Sous la direction des deux chefs de bande, Estela et Epitafio, les convois prennent la route des montagnes. Ces amants contrariés jouissent des souffrances qu’ils infligent. Obsédés l’un par l’autre, ils tentent vainement de communiquer pour se dire leurs espoirs d’une nouvelle vie.
Tenu en haleine, le lecteur navigue entre les différents protagonistes: Estela et sa cargaison dans une direction, Epitafio dans une autre, son homme de main occupé à ourdir quelque vengeance, les jeunes passeurs qui répètent inlassablement leur triste tour… tandis que le chœur des migrants devient peu à peu «sans voix, sans âme et sans nom».
Dans ce récit construit avec une impeccable maîtrise, où les hommes et les femmes sont réduits à l’état de marchandises, Emiliano Monge met à nu l’horreur et la solitude, mais aussi l’amour, la loyauté et l’espérance qui animent les êtres.
Tragédie moderne à la prose rythmée, Les terres dévastées happent le lecteur dans un tourbillon aussi bouleversant que dérangeant.
Sans espoir et un amer goût de violence dans la bouche. Voilà comment pourrait être perçu le dernier roman d'Emiliano Monge.
J'ai voulu découvrir ce livre pour sortir de ma zone de confort (la littérature américaine) pour trouver quelques chose de différent. Je crois que j'ai été servi avec ce roman mexicain. Il est bon parfois d'aller prendre des chemins de traverse qui nous font aller très loin. ici, c'est dans la violence la plus brute que l'auteur nous embarque et je dois dire que je n'étais pas préparé à ça.
Emiliano Monge est en plein dans l'actualité avec ces migrants qui traversent la frontière mexicaine pour un monde meilleur...sauf que la jungle (ces fameuses terres dévastées) dans laquelle ils se trouvent va être un véritable enfer. Raconter l'histoire des migrants par le prisme de leur ravisseurs (car ces migrants sans noms, et sans visages vont se faire piéger par leurs passeurs, qui vont les donner à des trafiquants pour qu'ils les vendent) est une formidable idée, qui peut être à double tranchant pour le lecteur, qui se sent déstabilisé.
En donnant un visage aux ravisseurs (Epitafio et Estela, ce couple, qui tout au long du livre va tenter de communiquer sans trop y parvenir), l'auteur m'a fait ressentir un sentiment étrange: une sorte de malaise: comment pouvais je avoir de la compassion pour ces ravisseurs et non pas pour ces pauvres gens? Tout simplement grâce à l'auteur qui leur à donner une âme, alors que la "masse de migrants" n'ont plus aucune identité et ne sont que marchandise. (C'est horrible de dire ça, mais c'est ce que j'ai ressenti envers ces gens, à qui l'auteur laisse pourtant, parfois la parole). Seul l'un d'entre eux, Mausoléo (c'est Epitafio, qui la renommé comme cela) ce "géant" auquel Epitafio donne une chance à droit à la parole et à un nom: cette chanson, il va la saisir et essayer de jouer double jeu avec les deux ravisseurs, Epitafio et Sepelio, afin de pouvoir s'en sortir. Il y a également une histoire de vengeance dans ce roman, sauf que sur ce coup, je n'ai pas totalement adhéré car je n'ai pas compris le ressentiment de Sepelio pour Epitafio. Peut être suis je passé à côté. Dommage, car cela créait une tension indispensable pour les enjeux de l'histoire.
C'est un texte difficile à lire, de par la violence qui se dégage de la situation (on est dans une véritable jungle qui pue la mort à chaque pas), mais aussi de l'écriture crue de l'auteur. Pourtant, parfois, il y a des moments de lyrisme,qui m'ont charmé. Mais ils sont toujours contrebalancé par la violence verbale et physique qui émane de tout le livre. On oscille à chaque fois, entre enfer et paradis, espoir et désillusion et ce yoyo sentimental n'est pas de tout repos pour le lecteur.
Il y a une sorte de fascination pour les personnages, pour la plupart malveillants, du livre,qui s'est formé dans mon esprit et qui m'a fait continuer ma lecture: j'ai eu envie de savoir comment tout cela allait se terminer. Ayant maintenant la réponse à cette question, je garde un goût amer dans la bouche: c'est un roman affreusement pessimiste: la jungle m'a peu à peu englouti et je pense ne pas sortir indemne de cette lecture.
Au final, un roman percutant qui vous happe dès le départ, malgré une confusion, qui vous laisse sur le carreau, les 50 premières pages (comme si vous étiez vous même l'un des migrants du livre) et qui vous englouti dans un monde de violence, de haine et de désillusion, qui vous laisse l'esprit poisseux. Un roman dans lequel on ressort quelque peu sonné. Cette première découverte de la littérature mexicaine fut une véritable claque, qui m'a laissé KO. Un roman et une plume dévastatrice (celle d'Emiliano Monge) à découvrir ma fois, , en prenant garde toutefois, car vous risquez de prendre des coups et de ne pas en sortir indemne.
Merci aux Editions Philippe Rey pour cette percutante découverte.
Emiliano Monge: Les Terres dévastées, (Las Tierras arrasadas), Philippe Rey, 347 pages, 2017
Emiliano Monge: Les Terres dévastées, (Las Tierras arrasadas), Philippe Rey, 347 pages, 2017
Pourquoi pas, ça me fait penser à un film que j'ai vu l'an dernier!
RépondreSupprimerEn le lisant, j'ai pensé au film "Traffic" de Soderberg. Je préfère te prévenir que c'est assez violent comme livre et dérangeant. Je sais que tu as une âme un peu sensible...mais à toi de voir.
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