mercredi 23 mai 2018

Des nouvelles du monde

4e de couverture: Hiver 1870, le capitaine Jefferson Kyle Kidd parcourt le nord du Texas et lit à voix haute des articles de journaux devant un public avide des nouvelles du monde : les Irlandais migrent à New York ; une ligne de chemin de fer traverse désormais le Nebraska ; le Popocatepetl, près de Mexico, est entré en éruption. Un soir, après une de ses lectures à Wichita Falls, on propose au Capitaine de ramener dans sa famille,
près de San Antonio, la jeune Johanna Leonberger. Quatre ans plus tôt, la fillette a assisté au massacre de ses parents et de sa sœur par les Kiowas qui l'ont épargnée, elle, et élevée comme une des leurs. Le vieil homme, veuf, qui vivait jadis de son métier d'imprimeur, profite de sa liberté pour sillonner les routes, mais l'argent se fait rare. Il accepte cette mission, en échange d'une pièce d'or, sachant qu'il devra se méfier des voleurs, des Comanches et des Kiowas autant que de l'armée fédérale. Sachant aussi qu'il devra apprivoiser cette enfant devenue sauvage qui guette la première occasion de s'échapper. Pourtant, au fil des kilomètres, ces deux survivants solitaires tisseront un lien qui fera leur force. 

Habituellement, le Western n'est pas le genre de films qui m'attire. Sauf que je n'avais jamais lu de western, qui est une littérature à part entière, mais peu lu chez nous. 

Le nouveau roman de Paulette Jiles s'apparente à ce genre et je dois dire que, contre toute attente, j'ai adoré partir à la rencontre de ses personnages dans ces contrées sauvages de l'Ouest américain. 

Dès les premières lignes, on est embarqué dans un univers très sauvage, à la rencontre de Jeferson, un vieil homme, ancien soldat,  qui traverse le Texas, afin de lire les nouvelles du monde entier, grâce aux journaux qu'il glane lors de son voyage. Lors de son périple, un noir affranchi Britt, lui confie, une petite fille de 10 ans , jadis enlevée par les Kiowas (une tribu indienne) et que ces derniers ont revendus. Il lui demande de la ramener chez elle. Le lecteur va alors suivre ce drôle de duo sur les routes du Texas. 
J'ai été très attiré et touché par ces deux personnages Jeferson et Johanna. Leur relation, qui se construit au fil du voyage est des plus bouleversantes. On voit progressivement le vieil homme apprivoiser la petite sauvage et lui réapprendre sa langue. Je me suis surtout aperçu qu'une petite fille enlevée par les indiens avait du mal à reprendre sa vie d'avant. Elle restera toujours attachée à ceux qui l'ont enlevé. Ce fut très troublant. 

J'ai beaucoup aimé le style de Paulette Jiles, qui a réussit à insuffler un souffle éminemment épique et western à son histoire: la bataille dans les montagnes entre Jefferson et Almay (un proxénète qui veut acheter la petite Johanna) est digne des meilleurs westerns et j'ai été tendu comme un arc tout au long des ces quelques pages de confrontation. 
Alors, je préfère vous prévenir que ce livre est composé de manière peu conventionnel: les dialogues s'entremêlent parfois à la narration ou alors sont juste indiqué par un espace. Il n'y a aucun tiret pour signaler un dialogue. Alors cela peut déconcerter, mais on s'y fait vite, tellement ce livre est prenant. 

En l'espace de 230 pages, l'auteure réussit à nous raconter une histoire touchante, dense, qui n'a pas besoin de beaucoup de mots ou de rebondissements pour nous emmener très loin. Surtout, elle donne une conclusion à tous les personnages que Jeferson et Johanna croiseront sur leur chemin en nous racontant leur destin, en quelques lignes et cela nous suffit. Surtout, il n'y a pas besoin de beaucoup d’événements pour qu'on s'attache rapidement aux personnages, même les plus furtifs. Paulette Jiles a ce talent de donner une vie et une personnalité propre et affirmée à chacun de ces personnages. 
C'est un beau roman sur la confiance retrouvée, le retour aux sources, parfois très difficiles.  C'est simplement une histoire d'amitié entre un homme de 72 ans, solitaire qui vit loin de sa famille, et une petite fille de 10 ans, qui fut enlevée à sa famille et qui doit retrouver ses repères dans ce monde qu'elle ne connait plus. 

Une petite aparté pour dire bravo au traducteur Jean Esch, qui a su retranscrire magnifiquement la langue de Paulette Jiles, et surtout dans les dialogues entre Johanna et Jefferson, quand celui ci lui réapprend à parler sa langue maternelle l'anglais. C'est magnifique et je salue son travail. 

Au final, un western des plus captivants, qui se lit d'une traite tellement on est embarqué dans ce voyage. Une très belle histoire d'amitié, de confiance entre un vieil homme et une petite fille qui doit apprendre à vivre autrement et retrouver ses racines. Ce fut palpitant, bouleversant. Un formidable voyage que je vous encourage à faire,et ce, même si vous n'aimez pas les westerns. La plume de l'auteure vous emportera et Jefferson et Johanna vous bouleverseront tellement que vous aurez du mal à les oublier. 

Merci aux Editions de la Table Ronde pour ce formidable voyage dans l'Ouest américain. 

Paulette Jiles: Des nouvelles du monde, (News of the world), La Table Ronde, Collection Quai Voltaire, 230 pages, 2018


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