mardi 12 octobre 2021

Hangsaman

 

Résumé: La jeune Natalie Waite a du mal à trouver sa place dans une famille dysfonctionnelle, entre un père écrivain médiocre mais imbu de lui-même et une mère au foyer névrosée. La noirceur s'immisce dans son esprit et dans sa vie au point que celle-ci va tourner au cauchemar.

Inspiré par la disparition (inexpliquée à ce jour) d'une étudiante non loin de l'endroit où vivait Shirley Jackson, ce roman est une exploration aussi magistrale qu'effrayante de la perte des repères chez une adolescente en perdition.

Shirley Jackson est une autrice qui, malgré une courte carrière à marqué la littérature de son empreinte, faisant d'elle l'inventrice du "gothique noir moderne" et la reine du roman d'horreur psychologique. Elle aurait été l'une des inspiratrices de Stephen King, rien de moins. 

Comment ne pas être intrigué et vouloir découvrir sa plume. Chose faite grâce aux Editions Rivages qui ont la belle idée de traduire et publié ses écrits depuis quelques années. J'ai eu la chance de recevoir le dernier roman paru ce mois ci chez Rivages, "Hangsaman". Celui ci est le 2e roman de Shirley Jackson et son pitch fut des plus intriguant. Une jeune fille de la petite bourgeoisie, qui s'ennuie tellement dans son monde qu'elle n'hésite pas à s'inventer des vies parallèles. 

Avec ce livre, j'ai fait un "aussitôt reçu, aussitôt lu", tellement impatient de découvrir cette autrice. Je me  suis plongé direct dedans sans savoir dans quoi il allait m'embarquer et je dois dire que dès les premières pages, j'ai été complètement largué (mais je pense que c'est un peu le but de l'autrice) mais aussi complètement soufflé. Dès les premières lignes, on ressent un malaise qui ne va plus nous quitter avant la fin. Même, il va aller grandissant. Attention, c'est un livre qui va vous déboussoler jusqu'à la folie. D'ailleurs, c'est bien simple, je me suis demandé, dès le départ, si Natalie, la jeune protagoniste du roman, n'était pas folle...et je dois dire qu'en arrivant à la fin, je ne suis pas loin de le penser. 

En fait, ce roman, c'est une angoisse permanente et latente, mais aussi une critique de la société aisée de cette époque (les années 40-50), mais aussi de la "société universitaire", avec cette hypocrisie qui suinte à travers les murs de l'université. Le père de Natalie est imbu de lui-même, autoritaire ,mais que Natalie vénère toutefois, la mère est soumise et s'inquiète souvent pour sa progéniture. 

En quittant son milieu familial, où elle étouffe un peu, Natalie pense trouver une liberté à l'université, sauf que l'hypocrisie qui y règne, vont faire qu'elle va rester dans sa solitude et dans son monde imaginaire. Et cette "future écrivain" n'en manque pas, d'imagination. Celle ci bouillonne en elle et parasite énormément le roman. C'est bien simple, on ne sait pas si on est dans la réalité ou dans la fiction, et une frustration s'installe, surtout que l'autrice prend un malin plaisir a jouer de cette frustration en ne montrant pas, par exemple  l'agression dont serait apparemment victime Natalie de la part d'un invité de son père. Frustration renforcée par le fait que Natalie fait comme s'il ne s'était rien passé. Et c'est ainsi que la fiction prend plus le pas sur la réalité. 

En définitive, ce livre est dérangeant jusqu'au malaise. Malaise que l'autrice prend plaisir a renforcer, page après page, jusqu'à un dernier quart angoissant et hypnotique où l'on tremble pour Natalie, tout en se demandant: mais est ce vraiment vrai de vrai? Et c'est ça qui fait la force du livre: ce perpétuel questionnement de la fiction sur le réel. C'est également de par ses peurs, que Natalie grandira et deviendra adulte. 
Non, franchement, "Hangsaman" fut une lecture fort déconcertante, qui ne m'a pas laissé indifférent. J'ai été mal à l'aise ,certes,  mais vraiment hypnotisé par l'écriture et l'imaginaire de Shirley Jackson, que Fabienne Duvigneau a su magistralement retranscrire dans notre langue . Vraiment, une très bonne découverte que l'univers de Shirley Jackson, qu'il faut absolument (re)découvrir. D'ailleurs, merci aux Editions Rivages de nous permettre de connaître l'oeuvre de cette autrice fondatrice, que je serai ravi de continuer à lire, avec un prochain titre. 

Shirley Jackson, Hangsmaman, (Hangsaman), Rivages, 281 pages, 2021




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