vendredi 11 juin 2021

La Trilogie des jumeaux

Résumé: Klaus et Lucas sont jumeaux. La ville est en guerre, et ils sont envoyés à la campagne, chez leur grand-mère. Une grand-mère affreuse, sale et méchante, qui leur mènera la vie dure. Pour faire face aux atrocités qui les entourent, Klaus et Lucas se serrent les coudes, deviennent inséparables. Jusqu'à ce que le déroulement de l'Histoire, ravageur et implacable, bouleverse à jamais leur destin.
 

Ce petit roman, premier volet d'une trilogie, est d'une puissance incroyable, d'une noirceur insondable. 

Ce qui m'a frappé, au premier abord, c'est le style d'Agota Kristof. Avec des phrases courtes, d'une simplicité confondante, à la limite "enfantine"(il faut savoir que l'auteure, d'origine hongroise a écrit ce livre en français), elle contrebalance cela avec l'esprit de noirceur, et le caractère adulte de Klaus et Lucas, les deux jumeaux de l'histoire, qui ne sont pourtant que des enfants, à qui je n'ai jamais pu donner d'âge précis. En tout cas, ils ne se comportent pas comme des petits enfants. C'est ainsi que le malaise prend place pour ne plus nous lâcher avant la fin. 

Ce livre est dur, malsain, traitant de la violence sans borne de deux enfants "inhumains" j'ai envie de dire. J'ai eu l'impression que les deux jumeaux (qui ne font qu'un) ne ressentaient rien, ni douleur, ni regret, ni joie, ni peine. Comme s'ils n'étaient que des coquilles vides. Il est aussi question de pédophilie, de zoophilie, même, et certaines scènes font frissonner de dégoût. Mais l'auteure, par cet aspect, contribue à nous donner un aperçu des atrocités d'une guerre, sans complaisance. C'est comme un uppercut que le lecteur se prend en pleine face. 

Pourtant, je n'ai pu m'empêcher de continuer ma lecture, comme une sorte de masochisme et une curiosité malsaine à vouloir voir et savoir ce que les deux jumeaux allaient consigner dans leur grand cahier. Et la fin du roman rebat les cartes et donne envie de se plonger dans le second volet. Alors, je repars à la rencontre des jumeaux, Klaus et Lucas. 


Agota Kristof: Le grand cahier, Points, 168 pages, 1986



Résumé: Au-delà de la fable, on se livre ici à l'exploration impitoyable d'une mémoire si longtemps divisée, à l'image de l'Europe. A travers le destin séparé de Lucas et de Claus, les jumeaux du Grand Cahier, Agota Kristof nous révèle que, dans l'univers totalitaire, générosité et solidarité sont parfois plus meurtrières que le crime.

Je continue ma découverte de la trilogie des jumeaux avec ce 2e volet, toujours aussi étrange, mais où le malaise, encore présent, est différent du premier volet. 

Ici, nous sommes en compagnie de Lucas, l'un des jumeaux, qui se retrouve seul après que son frère ait passé la frontière. Il habite toujours dans la maison de sa grand-mère et vivote tant qu'il peut, en sentant que quelque chose lui manque...jusqu'à l'arrivée de Yasmine et du petit Mathias. 

Malgré la noirceur encore très présente, il se dégage tout de même des petits moments de lumière dans ce roman; Lucas retrouve un peu un sens à sa vie, en la présence du petit Mathias, enfant difforme, qui devient comme une bouée de sauvetage. En fait, ils s'entraident tous les deux. Et j'ai espéré tout du long que la vie leur soit douce...mais le monde totalitaire dans lequel ils vivent ne leur épargnera rien. 

Encore une fois, l'écriture simple et singulière d'Agota Kristof rend sa plume si particulière. De plus, le temps défile sans s'en rendre compte, les années passent sans repère et j'ai été parfois perdu pour savoir si Lucas devenait un homme; En tout cas, là son âge est souvent évoqué. Il a quinze ans au début du livre, et 30 ans lors d'un évènement tragique que je tairais. Les personnages qui gravitent autour de Lucas sont des âmes en perdition, que ce soit Yamsine, qu'il recueille avec son petit Mathias après l'arrestation de son père (ici ,c'est l'inceste qui est traité de manière fort dérangeante car il n'est pas condamné, mais rendu presque "beau". Ce qui m'a fortement troublé), Peter, le secrétaire du Parti, qui s'éprend de Lucas, ou de l'insomniaque, qui vit en face de la librairie que Lucas a racheté à Victor, ami de Peter (lui aussi en perdition et qui connaitra une fin tragique). 

Puis, vient les dernières pages de la fin qui rebattent encore une fois les cartes et qui nous fait douter grandement, nous pauvres lecteurs que nous sommes, comme si tout ce que nous avions lu, n'était que mensonge. 

Encore une fois, un roman fort troublant et sombre, qui met mal à l'aise, mais qui, de par ces retournements de situations finaux, nous laissent pantois et perplexe et ne me donne qu'une envie: lire la suite. Alors c'est parti. 

Agota Kristof: La preuve, Points, 187 pages, 1988



Résumé: De l'autre côté de la frontière, la guerre est finie, la dictature est tombée. Pour vivre, pour survivre, il a fallu mentir pendant toutes ces années. Klaus et Claus T. découvrent à leurs dépens que la liberté retrouvée n'est pas synonyme de vérité. Et si leur existence était en elle-même un mensonge ?

Dans ce 3e et dernier volet de la trilogie des jumeaux, Agota Kristof renverse toutes nos croyances sur l'histoire qu'elle nous a contée auparavant. 


Ici, le malaise et le côté malsain du premier roman n'est plus là. En tout cas, le malaise prend une autre forme. Il s'est transformé en déstabilisation. Agota Kristof rebat les cartes encore une fois, en se penchant cette fois ci sur le jumeau "étranger" Klaus, qui est à la recherche de son frère Lucas, qui a disparu. Et voici que ce dernier nous raconte une histoire bien différente de celle que l'on connait. Leur mère ne les aurait pas laissé à leur grand-mère, mais ils auraient été séparé par le destin, à cause de leur mère, qui serait devenu folle après la trahison de son mari...mais est ce vraiment la vérité. 

Ce 3e volet est vraiment le plus déconcertant, car Agota Kristof nous perd dans des dédales de mensonges et nous embarque dans des histoires abracadabrantesques. Surtout, je n'ai pas été totalement convaincu par cette réécriture de l'histoire. Alors, c'est un tour de force d'écrire la même histoire, mais de trois manières différentes, mais l'auteure m'a un peu plus perdu dans le temps dans ce roman et je n'y ai pas retrouvé le souffle et la noirceur du premier livre. C'est un peu dommage de terminer sur une note un peu déceptive...mais je ne regrette pas d'avoir découvert la plume si déconcertante d'Agota Kristof. 


Agota Kristof: Le Troisième mensonge, Points, 163 pages, 1991


P.S. Après la lecture des 3 volets de cette trilogie, je garderai probablement en tête, la puissance morbide et malsaine du premier volet "Le Grand Cahier", qui restera une expérience de lecture fantastique, même si elle fut empreinte d'un malaise grandissant tout au long de la lecture. 




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