur vie pour qu'ils en arrivent là), c'est l'écriture de l'auteur. Celle ci est travaillée à un tel point qu'elle oscille souvent entre un style journalistique, qui relate des faits et des envolées poétiques qui nous emportent dans un monde fantasmagoriques (les scènes hallucinés de Victor lors de ses crises d'épilepsies en sont un bel exemple).

Voilà pourquoi j'ai pris le temps de lire ce livre: la lenteur m'a été nécessaire pour bien capter toutes les subtilités du texte (je pense, d'ailleurs, que je n'ai pas totalement vu toutes ces subtilités); puis, la construction atypique du livre, fait que j'ai été plus d'une fois surpris. En effet, dans une première partie, on suit la fuite en avant du narrateur et de Girodet, dans un monde en ruine. On sait juste qu'ils ont quitté la ville, pour aller retrouver une certaine Debbie Dew (dont le narrateur est amoureux même s'il ne le dit pas clairement), prostituée de son état, qui possède un chalet au bord d'un lac. Arrivé à la fin de cette première partie, une surprise de taille attend le lecteur (mais que je tairais pour vous en laisser la découverte) qui se demande comment l'histoire va continuer. Et c'est là que cela devient fascinant: l'auteur opère un retour temporel en nous contant les événements antérieur à la fuite de Girodet et du narrateur, à l'intérieur de la ville. Ainsi, dans cette partie, le voile se soulève sur toutes les questions que je me posais en lisant la première partie (le passé de Victor, le narrateur, cette fameuse Debbie Dew, "fantôme" fantasmatique de la première partie, qui se dévoile dans la 2e partie). Enfin, dans une dernière partie, c'est à un nouveau décor et une situation des plus complexes et effrayantes à laquelle le lecteur est confrontée. Jusqu'à une fin des plus énigmatiques et poétiques.

Au final, ce roman est une belle expérience de lecture: sa construction m'a intrigué et m'a donné envie de savoir comment cela allait se terminer pour les protagonistes principaux. Matthieu Carlier a réussi a construire un monde des plus fascinants, et pas si futuristes que cela (malheureusement, car cette vision du monde est pessimiste, quand même), en mêlant un style poétique à un style plus journalistique (dans le sens où il décrit un monde et une société , afin de nous le restituer le plus juste possible comme le ferait un journaliste dans un article ou un reportage): ce qui fait un mélange des plus étrange et original, ma foi. 
Le roman de Matthieu Carlier vaut le coup d'être découvert, si comme moi, vous aimez les nouveaux univers et faire de nouvelles expériences de lectures.

Merci aux Editions Daphnis & Chloé pour cette fascinante découverte.



Matthieu Carlier: Le cortège des épileptiques, Editions Daphnis & Chloé, 261 pages, 2014




2 commentaires:

  1. Je suis curieuse, l'histoire m'intrigue!

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    1. Yes! J'ai réussi à titiller ta curiosité. Si tu tombes sur ce roman, n'hésites pas à le lire, il sort des sentiers battus, je trouve.

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