4e de couverture: Derrière les grilles du centre psychiatrique Falret, s'épanouissent les hellébores, ces fleurs dont on pensait qu'elles soignaient la folie. Est-ce le secret de Serge, le jardinier taciturne qui veille sur les lieux, pour calmer les crises de Gilles ? Toujours est-il que le petit garçon, autiste de onze ans, s'ouvre au monde en sa présence.
Deux jeunes filles observent leur étrange et tendre manège, loin des grandes leçons des médecins du centre. Anne a dix-huit ans, c'est la nièce du directeur. Fuyant un passé compromettant, elle a coupé tout lien avec ses proches, si ce n'est sa meilleure amie, avec qui elle correspond en cachette.
Elle se lie d'amitié avec Béatrice, malicieuse jeune fille de treize ans, qui toise son anorexie d'un œil moqueur, pensant garder le contrôle des choses.
Mais rien ne va se passer comme prévu.
Dans ce roman lumineux et plein d'espérance, les destins de chacun vont se croiser, entre légèreté et mélancolie.
La vie réserve heureusement bien des surprises.
Premier roman de Cathy Bonidan, au titre poétique et mystérieux, Le parfum de l'hellébore est une petite merveille qui m'a énormément plu.
Il est rare de parler d'autisme dans un livre, ces personnes là sont peu souvent des personnages de roman. Il est également rare qu'un roman contemporain situe son action dans un centre psychiatrique (attention, je parle des romans de littérature blanche, les polars et autres thrillers ont déjà eu ce lieu comme décor de leurs intrigues), et encore plus quand l'action se situe à la fin des années 50, où la psychiatrie, en était à ses balbutiements et où l'autisme n'était pas ou peu reconnu (on prenait souvent ces personnes pour des débiles, bon à enfermer).
C'est dans un centre psychiatrique, que nous faisons la connaissance d'Anne et Béatrice. Toutes deux se trouvent dans ce centre, pour des raisons différentes: Anne, 18 ans est la nièce du directeur du centre, envoyé à Paris pour une cause "grave" selon ses parents pour l'envoyer en exil dans la Capitale. Elle va alors travailler au centre comme aide, envers le personnel et les patients. Elle va ainsi raconter dans sa correspondance avec Lizzie,sa meilleure amie, son quotidien au centre Falret. Béatrice, elle, est une ado de 13 ans, qui souffre d'anorexie (même si elle dit qu'elle a arrêté de manger pour recouvrer sa liberté, envers ses parents, comme un cri de révolte) et qui est soigné dans ce centre. Elle décide alors de raconter sa "captivité" dans ce centre, dans un journal intime, comme Anne Franck, durant la guerre, journal qu'elle a lu et qu'elle a adoré.
La rencontre entre les deux jeunes filles et leur intérêt pour la relation entre le nouveau jardinier, Serge, et Gilles, le "débile", comme elles le surnomment, vont changer beaucoup de choses.
Ce roman est une petite merveille qui n'était pas loin du coup de coeur, tellement il m'a chamboulé, au niveau du coeur (justement), mais ce ne fut pas le cas, malheureusement.
En fait, le roman est coupé en deux parties bien distinctes:
la première, qui se concentre, sur une année de la vie d'Anne et Béatrice au centre: les chapitres sont constitués de lettres d'Anne à Lizzie, et d'extraits du journal de Béatrice. Le lecteur que je suis, a alors suivi pas à pas, le cheminement extérieur (mais aussi intérieur) des deux jeunes filles, et j'ai pu m'immerger et entrer en empathie avec elles. Pour vous dire, j'ai lu la première partie d'une traite, comme dans un cocon bienfaisant (malgré le lieu et les déconvenues du petit Gilles, enfant autiste qu'on ne comprend pas) dans lequel on se love avec bonheur.
En terminant la première partie, je me suis fais, la réflexion ("je sens que ce roman va être un coup de coeur"). Seulement, je n'avais pas encore commencé la 2e partie.
Cette 2e partie n'est pas mauvaise en soi, mais est tellement différente dans son traitement (par rapport à la première) que je n'ai pas ressenti la même chose.
Dans celle ci, l'action se déroule à notre époque (donc 60 ans après la première partie): on suit Sophie, étudiante qui prépare une thèse sur les centres psychiatriques dans les années 50-60. Au fil de ses recherches, elle va faire la connaissance de deux frères, Mathieu et Gabriel, qui travaillent sur le chantier d'un ancien centre psychiatrique (celui que le lecteur découvre dans la première partie). En visitant les lieux, Sophie va alors tomber sur le journal d'une jeune patiente de 13 ans, qui va l'amener, vers une certaine Anne, puis Lizzie. (comme vous le voyez, les deux parties vont se retrouver connectées).
Ainsi, après une première partie, très intimiste, où le lecteur est en empathie avec les personnages, la 2e partie se compare plus à une "enquête" où l'auteur va progressivement nous dire ce que sont devenus nos petits amis du centre. Ainsi l'auteur ménage le suspense et son lot de surprises (heureuse ou malheureuse, surtout quand on s'est retrouvé en empathie avec Anne, Béatrice, Serge, Gilles et les autres), mais ce qui m'a fait un peu tiquer, et perdre mon fameux coup de coeur, c'est le changement de narration: on passe d'une première partie à la première personne (les lettres d'Anne et le journal de Béatrice) à une narration à la troisième personne, avec Sophie, Mathieu et Gabriel.
Cette distance que j'ai ressenti avec cette narration, a fait que j'ai été moins proche de Sophie et des deux frères, même s'ils m'ont paru sympathiques et très profond dans leurs démarches et réflexions. Mais, je n'avais pas ce petit coup au coeur quand je les rencontrais. Les seuls instants qui m'ont fait renouer avec la première partie, sont la découverte des lettres d'Anne, que Lizzie a reçu après la fin de la première partie. je retrouvais alors cette petite voix qui m'avait tant plu.
Ce choix de narration est dommage, car la lettre de Sophie, à la fin du roman, m'a fait me sentir proche d'elle, de sa voix intérieure. J'aurai, en fait, voulu que le cheminement de Sophie nous soit raconter différemment.
Malgré ce bémol, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. C'est un roman merveilleux qui nous parle de la différence, (l'autisme de Gilles, mais aussi l'anorexie de Béatrice, mais également les handicaps de Serge, le jardinier, Sophie et de Gabriel (que je vous laisse découvrir) et de l'incompréhension et l'impuissance de certaines personnes, par rapport à cette différence. C'est également un roman sur l'amitié et le don de soi, l'ouverture aux autres. C'est un roman bouleversant qui m'a fait pleurer.
Au final, un joli premier roman,sur la différence et la beauté des êtres. Un roman aux thèmes difficiles, qui ne laisse pas indifférents, mais qui garde tout de même une petite lueur d'espoir.
Je terminerai par ces phrases que Sophie écrit dans sa lettre et qu'il faudrait suivre comme un mantra:
"...nous aurons tous en commun d'avoir un jour cessé d'élever notre différence en un rempart contre les autres et de nous être confrontés à notre destin.
Sans vous, sans toi, jamais je n'aurais brandi cette entrave comme une force." (p.294)
Merci aux
Editions de la Martinière pour ce joli moment de vie.
Cathy Bonidan: Le parfum de l'hellébore,Editions de la Martinière, 300 pages, 2017