lundi 24 mai 2021

Antichute

Résumé: « Vous êtes atteint d’une alopécie androgénétique.
— Pardon ?
— Vous êtes atteint d’une calvitie, comme on dit. »

Les mots du dermatologue sonnent comme une condamnation. Julien a vingt-deux ans, son crâne se dégarnit et ce n’est que le début. Le début de la chute.
Dix ans et pas mal de cheveux perdus plus tard, il se décide à partir pour Istanbul, capitale en vogue de l’implant capillaire. Relatant avec humour son périple depuis la clinique turque où se croisent stars du foot et anonymes de tous pays jusqu’à sa renaissance un an plus tard, l’auteur
se livre à une réflexion sur l’impact de l’alopécie sur l’estime de soi et la vie sociale.
Un récit intime et moderne sur la symbolique du cheveu et ce qu’il dit de nous.


Nos cheveux, donc, nous parlent. Ils sont nos murmures, nos témoignages, nos vérités. (p.222)

Cette phrase mis en ouverture de cette chronique résume parfaitement ce livre. Dans celui ci, Julien ne parle pas simplement d'une histoire de cheveux, il se raconte et se livre sans fard, et avec une grande sincérité. 

Je vous le dit tout de suite, je ne me sens pas très objectif quand je dois parler d'un livre de Julien Dufresne-Lamy, Depuis ma découverte de son écriture et de son univers, il y a deux ans, je suis un admirateur inconditionnel de cet auteur. Donc, forcément, je pars déjà un peu conquis d'avance à chaque fois que je commence la lecture d'un de ses livres. 
Cependant, celui-ci a quelque chose en plus: une certaine résonnance à ma propre vie. En débutant ce livre, je ne pensais pas que Julien et moi avions autant de similitudes dans nos propres vie respectives, (pour être franc,  je me sentais proche de son univers (et donc de lui), même avant d'avoir lu ses écrits. Vous savez comme une sorte de connexion invisible qu'on explique pas). 

En découvrant ce livre, j'ai enfin mis le doigt sur cette connexion que je ne comprenais pas. Tout comme Julien, j'ai commencé à perdre mes cheveux à 22 ans. Tout comme lui, je me sentais différent des autres, je ne me sentais pas viril, et on me le faisait bien sentir quand j'étais gamin. Tout comme lui, j'ai eu des rapports difficile avec mon père, qui m'a aussi forcé à pratiquer des activités dont je ne voulais pas. 
En revanche, je n'ai pas eu le même rapport avec la perte de mes cheveux. Bien sûr, j'ai eu un choc en les voyant tomber progressivement à cet âge où notre vie sociale débute réellement et où le regard des autres peur être cinglant. Mais là, où Julien a tout fait pour retrouver ce qu'il perdait, je me suis résigné à la perte de mes cheveux mais,  j'ai commencé à la cacher sous le port d'une casquette. Maintenant, la quarantaine passée, je me suis fait à ma calvitie apparente, mais cela a pris un peu de temps. 

Mais oublions moi un petit peu et revenons au livre. J'ai beaucoup aimé découvrir le parcours "du combattif" Julien, qui nous dévoile des petites touches de vie personnelle, par coups de  flashbacks sur son enfance. Découpé en 3 parties, comme trois étapes vers l'acceptation de soi, Julien nous décrit ce parcours passionnant comme un livre à suspense. Car, oui, comme dans chacun de ses livres, Julien distille un suspense qui m'a tenu en haleine. C'est un écrivain et cela se sent, dans son écriture, toujours bien ciselée, mais aussi dans sa structure narrative, et ce, même si ici , il est le héros de sa propre histoire. L'auteur, Julien Dufresne-Lamy, met en scène son personnage, Julien et lui fait vivre un parcours semé d'embûches, vers lequel il va se relever...et enfin accepter d'être lui-même et, accepter sa calvitie. Car même s'il a eu recours à des implants (d'ailleurs, la partie à Istanbul fut des plus passionnante à découvrir car Julien nous décrit toutes les étapes de son opération et ses rencontres dans ce pays), Julien assume à présent d'avoir perdu ses cheveux...et ce témoignage en est une belle preuve. 

Ce qui me plait dans les livres de Julien, c'est cette capacité qu'il a de nous instruire, tout en nous divertissant. Il nous avait fait découvrir le monde des Drags et du voguing dans "Jolis Jolis monstres", celui de la transidentité dans "Mon père, ma mère, mes tremblements de terre". Eh bien, il procède de la même manière avec "Antichute". Il arrive à nous informer et à nous passionner pour le cheveu et son histoire à travers l'Histoire, ou les références en littérature, mais également du point de vue médical. Et tout cela avec fluidité. Chapeau, mon cher Julien, car c'était pas gagné de pouvoir rendre le cheveu aussi intéressant. 

Vous l'aurez compris, j'ai été conquis par ce livre, dans lequel Julien se met à nu, sans pathos, avec justesse et sensibilité. Et en lisant ce livre, je me suis fait une réflexion, que je vous livre ici: la perte des cheveux, c'est comme se dévoiler et se mettre à nu devant les autres. On se cache derrière eux (d'ailleurs, Julien le décrit fort bien dans un chapitre où il parle des différentes coiffures que l'on aborde au cours des années), par peur de montrer qui on est vraiment. Perdre ses cheveux, c'est comme monter sur une scène et déclamer devant un public (ou chanter pour ma part, ce sera plus facile): voilà qui je suis. Ensuite, vient un temps parfois long, où l'on déclare: "acceptez moi comme je suis, ou rejetez moi, je m'en fiche. Moi, j'ai fini par m'accepter, c'est le principal". 
En écrivant ce livre, Julien a déclamé aux autres qui il était. Et je pense, enfin, j'espère qu'il est serein avec l'image qu'il nous renvoie et qu'il s'accepte tel qu'il est. En trois mots: une belle personne. 

Merci aux Editions Flammarion pour la découverte de ce beau témoignage. 

Julien Dufresne Lamy: Antichute, Flammarion, 253 pages, 2021



 

dimanche 23 mai 2021

Bienvenue au Club

Résumé: Imaginez ! L'Angleterre des années soixante-dix, si pittoresque, si lointaine, avec ses syndicats prospères et sa mode baba cool. Une image bon enfant que viennent lézarder de sourdes menaces : tensions sociales, montée de l'extrême droite, et une guerre en Irlande du Nord qui ne veut pas dire son nom.
Mais dans ces années où l'État-providence laisse place au thatchérisme, Benjamin, Philip, Doug et leurs amis ont d'autres choses en tête : s'intégrer aux clubs de leur lycée, oser parler aux filles, monter un groupe de musique, s'échapper de Birmingham l'endormie pour des aventures londoniennes... Trop innocents pour saisir les enjeux et les intrigues qui préoccupent leurs parents. Jusqu'à ce que le monde les rattrape.
 


1er volet d'un diptyque (qui est devenue une trilogie entretemps), Bienvenue au Club est une radiographie de l'Angleterre des années 70. 

C'est en remarquant qu'un 3e volet était sorti en poche, que j'ai eu envie de sortir ce 1er volet du "Rotter's Club". Je dois dire que je ne m'attendais pas à autant apprécier ce livre. Bon, le côté lycéen du roman y est pour quelque chose. J'adore les romans qui se déroule lors de cette période de la vie, mais ce qui fait l'originalité de ce roman est dans sa forme. Jonathan Coe alterne les points de vue, entre les adolescents et les parents. Mais prend aussi le parti d'insérer des articles de journaux lycéens, des lettres et autre extraits de journaux intimes. 

Alors, il est vrai que la mise en main n'est pas évidente: le roman est foisonnant et le nombre de personnages à interagir peut nous perdre au tout début, mais on s'y fait et ensuite c'est un plaisir de découvrir les années 70 anglaises: le mouvement des grèves, la musique de ces années là, la montée de l'extrême droite et le côté politique est bien amené grâce à des personnages forts et attachants. 

Benjamin est probablement le personnage auquel j'ai été le plus proche: il se laisse porter par la vie et par les autres, mais réussira à trouver un équilibre. La vie ne va pas non plus l'épargner, et l'évènement qui arrive à sa soeur à la fin de la première partie, va chambouler sa vie en tout point. Bien sûr, son petit frère, Paul, est l'archétype du gamin à baffer que j'ai eu envie d'étriper à chaque apparition. 

Le côté social et politique, que l'on découvre grâce notamment au père de Doug, Bill Anderton, syndicaliste dans une usine, en grève au début du roman, est des plus passionnant et nous montre cette Angleterre aujourd'hui disparue, celle d'avant Thatcher. 

Puis, ce qui retient également l'attention, c'est le postulat de départ du roman: deux jeunes ados, Sophie et Patrick,  dont les parents respectifs se sont retrouvés par hasard à Berlin en 2003, (29 ans avant les évènements du roman) , décident de faire connaissance en racontant la vie de leur parents...sauf qu'on ne saura qu'à la fin du  roman qui est cette fameuse mère et ce fameux père, laissant ainsi au lecteur la surprise et instille un suspense qui nous fait avancer. 

Autre point que j'ai trouvé stylistiquement original, c'est l'écriture de la dernière partie: celle ci n'est composée que d'une seule phrase, dont le point final n'arrivera qu'au bout de 50 pages. Je vous l'accorde, il faut la lire d'une traite, mais c'est un procédé magique qui nous fait avancer et comprendre dans quel état d'esprit est Benjamin à ce moment là. 

Vous l'aurez compris, ce roman m'a plu pour son côté historique, mais aussi stylistique et narratif. Et comme, vous vous en doutez, je veux savoir ce que deviennent Benjamin, Philip, Doug, Claire, et même Paul, quelques années plus tard. Donc, je lirai la suite, off course. 


Jonathan Coe: Bienvenue au Club, (The Rotters' Club), Folio, 537 pages, 2003




dimanche 16 mai 2021

Pour le sourire de Lenny

Résumé: Printemps 2003. Deux vagabonds, Titi et Savate, font halte à Aigues-Mortes, sur le littoral gardois. Dès son arrivée, Savate a l’étrange impression que cette cité médiévale va changer sa vie. En effet, de bonnes âmes tendent la main aux deux hommes : Pacôme, saunier, les héberge, et Marcellin, retraité, se démène pour leur trouver un emploi. Mais c’est au petit Lenny, amateur de skateboard et de défis, que s’attache Savate.
Entre le garçonnet malaimé par son père et le voyageur sans bagages, une intense amitié se noue. Au contact de l’enfant, le sévère Savate s’ouvre peu à peu. Puis son passé le rattrape… Quel douloureux secret cache celui dont tous ignorent le véritable nom ? Quelle lointaine tragédie l’empêche de connaître le bonheur ?
 

Les romans de Dany Rousson sont des petits bonbons que l'on savoure avec grand plaisir. Il se cache beaucoup de bienveillance dans les histoires de cette conteuse, aux histoires très vivantes. 

J'avais déjà été charmé par son roman "L'été retrouvé" et après ma lecture un peu difficile du roman de Michelle Sacks, j'avais envie de douceur...et je me doutais que j'allais la trouver dans un roman de Dany Rousson. 

Pourtant, en lisant le résumé, c'était pas gagné: choisir deux vagabonds, comme héros, qui rencontrent des retraités, des pères divorcés et des mères célibataires, on peut dire que c'était pas la joie. Mais justement, grâce à la bienveillance des habitants de cette petite ville du Gard, Dany Rousson avait envie de nous donner une lueur d'espoir, nous dire, que la bienveillance et l'amitié ne sont pas mortes. 

Encore une fois, la force de ce roman se trouve dans les personnages d'enfants: Lenny et Salomé sont la lumière de ce livre. Leur innocence, sans jugement, font qu'ils peuvent s'attacher à un vagabond sans problème, là où les adultes, pétris de préjugés, laissent leur confiance au fond de leur coeur, bien enterrée. Les portraits touchants de ces deux petits amoureux, font que l'on fond tout de suite pour eux. 

En fait, les livres de Dany Rousson sont des petits doudous dans lequel le lecteur aiment se blottir et s'y sentir bien...sauf que cette fois ci, un petit twist, aux trois quart du roman m'a fait faire un petit bond, crevant la bulle d'insouciance et de bien être dans laquelle je me trouvais. Mais ce n'était qu'un mauvais moment à passer pour retrouver un peu de lumière, juste pour nous montrer que la vie est aussi semé d'embûches. Et, encore une fois, le passé joue un rôle important dans les romans de l'auteure. 

Que dire de plus, à part, que j'ai passé un superbe samedi, en compagnie de Savate, Pacôme, Salomé et Lenny, sans oublier Marcellin, Agathe et Garance. Que si vous voulez un petit moment de douceur et de tendresse dans votre vie, ce livre est idéal pour ça, surtout qu'il est maintenant sorti en poche chez Pocket. Pour ma part, je sais que si un jour, j'ai besoin d'un peu de plénitude, je peux ouvrir un livre de Dany Rousson...et je retrouverai un peu de bonheur et ces jolis paysages du  Sud de la France. 

Merci aux Editions Presses de la Cité pour ce joli voyage rempli de plénitude. 


Dany Rousson: Pour le sourire de Lenny, Presses de la Cité, 264 pages, 2019




vendredi 14 mai 2021

Là où vont les belles choses

Résumé: Dolly est contente. Elle et son papa sont partis en voiture pour une « aventure ». Ils changent d’hôtel tous les soirs, voyagent la journée, rencontrent des gens en chemin, mangent des burgers et boivent du Coca. Et c’est un peu leur secret car Maman est partie en vacances avec des amies. Tant pis si elle lui manque, si Papa s’énerve parfois, si Dolly
s’ennuie souvent, elle a toujours
Clemesta, sa « jumelle », à qui raconter ses soucis.
 

2e roman de Michelle Sacks après le dérangeant La vie dont nous rêvions, j'avais hâte de découvrir ce que l'auteure nous réservait pour la suite de son parcours littéraire. Tellement que j'ai presque fait un aussitôt reçu, aussitôt lu. 

Je dois dire qu'encore une fois, Michelle Sacks m'a fait ressentir un malaise lors de ma lecture, mais là où celui ci était permanent dans son précédent roman, la belle personnalité de Dolly, personnage principal de ce second roman, le faisait disparaitre par moment. J'ai adoré suivre cette petite fille de 7 ans, dans son aventure, avec son papa. 

Alors, j'ai fait exprès de couper la 4e de couverture pour vous laisser le plus de surprises possibles, et je sens que ça va être difficile de parler de ce livre sans trop en dire. En effet, l'histoire qui nous ait conté l'est par le regard et la parole de la petite Dolly. Il y a donc cette sorte de magie et cet enthousiasme de l'aventure qui transparait.. sauf que, le lecteur sent qu'il se passe quelque chose de pas normal. L'aventure de Dolly et de son papa ressemble plus à une fuite qu'à une promenade à travers le pays. Heureusement que Dolly peut compter sur Clemesta, sa "jumelle" comme elle l'appelle...même si celle ci, toujours de bons conseils, ne peut pas forcément l'aider. 

Dans ce road novel, palpitant qui nous tient en haleine, un mystère plane, ainsi qu'une menace représenté par quelqu'un que Dolly surnomme "TU SAIS QUI, par peur de le nommer. On sent que Dolly a assisté à une scène dont elle ne veut pas se rappeler. Alors, elle fait confiance à son papa, qui lui promet qu'il va la ramener chez eux après ce périple. 

Alors, j'avais deviné certaines choses, comme la fuite du père, mais je ne m'imaginais pas que le drame était aussi horrible. Le voyage à travers les Etats Unis reste beau, grâce à la petite Dolly, qui m'a fait fondre. Michelle Sacks a su nous faire entendre la voix de cette petite fille de 7 ans (et cette voix sonne juste, grâce à l'ingéniosité de l'auteure d'en avoir fait une petite fille précoce), très bien retranscrite par Romain Guillou, son traducteur. Ce fut un enchantement de découvrir le Sud des Etats Unis par les yeux de cette petite fille, même si la fin du voyage fut des plus déchirants. 

Ce roman bouleversant est aussi un livre sur l'enfance et l'innocence que celle ci apporte. Une innocence perdue quand le monde cruel des adultes vient la percuter de plein fouet. La scène finale m'a beaucoup ému, même si je savais que cette histoire ne pouvait se terminer autrement. 

Voilà un roman noir troublant et bouleversant, qui est pourtant traversé par une jolie lumière, celle de la petite Dolly, que je n'oublierai pas de sitôt.

Merci aux Editions Belfond de m'avoir permis de continuer mon parcours avec la plume de Michelle Sacks. 


Michelle Sacks: Là où vont les belles choses (All the lost things), Belfond, 269 pages, 2021




mardi 11 mai 2021

Albert Savarus

Résumé: La baronne de Watteville, « le personnage féminin le plus considérable peut-être de Besançon », dominatrice et mondaine, mais dévote, tient l’un des salons les plus courus de la région. Encore séduisante, elle écrase un mari falot et sa fille, la transparente Rosalie, pour qui elle prépare cependant un brillant mariage avec Amédée de Soulas, un arriviste local niais et sans profondeur qui est en admiration devant la mère.

Mais Rosalie a d’autres visées depuis que s’est installé dans la ville un jeune avocat, Albert Savaron de Savarus, dont la personnalité mystérieuse intrigue la jeune fille. Elle aime en secret cet homme ambitieux qui prépare minutieusement sa carrière politique

 

Je continue ma découverte de Balzac avec Albert Savarus, court roman qui m'a un peu déconcerté. 

Bon, après 6 oeuvres de Balzac, je commence à être habitué aux digressions du bonhomme et ses descriptions de début de romans concernant personnages et lieux me sont familiers et nécessaires, pour avoir toutes les cartes en mains. Ensuite, je sais très bien que ce cher Honoré entre dans le vif du sujet et que tout s'emballe...mais, là, je dois dire que j'ai mis du temps (plus de la moitié) pour me plaire dans cette histoire et la faute en vient à cette nouvelle incluse dans le récit. Cela m'a perturbé car je ne voyais pas le rapport avec l'histoire principale et surtout, je commençais à connaître les personnages de Rosalie, de la mère de cette dernière, l'abbé de Grançay et Albert Savaron de Savarus, que je fus étonné de devoir faire la connaissance d'un certain Rodolphe, de Francesca et d'une certaine Gina. 

J'ai donc lu cette nouvelle un peu en dehors et me disant de suite, que je n'allais pas aimer ce qui allait suivre. Que nenni. Car, passé la lecture de cette nouvelle arrivée incongrument, l'histoire démarre et s'emballe sur un final réjouissant (de mon point de vue s'entend). Et d'ailleurs, bravo à Balzac, d'avoir inclus une nouvelle dans son récit: celle ci éclaire la situation de ce mystérieux Albert, avocat aux ambitions honorables (car elles viennent du coeur) et donne un but à Rosalie, jeune fille de 17 ans, éprise de cet avocat de 35 ans. 

Il y a de la perfidie dans ce personnage de Rosalie, que je n'ai pas aimé. Elle va tout faire pour séduire Albert, qui ne l'aime pas puisqu'il ne la connait pas, jusqu'à mettre en péril l'avenir de cet avocat ambitieux. 

Balzac décrit encore une fois la bourgeoisie dans ce qu'elle a de plus immorale et perfide, et montre bien que les jeunes coeurs naïfs, comme celui de Rosalie, qui s'enflamme un peu trop vite, peut faire très mal. 

J'ai beaucoup aimé la finalité du roman, surtout en ce qui concerne le destin de Rosalie, qui récolte ce qu'elle a semé. Il y a évidemment de la tragédie dans ces amours contrariés, mais toujours avec cette pointe d'ironie qui fait son apparition à certains moments. 

Au final, un petit Balzac savoureux, qui a mis du temps à me séduire mais qui a su avoir mes faveurs. Plus je découvre Balzac, plus je l'apprécie. Pourvu que ça dure. 


Balzac: Albert Savarus (La Comédie Humaine Volume 10), Classiques Garnier, 114 pages (de la p.280 à p.394), 2008




dimanche 2 mai 2021

La Vacation

Résumé: «Tout en surveillant les mouvements du rideau, tu rabats les feuillets et tu poses le dossier derrière toi sur la paillasse.
Tu attends, les bras croisés, le bassin calé contre le plan carrelé, et parfois avec un peu d’impatience, que la femme se soit dévêtue et qu'elle apparaisse enfin en longue chemise de nuit ou en robe légère.
– Venez, Madame.
Tu lui souris, tu fais deux pas dans sa direction ; tu l’invites à s’approcher.»

Bruno Sachs, médecin généraliste, pratique des avortements lors de vacations hebdomadaires dans un hôpital.


Premier roman de Martin Winckler, cette vacation fut une lecture des plus déconcertante et dérangeante, par certains côtés. 

Dérangeante, dans le sens de la gêne que cette lecture m'a occasionnée. Pourtant, Martin Winckler parle d'un sujet fort mais aussi tabou. En suivant Bruno Sachs (son héros récurrent) dans sa journée hebdomadaire dans un centre IVG où il fait des vacations une fois par semaine, l'auteur nous plonge de plein fouet dans ce monde où la gêne doit être souvent présente. 

Alors, c'est très intéressant à lire pour comprendre comment cela se passe un avortement...et même si je savais d'avance que ce n'était pas un acte anodin, ce n'est pas évident de le "voir" de ses propres yeux. L'une des forces de ce roman, c'est que Martin Winckler nous décrit l'acte pratiqué par le médecin sur ses patientes dans les moindres détails, de manière frontale et crue (sans prendre de gants, si j'ose dire) et ce fut très perturbant. 

Ce qui m'a déstabilisé, c'est également le style employé par l'auteur. L'utilisation du "tu" dans la narration, comme un narrateur extérieur qui s'adresse au personnage principal, n'est pas courant (je crois même que c'est la 1ere fois que je croise cette dernière). Le fait d'avoir répété certains actes ou scènes lues précédemment, en coupant certaines phrases pour y inclure les réflexions et pensées du Docteur Sachs entre parenthèses, m'a encore une fois déstabilisé, et fait sortir un peu du roman. Sauf que j'ai compris cet emploi de procédé en arrivant à la fin du roman. 

Le roman est découpé en 3 parties distinctes: 

celle du "Mardi" qui raconte la journée de Bruno Sachs au centre IVG, en nous montrant toutes les étapes d'un avortement. Celle ci, même si elle est dérangeante par le côté voyeuriste qu'elle dégage, est des plus intéressantes et nous dévoile un personnage compatissant et à l'écoute de ses patientes. C'est vrai que cette partie ne nous épargne rien de l'acte en lui même, mais elle montre les choses simplement, sans jugement. 

celle du "Jeudi" où là, les scènes déjà lues dans la 1ere partie, se répètent avec des réflexions du Docteur Sachs, est la partie la plus déconcertante. Les pensées de Sachs nous montre un perso différent de la 1ere. Ses pensées en font un médecin parfois blasé, en colère, contre certaines patientes ou contre certains maris ou amants qui accompagnent la patiente. Certaines onomatopées sont incluses pour nous faire entendre les bruits de cet acte pas si anodin qu'est un avortement, et nous immerge encore plus dans cette salle d'examen et fait grandir le malaise en nous. Mais cette 2e partie nous dévoile que le docteur Sachs écrit un livre sur son expérience lors de ses vacations. Ainsi, ce que le lecteur lit sont ses notes sur un futur roman. Il y a également de belles réflexions sur le "métier" d'écrivain et les retentissements de la publication d'un roman. Et la question est même posée par rapport à  la légitimité de Bruno Sachs de dévoiler dans un texte livré au public, ses anecdotes sur son expérience de médecin en centre IVG. 

celle du "Vendredi", plus courte et plus intime, qui concerne le médecin lui même et qui nous éclaire sur cette narration extérieure, en dévoilant le narrateur de l'histoire. Et qui découle sur un final sensible et émouvant. 

Comme vous  le voyez, La Vacation ne laisse pas indifférent en nous parlant d'un sujet douloureux, de manière frontale, crue, mais aussi par moment émouvant...Un roman qui m'a laissé déconcerté, qui m'a gêné...mais qui m'a fait découvrir un monde médical que je ne connais pas. Un livre essentiel sur un sujet délicat: celui de l'avortement. 

Martin Winckler: La Vacation, Folio, 214 pages, 1989




 

samedi 1 mai 2021

Sans Famille

Résumé: Abandonné alors qu’il n’est qu’un bébé, Rémi est recueilli par un couple, les Barberin. Mais quand l’argent vient à manquer, le père adoptif de Rémi choisit de le vendre à un artiste ambulant, Vitalis, à l’insu de la mère Barberin, très attachée au petit garçon. À huit ans, Rémi découvre alors la vie sur les routes aux côtés du bienveillant Vitalis, de ses trois chiens, Capi, Dolce et Zerbino, et de Joli-Cœur le singe…
 

"Je suis sans famille, je m'appelle Rémi/ Et je me ballade avec tous mes amis/ Vitalis et Dolce, Joli Coeur, Zerbino/ Capi et Rémi vont faire leur numéros..."


Je pense que tous les quarantenaires et au delà auront reconnus ces paroles que j'ai retranscrites plus haut. Sans Famille, classique de la littérature enfantine française, fut adapté en série d'animation japonaise à la fin des années 70 et a bercé l'enfance de plusieurs gamins et gamines. Gamins dont je fais parti. 

Sans Famille fut l'un de mes dessins animés préférés (avec "Candy" et "Le Petit Lord" (oui, j'adorais les dessins animés qui font pleurer dans les chaumières) et j'avais lu la première partie du roman quand j'étais enfant (le livre était publié en 2 volumes à l'époque et je n'avais que le premier). 

J'ai eu la chance de trouver un exemplaire de ce livre à France Loisirs (qui a la belle idée de republier quelques grands classiques de la littérature) il y a quelque temps et là j'ai eu envie de retrouver cette histoire qui m'a touché quand j'étais gamin. 

Bien évidemment, quand vous lisez un livre dont l'histoire vous est déjà connu, vous l'appréhendez d'une autre manière. Et cette lecture, m'a fait ressentir des sentiments contradictoires.

Dans sa première partie, le roman m'a conquis car il correspond à la partie que j'ai lu étant enfant, et dont j'avais gardé le plus de souvenirs marquants, (comme la location de Rémi par Vitalis, son parcours sur les routes de France, son apprentissage de la lecture, mais aussi des évènements plus tragiques que je tairais ici pour ceux qui ne connaitraient pas ce roman.) et qui faisait vibrer en moi la corde sensible de la nostalgie. Honnêtement, en redécouvrant cette histoire, je suis redevenu ce gamin de 6 ans, qui s'installait chaque mercredi devant Récré A2 pour regarder "Rémi". J'ai été ému en redécouvrant le parcours chaotique de Rémi et de ses amis. 

Puis vint la 2e partie, celle dont je n'avais pratiquement aucun souvenir,(sauf la fin) et que je ne connaissais qu'en images, n'ayant pas lu cette partie là étant enfant. Ce fut la partie de la redécouverte de la suite de l'histoire et je me suis surpris moi même en redécouvrant des évènements disparus de ma mémoire. Sauf que cette 2e partie m'a moins emballée que la première. J'ai trouvé que les malheurs qui s'abattaient continuellement sur Rémi (et Mattia, jeune garçon qu'il rencontre à  Paris et qui le suivra dans ses aventures)  devenaient un peu lourd. Trop de malheur gâche le malheur, si bien qu'à un moment on à du mal à croire à tant de tristesse. A se demander si l'auteur n'en fait pas trop pour faire pleurer. Donc un peu moins emballé par cette 2e partie, mais ravi d'être reparti sur les routes avec Rémi. 

Un autre point qui m'a laissé perplexe, c'est le style employé par Hector Malot pour raconter l'histoire. Celle ci est racontée du point de vue de Rémi, petit garçon de 8 ans, (au début du roman) mais qui s'exprime comme un adulte, de par l'écriture d'Hector Malot, au style simple mais pourtant recherché, surtout pour un enfant qui ne sais même pas lire et écrire au début de l'histoire. Mais ce style, que l'on trouve impropre au début, prend tout son sens à la fin, quand on comprend que ce que l'on a lu, est retranscrit par Rémi, devenu adulte. 

Je suis tout de même content d'avoir retrouvé cette histoire qui m'avait tant ému quand j'étais enfant. Un classique de la littérature qu'il faut faire découvrir aux enfants, car elle représente bien une époque, celle de la France de la fin du XIXe siècle. Et en plus, elle nous permet de découvrir notre beau pays. Un superbe voyage, un peu triste, je vous l'accorde, mais qui vaut le détour. 


Hector Malot: Sans Famille, France Loisirs, 620 pages, 1966 (2016 pour mon édition)


(j'ai eu la chanson dans la tête tout au long de ma lecture)