samedi 22 janvier 2022

L' enfant-rien

 

C'est l'histoire d'un petit garçon qui attend. Qui attend que son père rentre. Sauf qu'il n'arrive jamais et c'est seulement le père de sa demi-soeur Isabelle, qui vient chercher celle ci chaque week-end. 

Mais voilà qu'un jour, leur mère a un acident et la vie d'Adrien va changer, ainsi que son foyer. Comment trouver sa place dans une famille qui n'est pas la vôtre? 

Nathalie Hug, autrice avec son mari Jérome Camut de romans policiers nous livre avec cet enfant-rien, un petit roman d'une puissance émotionnelle phénoménale. Elle se met dans la peau de ce petit garçon qui voudrait seulement être accepté, et savoir qui est son père et pourquoi il n'est pas avec lui et sa mère. 

Je vous assure qu'on ne ressort pas indemne de ce petit livre. De son expérience dans le polar, Nathalie Hug en a conservé le style, puissant et sans concession, qui fait de ce roman une histoire qu'on se prend comme un uppercut en plein coeur. Je défie quiconque de ne pas être bouleversé par la voix du petit Adrien, qui se retrouve de plus en plus seul avec sa mère et qui va se lancer dans une enquête pour tenter de trouver l'identité de ce père absent. Puis, plus on avance et plus on entre dans une angoisse qui ne nous quittera pas jusqu'à un final totalement impensable: un twist final digne des meilleurs polars qui m'a laissé complètement pantois. 

Avec ce premier roman en solo, Nathaalie Hug plonge dans l'enfance d'un petit garçon en manque d'amour qui va vous transpercer le coeur. C'est émouvant, percutant. En deux mot, totalement bluffant! 


Nathalie Hug: L'enfant-rien, Le livre de poche, 119 pages, 2011




mercredi 19 janvier 2022

Le bal des ombres

 

Résumé: 1878, Londres. Trois personnages gravitent autour du Lyceum Theatre : Ellen Terry, la Sarah Bernhardt anglaise; Henry Irving, grand tragédien shakespearien, puis Bram Stoker, administrateur du théâtre et futur auteur de Dracula. Loin d’une légende dorée où tous les pas mènent vers la gloire, la destinée de Bram Stoker se révèle un chemin chaotique mais exaltant.


Avec ce Bal des ombres, Joseph O'Connor rend un vibrant hommage au père de Dracula, Bram Stoker (en y mêlant également deux autres grandes figures anglaises, Ellen Terry et Henry Irving) dans un récit follement gothique et baroque à souhait. 

Il y a un moment que je veux découvrir les histoires de Joseph O'Connor (deux de ses livres peuvent en témoigner puisqu'ils attendent depuis quelques années d'être lu par le chroniqueur de ce billet). Et finalement, c'est avec son dernier livre que je le découvre. 

Je dois dire que ce livre m'a déconcerté à son début. J'ai mis une quarantaine de pages à savoir dans quoi je m'embarquais, l'auteur prenant un malin plaisir à mélanger les époques et les différentes écritures stylistiques, passant de lettres aux extraits de journaux intimes. Il a fallu l'arrivée de Stoker au Lyceum, théâtre londonien récemment acheté par Henry Irving, grand comédien Shakesperien pour me laisser aller. Ensuite, je n'ai pu que me laisser porter par la plume poétique et envoutante de Joseph O'Connor. 

Quelle idée géniale de la part de Mr O'Connor d'avoir fait le choix de "copier" son personnage Bram Stoker dans la façon de raconter les aventures londoniennes de l'écrivain, en interaction avec Henry Irving, et Ellen Terry, entre autres. En effet, L'auteur s'est inspiré de "Dracula" dans ses références, mais aussi dans sa forme, puisque le texte est composé, essentiellement d'extraits du journal de Bram Stoker (alors probablement  inventé par Joseph O'Connor, puisque nous sommes ici dans une oeuvre de fiction, et non pas  une biographie) et de lettres (pour ceux qui l'ignorerait, Dracula est un roman essentiellement épistolaire entremêlé de journaux intimes des protagonistes). Mais les références ne s'arrêtent pas là, puisque Joseph O'Connor citent les protagonistes principaux du roman de Bram Stoker, Jonathan Harker (qui ici est un jeune dessinateur qui signera les décors des pièces montées par Irving) et Mina (qui, dans Le bal des ombres est justement une ombre, un fantôme qui erre dans les hauteurs du Lyceum (dans ce fameux "antre de Mina" qui fait peur à beaucoup de monde et dans lequel Bram Stoker va se réfugier pour écrire). Sans oublier évidemment, le comte Dracula, qui doit être représenté dans le roman par le personnage réel et fictif à la fois, Henry Irving, propriétaire du Lyceum, ogre magnifique qui rend la vie impossible à ses subordonnés. 

Alors, faut il avoir lu Dracula pour lire ce livre? Non, pas obligatoirement, mais l'avoir lu est un petit plus car le lecteur peut alors s'amuser des références qu'il découvrira au fil de sa lecture. 

Qu'est ce que j'ai aimé l'ambiance de ce livre, retrouver l'intérieur d'un théâtre, le Londres de la fin du XIXe, l'ambiance sombre et gothique de ce livre, encore plus renforcé par la peur qui s'insinue dans la population depuis qu'un fameux Jack l'Eventreur sème la terreur dans les rues (d'ailleurs, Bram nous entraine dans ses ruelles tard dans la nuit, nous faisant frissonner au moindre bruit). C'est également un livre sur la création littéraire et le fait de ne pas être reconnu de son vivant, car, comme beaucoup d'écrivains de son temps, Bram Stoker, ne vit pas de sa plume et se résigne à travailler dans ce théâtre en tant qu'administrateur. Ses relations avec sa femme, Florence, s'en ressent un peu. (Pourtant, c'est elle qui se battra pour les droits d'auteurs de son mari en intentant un procès à la société de film qui produisit "Nosferatu", très inspiré par Dracula, en leur intentant un procès et établissant ainsi la protection des auteurs avec ces fameux droits d'auteurs. C'est ce qu'explique Joseph O'Connor à la fin du livre en lui adressant également ses remerciements). 

Si je ne devais avoir qu'un bémol, ce serait pour la dernière partie du livre (la Coda): non pas qu'elle ne soit pas intéressante mais le fait qu'un personnage ai disparu lors de l'acte III, le souffle retombe un peu. Comme si celui ci avait pris toute la place et phagocyté les autres personnages. Elle donne cependant une belle conclusion au destin de Bram Stoker, mais elle n'a pas su m'emporter au bout. 

En tout cas, je ne regrette pas cette formidable découverte. Voilà un roman gothique dans la plus pure des traditions. Un roman sur l'envers du décor et les coulisses d'un théâtre, avec l'ombre de Dracula qui plane sur le Lyceum. Que demander de mieux, franchement. 

Merci aux Editions Rivages pour ce voyage fantasmatique dans le Londres du XIXe. 


Joseph O'Connor, Le bal des ombres, (Shadowplay), Rivages poche, 477 pages, 2022




dimanche 2 janvier 2022

Le Miroir de Venise

 

Nous sommes à Venise, dans les années 1550. Dans l'atelier du peintre Jacopo, dit "Le Tintoret", un tableau voit le jour, commandé par des moines pour leur couvent. Ce tableau n'est autre que "Le Mariage de la Vierge" et, tel un conteur des temps anciens, il va nous raconter son histoire, de sa naissance jusqu'aux premières années de sa vie, dans cette Venise de la Renaissance. 


Je dois dire que j'ai toujours été attiré par les livres qui raconte des tableaux, comme "La jeune fille à la perle", par exemple. Savoir ce qui se cache derrière ces personnages et leur création. Alors, quand on m'a proposé de lire ce roman, je n'ai pas hésité. 

Comment vous dire, ce livre est un véritable OLNI. Un roman historique teinté de fantastique, où le merveilleux et l'intriguant se mêlent. François de Bernard, prend le parti de donner la parole au tableau même, de sa conception jusqu'à ses premières années dans le vaste monde. 

J'ai été déconcerté par ce choix original de faire parler un tableau, qui a plus de 400 ans, mais la lecture en devient alors très anachronique car l'écriture est un mélange de vieux français, d'italien et latin du XVIe siècle, mais aussi de terme et d'expression contemporaine, faisant un mélange iconoclaste, qui peut laisser le lecteur sur le bord de la route et ne pas le faire  adhérer. Pourtant ce langage unique est compréhensible par la longévité du tableau qui a connu et entendu l'évolution du langage humain. 

Ce roman atypique est fascinant, même si parfois, il m'a laissé, sur certains chapitres, sur le bord de la route, car il y a certaines pensées philosophiques que nous donne à lire ce fameux tableau. Heureusement, son périple tumultueux dans cette Venise secrète, me ramenait toujours dans son sillon et j'ai apprécié découvrir la création de ce tableau dans l'atelier du Tintoret, puis sa vie auprès d'un nonce qui découvrira un complot, créant un mystère bienvenu. Alors, oui, il y a un coté fantastique dans le roman, surtout dans sa dernière partie, mais celle ci ne m'a pas dérangé. En même temps, si vous adhérez, dès le départ qu'un tableau vous murmure son histoire à votre oreille, le côté fantastique ne nous gênera point. 

Je ne vais pas en dire plus, car le roman est très court et je pense qu'il faut le découvrir par soi-même pour en savourer toutes les subtilités. D'ailleurs, je suis dans une certaine ambivalence: je trouve que la brièveté du roman fait sa force, mais j'aurai bien aimé en savoir un peu plus sur les aventures de ce tableau. Un roman que je conseille à tous les amoureux de la peinture, mais aussi aux amateurs de roman historique et aux amoureux de la Sérénissime Venise.  Au final, une belle surprise que ce petit roman atypique qui débute mon année livresque 2022 en beauté.


François de Bernard: Le Miroir de Venise, Editions Héloïse d'Ormesson, 229 pages, 2021