4e de couverture: À Mont-Ephraim, une petite ville des États-Unis située dans l'Etat de New York, vit une famille pas comme les autres : les Mulvaney. Au milieu des animaux et du désordre ambiant, ils cohabitent dans une ferme qui respire le bonheur, où les corvées elles-mêmes sont vécues de manière cocasse, offrant ainsi aux autres l'image d'une famille parfaite, comme chacun rêverait d'en avoir. Jusqu'à cette nuit de 1976 où le rêve vire au cauchemar... Une soirée de Saint-Valentin arrosée. Un cavalier douteux. Des souvenirs flous et contradictoires. Le regard des autres qui change. La honte et le rejet. Un drame personnel qui devient un drame familial. Joyce Carol Oates épingle l'hypocrisie d'une société où le paraître règne en maître ; où un sourire chaleureux cache souvent un secret malheureux ; où il faut se taire, au risque de briser l'éclat du rêve américain.
Il y a plus d'un an que je n'avais pas lu un roman de Joyce Carol Oates (pour un lecteur qui a fait le pari de lire "tout Oates", je sens qu"il va se louper s'il garde ce rythme, vu la production massive de la dame).
C'est après une rencontre avec l'actrice Isabelle Carré (pour son roman "Les Rêveurs") que l'envie s'est fait ressentir. En effet, Isabelle Carré a évoqué Mrs Oates, en parlant de son amour pour l'auteure et son pari de lire "tout Oates". C'est ainsi que j'ai découvert ce point commun entre Mlle Carré et moi (oui, on dit toujours "mademoiselle" pour les actrices).
Mais lequel choisir, parmi la cinquantaine de romans estampillé "Oates" qui dorment tranquillement dans ma PAL?
Eh, bien, tout comme "Viol", m'avait appelé, c'est la famille Mulvaney qui s'est imposé à mon esprit. J'avais envie de découvrir qui ils étaient.
Tout comme pour le roman "Eux" (lu l'année dernière), "Nous étions les Mulvaney" est aussi la radiographie d'une famille américaine, dans ce Pays où règne le rêve américain, qui va alors voler en éclats, après un événement tragique survenu le soir de la Saint Valentin 1976.
Cependant, là, où la famille Wendall (dans "Eux") m'avaient laissé indifférents car pour beaucoup antipathique, la famille Mulvaney a su toucher le plus profond de mon coeur. Ils m'ont émus, agacés, parfois, fait fondre, fait rire...et tout ça, est dû au pouvoir créatif et littéraire de Joyce Carol Oates. Avec ce roman, j'ai enfin retrouvé la voix de l'auteure que j'aime (celle que Claude Seban traduit si bien), et qui, ici, prend le temps de poser son histoire en nous présentant, par différents portraits, les membres de la famille Mulvaney.
Oui, je préfère prévenir tout de suite: si vous cherchez de l'action à toutes les pages, du suspense, de l'horrible, vous allez être déçu. C'est un roman qui prend son temps. Le temps de nous immerger complètement dans cette famille et dans ce lieu (High Point Farm) où l'on va être pendant des centaines de pages. Pour tout vous dire, le fameux événement vécu par la fille de la famille, Marianne, et qui va être le déclencheur de toute l'histoire (puisque de cet événement, va découler toute l'histoire), ne nous est dévoilé qu'à plus de 200 pages du livre. Avant cela, le narrateur Judd, et l'auteure, Joyce Carol Oates, nous présente chaque membre de la famille à l'aide de souvenirs, et de moments présents.
Ah, et si vous pensez qu'après l'annonce de l'événement, tout va s’accélérer, vous auriez tort. Le roman continuera a prendre son temps et à nous raconter les conséquences de cet événement sur tous les membres de la famille.
Pour ma part, cela ne m'a nullement gêné. J'ai aimé cette lenteur. C'est elle qui m'a permis de m'attacher à chaque membre de cette famille heureuse et unie qui va complètement exploser après le drame. J'ai aimé suivre Corinne et Michael Mulvaney, ainsi que leurs enfants: Mike, Patrick, Marianne et le petit Judd, qui a onze ans au moment du fameux soir. J'ai aimé les découvrir dans leur quotidien joyeux et merveilleux, au milieu des animaux dans cette petite ville des Etats Unis.
Bien évidemment, ce n'est pas rose, comme souvent dans les romans de Joyce Carol Oates, le mal rôde et les thèmes comme la violence, l'alcool et le mal sont évoqué...mais avec toutefois une petite lueur qui reste tapi dans l'ombre. En tout cas le lecteur a envie d'y croire.
Je pense que "Nous étions les Mulvaney", fera parti de mes romans préférés de Joyce Carol Oates, pour les portraits tendres, durs, et touchants qu'elle dresse de cette famille qui pourrait tant ressembler à la nôtre. Je me suis même surpris à avoir les larmes aux yeux en arrivant aux dernières pages du livre.
En fait, "Nous étions les Mulvaney" nous raconte tout simplement, et pendant près de 700 pages, on a l'impression d'avoir vécu avec les membres de cette famille, qui fut la nôtre. En fait, les Mulvaney, font partie de nous, et le lecteur, ne pourra s'empêcher de s'exclamer à la fin, , que lui, aussi, était un Mulvaney.
Joyce Carol Oates: Nous étions les Mulvaney, (We Were the Mulvaneys), Le Livre de Poche, 695 pages, 1998,2000,2009