dimanche 12 décembre 2021

La Ligne verte

 

Résumé: Paul Edgecombe, ancien gardien-chef d’un pénitencier dans les années 1930, entreprend d’écrire ses mémoires.

Il revient sur l’affaire John Caffey – ce grand Noir au regard absent, condamné à mort pour le viol et le meurtre de deux fillettes – qui défraya la chronique en 1932.
La Ligne verte décrit un univers étouffant et brutal, où la défiance est la règle. Personne ne sort indemne de ce bâtiment coupé du monde, où cohabitent une étrange souris apprivoisée par un Cajun pyromane, le sadique Percy Wetmore, et Caffey, prisonnier sans problème. Assez rapidement convaincu de l’innocence de cet homme doté de pouvoirs surnaturels, Paul fera tout pour le sauver de la chaise électrique.
Aux frontières du roman noir et du fantastique, ce récit est aussi une brillante réflexion sur la peine de mort. Un livre de Stephen King très différent de ses habituelles incursions dans l’horreur, terriblement efficace et dérangeant.

Stephen King aime les défis. En 1995, son ami et éditeur lui lance celui ci: et si tu te lançais dans l'écriture d'un roman-feuilleton? (il faut savoir qu'au temps de Dickens, les auteurs publiaient et écrivaient leur roman dans les journaux, avant que ceux ci ressortent en volumes). Pari tenu par Stephen King qui se lança dans la rédaction de "La ligne verte", roman feuilleton qui passionna les lecteurs du monde entier, de novembre 1995 à avril 1996 (de mars à août 1996 pour ce qui concerne la publication française). 

Pour ma part, je suis un passionné de roman "à suivre", c'est donc avec excitation et curiosité que je me suis lancé dans l'aventure et la lecture de "La ligne verte" en mars 1996 (j'avais 18 ans) lisant mon épisode tous les mois, en me rongeant les sangs et me triturant les méninges pour savoir comment allait continuer l'histoire le mois suivant. 
Alors, bien sûr, "La ligne verte" est devenu un classique de la littérature (et du cinéma avec l'excellente adaptation de Frank Darabont), et j'ai voulu m'y replonger en ce mois de Décembre 2021. Je ne suis pas très relecture, mais je m'aperçois que cette année, j'ai relu beaucoup plus que d'habitude et j'aime bien ça. Surtout quand j'ai peu de souvenirs de ma lecture. 
Ce qui n'est pas le cas de "La Ligne verte", et justement, c'est ce qui a participé au plaisir de la relecture: redécouvrir cette histoire, se souvenir au fur et à mesure des évènements, les anticiper mais en retrouver la sensation intacte de la première lecture. Tout ça fut très plaisant. 

Ce qui fut différent, c'est ma manière d'aborder l'histoire: là je l'ai lu sur cinq petits jours, et pas sur six mois comme la première fois. Il n'y a donc pas eu le même rythme. C'est découvrir de quelle manière Stephen King résumait l'épisode précédent dans le suivant (en l'incluant dans la narration), ce qui est très astucieux pour un roman-feuilleton, mais ce qui peut être redondant quand on le lit d'une traite, mais c'est un détail. Il y a aussi la manière extraordinaire, dont Stephen King maitrise ses fins d'épisodes, avec ce cliffhanger qui nous scotche et nous donne envie de lire la suite. 

J'ai aimé retrouvé ce fameux Bloc E, avec Paul, Brutal, Dean, John Caffey, et même ce petit merdeux de Percy. J'ai aimé retrouvé l'ambiance viciée de ce couloir de la mort. C'est plein d'humanité dans ce livre, à l'image de John Caffey, mais aussi un sentiment d'injustice face au dilemme de Paul et ses collègues. Comme parfois voire souvent chez Stephen King, il n'y a pas de happy end, et là, c'est encore plus frustrant de connaître la vie après ces fameux jours de 1932 et savoir ce qui va arriver à tout ce joli petit monde, puisque Paul raconte cette histoire, 60 ans après les faits. J'ai beaucoup aimé le parallèle entre deux personnages dans le roman, un du passé et du présent qui se confondent dans l'esprit de Paul. 

Vous l'aurez compris, j'ai aimé replonger dans ce roman de Stephen King devenu un classique, et souvent le préféré des lecteurs et des cinéphiles. En tout cas, ce fut bien plaisant de longer à nouveau cette fameuse ligne verte, que je vous encourage a (re)découvrir. 

Stephen King: La ligne verte, (The Green Mile), Le Livre de Poche, 507 pages, 1996


lundi 29 novembre 2021

L'enfant du silence

 

Résumé: Un enfant de quatre ans, de race blanche, a été retrouvé sur la réserve indienne des Barona, dans une bâtisse inhabitée, à cinq heures trente du matin. Il était attaché à un matelas par une corde à linge.

Bo Bradley, du service de protection de l'enfant, a été chargée de son dossier. Pourquoi était-il attaché, et la personne qui l'a mis là avait-elle l'intention de revenir ? Bo découvre que l'enfant est sourd, et s'attache à lui.
Mais, bientôt, des tueurs surgissent à l'hôpital où est soigné le rescapé et cherchent à le tuer. Bo engage alors une course contre la montre pour découvrir quelle malédiction pèse sur l'enfant et essayer de le sauver.

Les Editions Rivages ont la belle idée de rééditer certains romans de leur catalogue qui sont probablement difficile à trouver. 
C'est le cas pour cet "Enfant du silence" sorti en 1995 et que Rivages a republié en octobre 2021. Ce fut alors l'occasion pour moi de découvrir le premier roman d'Abigail Padgett (mais aussi 1er volet de la série "Bo Bradley"). 

Je dois dire que j'ai passé un agréable moment avec ce roman. L'enquête, même si très classique (pour vous dire, j'ai même compris la clé du mystère bien avant de la découvrir dans le livre) est fort bien menée par l'autrice du début à la fin. L'écriture est rythmée et nous fait tourner les pages rapidement. Non, il n'y a pas à dire, ce livre fait le taf, même si ce n'est pas original dans l'intrigue.
Mais attention, l'originalité se cache ailleurs  et est très réussie. Ce qui fait l'originalité de ce livre c'est son héroïne et le milieu professionnel dans lequel elle évolue: en effet, Bo Bradley est enquêtrice pour les services de protection de l'enfance et se retrouve avec l'affaire d'un petit garçon de 4 ans retrouvé dans une cabane, attaché à un matelas. Je trouve que c'est une très belle idée que de nous montrer l'envers du décor d'un milieu pas trop exploité dans les policiers et les thrillers. Un bon point pour Abigail. 

Mais ce qui retient l'attention, c'est également Bo et le fait qu'elle soit atteinte de dépression (elle est maniaco-dépressive) et doit gérer se affaires ainsi que sa maladie et son passé qui revient la hanter (sa soeur Laurie, sourde à mis fin a ses jours, il y a plusieurs années. Le fait que le petit garçon retrouvé et sa soeur partage cet handicap la ramène vers ses démons intérieurs). 
L'autrice réussit très habilement à nous immerger dans la tête de son héroïne, ce qui fait de ce roman un pur thriller psychologique de très bonne facture. La surdité est également très bien traité par l'autrice entre l'absurdité et les préjugés des uns et l'aide et l'empathie de certains concernant le petit garçon. , Ainsi, le petit Weppo (le gamin retrouvé) trouve sa place dans ce roman très facilement. De plus, le rapprochement progressif entre le Dr Andrew et Bo est très prometteur pour la suite.
Et pour finir, dernière originalité: le choc des cultures avec le personnage d'Annie, une indienne de la tribu des Paiutes, qui découvre le petit Weppo. L'autrice encore une fois maitrise son sujet et nous fait découvrir, par petites touches, cette culture indienne qui fait aussi le charme de l'Amérique.  

Comme vous pouvez le voir, ce thriller psychologique a débuté une petite série de manière fort prometteuse, qui donne envie de découvrir les autres tomes de la saga. L'enquête est classique mais tous les à côtés (une héroïne torturée, le handicap et les indiens Paiutes) rattrape le tout avec originalité, sur un rythme soutenu qui nous fait passer un très bon moment de lecture. Alors, laissez vous tenter par cette réédition. 

Merci aux Editions Rivages pour la découverte de cette série prometteuse. 

Abigail Padgett: L'enfant du silence, (Child of silence), Rivages, 269 pages, 1995 (pour la 1ere édition), 2021 (pour la nouvelle édition)



samedi 27 novembre 2021

Le Roi disait que j'étais diable

 

Résumé: Depuis le XIIe siècle, Aliénor d'Aquitaine a sa légende. On l'a décrite libre, sorcière, conquérante : « le roi disait que j'étais diable », selon la formule de l'évêque de Tournai. Clara Dupont-Monod reprend cette figure mythique et invente ses premières années en tant que reine de France au côté de Louis VII. Des noces royales à la deuxième Croisade, du chant des troubadours au fracas des armes émergent un Moyen Âge lumineux, qui prépare sa mue, et la reconstitution d’un amour impossible.


J'ai profité de la venue de l'autrice, Clara Dupont Monod, dans une librairie de ma ville, pour une rencontre à propos de son dernier livre "S'adapter" pour me plonger dans l'un de ses précédents romans, "Le Roi disait que j'étais diable". 

Etant un grand admirateur d'Aliénor d'Aquitaine (en même temps, comme m'a dit Clara Dupont Monod hier soir, pour un Poitevin, cela n'a rien d'étonnant), je ne pouvais pas passer à côté de ce livre, n'est il pas. 

De Clara Dupont Monod, j'avais lu, il y a dix ans, "La Passion selon Juette", dans lequel j'avais eu du mal à m'immerger, mais qu'au final j'avais aimé (j'en ai d'ailleurs profité pour relire l'histoire de Juette cette semaine, que j'ai encore plus apprécié lors de cette relecture), il aura fallu cette rencontre pour me plonger à nouveau dans son univers médiéval. 

Et que dire...

J'ai adoré ce roman sur Aliénor! J'ai aimé l'ambiance de ce Moyen Âge auquel Clara redonne toute sa noblesse et ses couleurs surtout (car oui, l'époque médiévale n'était pas si sombre qu'on le dit, il était vivant, plein de couleurs chatoyantes, de chants, mais aussi de femmes fortes). Et Aliénor en est un bon exemple. 

Ce roman va se focaliser sur la période du mariage d'Aliénor et de Louis VII, son premier mari, donc sur une quinzaine d'années (eh oui, il est parfois bon de faire des choix car raconter toute la vie d'Aliénor, prendrait plusieurs volumes (la grande dame a vécut plus de 80 ans!). Surtout, Clara Dupont Monod va retrouver le style de "La Passion selon Juette", celui de donner des voix à ses personnages...et ici, elle se "met dans la peau" d'Aliénor et de Louis son mari...mais pas que (mais j'y reviendrai plus tard). Elle donne ainsi à entendre la voix forte, rempli de colère et de conviction de cette reine, qui prend son destin en main,  quitte à se mettre l'église à dos, qui ne trouve pas son bonheur dans les bras de ce mari à la vie monacale (en même temps ce cher Louis, était destiné à la prêtrise et non à régner), mais aussi à donner la parole à Louis, roi très pieux qui ne réussira pas à se faire aimer d'Aliénor. 

Comme j'ai aimé entendre ces deux voix, car cela m'a permis de me sentir proche de Louis et d'avoir de la compassion pour lui (et parfois de l'incompréhension devant le comportement d'Aliénor à son égard, même si je l'admire). 

Ainsi, cahin caha, Clara défile l'histoire de ce couple qui n'arrive pas à se trouver, entre intrigue de cour, bataille de pouvoir, jusqu'à cette fameuse croisade à Jérusalem! A mon plus grand étonnement, je pense que cette dernière partie est ma préférée. J'ai adoré sentir l'ambiance et l'histoire de cet Orient que je connais si mal. J'ai adoré les parfums que l'autrice, de sa plume poétique à su nous faire ressentir. Et c'est ici qu'une 3e voix intervient (celel de l'oncle d'Aliénor) pour nous raconter cette fameuse croisade qui va chambouler la vie du couple Aliénor-Louis. Tout à fait passionnant! Et d'ailleurs,  mon seul bémol serait, (qui n'en est pas vraiment un): ce fut un roman trop court! J'aurai voulu rester avec Aliénor et Louis. Mais bon, pour me consoler, je n'aurai qu'à me plonger dans "La révolte", un autre livre que Clara Dupont Monod a consacré à Aliénor d'Aquitaine", probablement la plus grande  reine de France. (comment ça, je ne suis pas objectif!) 

En tout cas, les romans médiévaux de Clara Dupont Monot sont une bouffée d'air frais qui nous promette à chaque fois un voyage merveilleux. Découvrez les si ce n'est pas déjà fait. C'est fantabuleux! 


Clara Dupont Monod: Le roi disait que j'étais diable, Le Livre de Poche, 186 pages, 2014






lundi 1 novembre 2021

Nous sommes les chasseurs

 

Résumé: Dans un univers sombre et magnétique, où les époques et les lieux se superposent jusqu’au vertige, Gabriel, Damien ou Natasha se débattent avec de vieilles peurs héritées de l’enfance et leurs pulsions les plus inavouables.

Jérémy Fel entraîne ici son lecteur dans un imaginaire éblouissant, où cruauté et trahison règnent en maître. Comme dans un palais des glaces, les destins se répondent et se reflètent, créant un monde où visible et invisible, réel et fiction, se confondent.

N'y allons pas par quatre chemins: Jérémy Fel est un génie! 
Avec ses deux premiers romans, Jérémy Fel avait ouvert une nouvelle page et fait entendre une nouvelle voix dans la littérature. 

Pour rappel, j'ai lu ses deux premiers livres en commençant par le 2e, "Héléna", qui est, pour ma part, le plus "facile d'accès" (pour ce qui concerne la structure du roman car l'ambiance noire et malsaine du roman n'est pas faite pour tout le monde). Puis, en ce début d'année, j'ai lu son premier roman "les loups à leur porte" qui avait élevé le niveau et mis la barre haute, pour ce qui est de la construction de ce roman qui montrait les différents visages du Mal. 

Je l'attendais donc au tournant avec son 3e opus: "Nous sommes les chasseurs". Et, comment dire... il ne va pas être simple de parler de ce roman.  J'ai fini, le livre hier et j'essaie de trouver un moyen d'en parler sans rien en dire, car sa force est aussi dans la découverte totale de l'univers a priori bordélique mais d'une structure exceptionnellement maitrisée au cordeau que propose ce livre. Alors, comment parler d'un livre qui m'a laissé complètement pantois d'admiration, que j'ai adoré au plus haut point, qui est d'une originalité folle, et bien plus encore? En fait, ce livre, c'est un livre qui ne ressemble à aucun autre: un "livre monstre" qui vous emporte dans des sphères où vous n'êtes probablement jamais allé. 

"Nous sommes les chasseurs" ne raconte pas une histoire, mais des milliers. Ce livre ne se laisse enfermer dans aucun genre, montrant la liberté (et la culture immense) de Jérémy a se balader dans tous les univers avec brio (celui du drame, de l'horreur, de la science fiction, de l'histoire, du fantastique et bien plus encore), à nous emporter dans des époques différentes (du XIX siècle, aux années 70, en passant par les années 80 et 2000. Nous faisant voyager du Chili à la France, en passant par les Etats Unis. 
Ce livre pourrait sembler être un recueil de nouvelles avec ses 10 histoires aux ambiances et aux époques différentes: en effet, comment la dictature chilienne évoquée dans le premier chapitre peut nous mener à un sextuple meurtre commis sur une famille allemande en 1922, en passant par un jeune adolescent  qui ,avec sa mère, décide d'emmener son ami Lucas, malade d'un virus qui a décimé une partie de la population dans la maison de son grand-père. Oui, quel rapport entre ces différentes histoires? Un lien sera bien fait entre toutes ces histoires, par petites touches, des petits détails que l'auteur parsème dans son récit aux multiples facettes, faisant de son livre, un "livre jeu". Oui, je vous assure, je me suis amusé à chercher un lien entre certaines histoires, que ce soit des personnages ou des lieux...il y a même des références aux 2 premiers romans de Jérémy (rien qu'avec la présence de Damien, personnage des "Loups à leur porte" qui refait surface ici). 
Mais stop n'en dévoilons pas trop! 
Comme ses précédents livres, Jérémy s'interroge, et nous interroge, sur le Mal (dans toute sa splendeur) et ce qu'il peut provoquer en chacun de nous. Encore une fois, il montre les hommes tels qu'ils sont, avec leurs forces et leurs faiblesses. 

En fait, dans "Nous sommes les chasseurs" celui qui fait le lien entre les 10 histoires n'est autre que Jérémy Fel lui même. A travers son imaginaire complexe et varié, il se dévoile comme il ne l'avait jamais fait auparavant, livrant au lecteur une partie de sa vie, de ses goûts, de ses admirations. Il interroge le lecteur sur le pouvoir de l'imaginaire: dans ce livre l'auteur fait revivre deux êtres qu'il a aimé plus que tout: comme un magicien, il se fait disparaitre pour donner sa place à un certain Gregory Fel, essayant de deviner la vie de celui qui n'est pas là. Il fait ainsi le lien entre fiction et réalité, brisant  les barrières et mélangeant ces deux éléments jusqu'au vertige. Ce livre est totalement stratosphérique et ne ressemble à aucun autre, seulement à son auteur. 

"Nous sommes les chasseurs" est probablement le livre le plus original que j'ai lu cette année: il brise les frontières et nous emmène très loin dans l'imaginaire. Il est truffé de références, qu'il est amusant de deviner, de rechercher. Ce roman est unique! Alors, je sais, c'est pas simple de vous le vendre car il est un mélange d'époque, un mélange des genres...mais, essayons: pour ceux qui ont aimé les précédents livres de Jérémy, aucun problème, ils ne seront pas dépaysés, et même vu  qu'il s'est surpassé, ils seront ravis: il a réussi à mettre la barre encore plus haute que pour ses deux premiers romans. 
Mais pour les autres, les éventuels petits nouveaux lecteurs qui aimeraient découvrir ce livre. 
En fait, ce livre, je le recommanderai aux gens curieux de tout, qui n'ont pas peur des expériences: car "Nous sommes les chasseurs" est une expérience formidable qui vous chamboulera, vous fascinera, vous mettra peut être mal à l'aise, mais dont vous ne sortirez pas indifférent. Je le recommande aux gens qui aiment se faire surprendre et aiment naviguer entre plusieurs genres littéraires, sans avoir peur d'être surpris. Ce livre est un formidable terrain de jeu, maitrisé de bout en bout. 

Après, pour les autres, qui ne savent pas dans quoi ce livre pourrait les embarquer, et qui se demande de quoi je suis en train de parler depuis plusieurs paragraphes,  je leur dirai: soit, ne lisez pas "Nous sommes les chasseurs"...tout de suite....mais intéressez vous à l'écrivain formidable qu'est Jérémy Fel. Pour commencer à entrer dans son univers, rien de mieux que de commencer par "Héléna", son roman le plus accessible. Si vous avez aimé, continuez avec "Les loups à leur porte" (qui a une construction semblable à "Nous sommes les chasseurs") et terminez par l'apothéose avec le stratosphérique "Nous sommes les chasseurs". 

Enfin bref: lisez les livres de Jérémy Fel, l'un des auteurs les plus innovants et les plus rafraichissants de la littérature française. Je vous le dit: Jérémy laissera sa pierre à l'édifice de la littérature.

P.S. Les gens aiment comparer les auteurs entre eux, pour savoir dans quelle case les ranger. On compare souvent Jérémy à Stephen King, pour le côté horrifique qui se trouve dans son oeuvre, c'est vrai. Moi même, je lui ai trouvé des similitudes avec Joyce Carol Oates, dans sa manière très viscérale et crue de parler de l'âme humaine et de s'emparer des faits divers pour les faire siens dans la fiction. 
Pourtant, avec "Nous sommes les chasseurs", j'ai compris que Jérémy n'est pas le "Stephen King" ou le "Joyce Carol Oates" français. Ces deux références ne font  que nourrir son imaginaire et son écriture. Jérémy Fel ne ressemble à aucun autre auteur que lui-même. Il a réussi à trouver son propre style et sa propre voix. Il est un auteur inclassable qui à la chance de pouvoir naviguer entre les genres, et le faire avec brio,  sans jamais se renier. C'est un immense conteur et un immense écrivain, qui, tout comme King ou Oates, laissera une trace dans la littérature. 

Jérémy Fel, Nous sommes les chasseurs", Rivages, 718 pages, 2021



dimanche 24 octobre 2021

Rentrée Littéraire 2021#15: Berlin Requiem

 

Résumé: Juin 1954, l’opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d’orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler, parvenu au terme de sa vie. Un jeune musicien est choisi : Rodolphe Meister, le fils d’une célèbre cantatrice. Tous trois sont nés à Berlin, se sont connus et fréquentés. Mais, en 1933, tandis que les nazis font de Furtwängler un trésor national, le destin de Rodolphe et de sa mère va basculer. L’enfant n’a que huit ans, et comme beaucoup le nazisme le fascine... Jusqu’au jour où la Gestapo découvre à sa mère une ascendance juive.

En 1954, lorsque Rodolphe retrouve Furtwängler, mourant, leurs histoires s’entrechoquent. Des questions surgissent entre un exilé, fils d’une mère déportée à Birkenau, et le chef qui a eu les honneurs de Hitler en personne... Comment Furtwängler a-t-il pu accepter la reconnaissance d’un régime barbare ? Dans un tel contexte, est-il encore possible de placer l’art au-dessus de la morale ?

À travers ce passé douloureux, les deux hommes vont découvrir que la musique n’est peut-être pas la seule chose qui les unit..

Avec son nouveau livre, Xavier Marie Bonnot prouve une fois encore que la Seconde Guerre Mondiale est une période inépuisable pour les écrivains et, surtout, qu'elle peut être traitée sous un angle encore différent. 

Dans Berlin Requiem, l'auteur nous parle d'une personnalité grandiose, que fut Wilhelm Furtwängler, chef d'orchestre mondialement connu, star en Allemagne,  mais que l'histoire a peut être oublié, car trop associé aux nazis. 
Par le prisme de ce personnage fascinant, Xavier Marie Bonnot nous parle de l'art et de son rapport avec la politique. En effet, Hitler s'est "servi" de Furtwângler pour propager ses idées immondes, en se servant de la musique  comme moyen de gagner les foules. Mais, pour Furtwängler, la musique et l'art en général, est plus fort que la politique et est bien au dessus de tous ces gens. 

Furtwângler est un être fascinant, toujours dans un entre-deux, à manier la chèvre et le chou. On sait son aversion pour Hitler, mais pourtant, il "joue" en présence de ces êtres abjects. Il a tout fait pour sauver des juifs, sauf qu'il décide de rester en Allemagne et de continuer son métier, quitte à écorner son image en s'affichant avec Hitler, Goebbels et consorts. 

Ce qui est génial, dans ce roman, c'est que l'on suit le parcours de Furtwängler, depuis l'arrivée des nazis au pouvoir, en 1933, jusqu'à la fin de sa vie en 1954. Ainsi, nous avons le portrait de l'Allemagne, avant, pendant et après le second conflit mondial. 
L'autre originalité de ce roman est son sujet: la musique et le fait qu'elle soit devenue objet de propagande. L'auteur fait interroger ses personnages sur le rôle de la musique en politique. Pour Furtwângler, il n'y en a pas. La musique passe au dessus de tout. Et, même, il méprise tous ces "cochons" de nazis qui ne comprennent rien à la musique. 
Dans ce roman, il y a aussi la réflexion sur la résistance: pour Furtwângler, il est clair qu'il a fait acte de résistance en restant en Allemagne, il a sauvé des juifs qu'il a aidé à fuir, il a imposé certaines musiques de  compositeurs juifs, disant que la musique n'a pas de race. Il s'est opposé à Hitler, à sa façon. Pourtant, il sera jugé comme un nazi, à la fin de la guerre. 

Alors, non, je n'oublie pas que ce livre est un roman et que, même si le roman tourne principalement sur Furtwängler, il ne faut pas en oublier les personnages fictifs, que sont Christa Meister, une grande soprano, et son fils Rodolphe, qui fait la rencontre du grand chef d'orchestre, en 1932,alors qu'il a 7 ans. En fait, leur histoire n'est pas si importante que ça, je trouve. Elle est bien menée, elle permet également de rappeler les camps de la mort avec l'internement de la mère de Rodolphe à Birkenau (passages intéressants quoique brefs), mais elle ne m'a pas plus passionné que ça. Pour moi, la "Grande Histoire" était plus intéressante que la petite histoire de personnages anonymes. Cela ne m'a pas gâché ma lecture, mais les passages sur Furtwängler étaient beaucoup plus intéressant, pour ma part. 

Au final, un roman intriguant sur un sujet mille fois rebattu (la 2nde guerre mondiale), mais vu sous un angle inédit, (pour moi en tout cas)  (la musique) avec un personnage fascinant (Furtwängler) et une belle réflexion sur la musique et l'art, en général, et le rôle que celle ci peut avoir quand elle est confronté à la politique. Passionnant! 

Xavier Marie Bonnot: Berlin Requiem, Plon, 360 pages, 2021



mardi 12 octobre 2021

Hangsaman

 

Résumé: La jeune Natalie Waite a du mal à trouver sa place dans une famille dysfonctionnelle, entre un père écrivain médiocre mais imbu de lui-même et une mère au foyer névrosée. La noirceur s'immisce dans son esprit et dans sa vie au point que celle-ci va tourner au cauchemar.

Inspiré par la disparition (inexpliquée à ce jour) d'une étudiante non loin de l'endroit où vivait Shirley Jackson, ce roman est une exploration aussi magistrale qu'effrayante de la perte des repères chez une adolescente en perdition.

Shirley Jackson est une autrice qui, malgré une courte carrière à marqué la littérature de son empreinte, faisant d'elle l'inventrice du "gothique noir moderne" et la reine du roman d'horreur psychologique. Elle aurait été l'une des inspiratrices de Stephen King, rien de moins. 

Comment ne pas être intrigué et vouloir découvrir sa plume. Chose faite grâce aux Editions Rivages qui ont la belle idée de traduire et publié ses écrits depuis quelques années. J'ai eu la chance de recevoir le dernier roman paru ce mois ci chez Rivages, "Hangsaman". Celui ci est le 2e roman de Shirley Jackson et son pitch fut des plus intriguant. Une jeune fille de la petite bourgeoisie, qui s'ennuie tellement dans son monde qu'elle n'hésite pas à s'inventer des vies parallèles. 

Avec ce livre, j'ai fait un "aussitôt reçu, aussitôt lu", tellement impatient de découvrir cette autrice. Je me  suis plongé direct dedans sans savoir dans quoi il allait m'embarquer et je dois dire que dès les premières pages, j'ai été complètement largué (mais je pense que c'est un peu le but de l'autrice) mais aussi complètement soufflé. Dès les premières lignes, on ressent un malaise qui ne va plus nous quitter avant la fin. Même, il va aller grandissant. Attention, c'est un livre qui va vous déboussoler jusqu'à la folie. D'ailleurs, c'est bien simple, je me suis demandé, dès le départ, si Natalie, la jeune protagoniste du roman, n'était pas folle...et je dois dire qu'en arrivant à la fin, je ne suis pas loin de le penser. 

En fait, ce roman, c'est une angoisse permanente et latente, mais aussi une critique de la société aisée de cette époque (les années 40-50), mais aussi de la "société universitaire", avec cette hypocrisie qui suinte à travers les murs de l'université. Le père de Natalie est imbu de lui-même, autoritaire ,mais que Natalie vénère toutefois, la mère est soumise et s'inquiète souvent pour sa progéniture. 

En quittant son milieu familial, où elle étouffe un peu, Natalie pense trouver une liberté à l'université, sauf que l'hypocrisie qui y règne, vont faire qu'elle va rester dans sa solitude et dans son monde imaginaire. Et cette "future écrivain" n'en manque pas, d'imagination. Celle ci bouillonne en elle et parasite énormément le roman. C'est bien simple, on ne sait pas si on est dans la réalité ou dans la fiction, et une frustration s'installe, surtout que l'autrice prend un malin plaisir a jouer de cette frustration en ne montrant pas, par exemple  l'agression dont serait apparemment victime Natalie de la part d'un invité de son père. Frustration renforcée par le fait que Natalie fait comme s'il ne s'était rien passé. Et c'est ainsi que la fiction prend plus le pas sur la réalité. 

En définitive, ce livre est dérangeant jusqu'au malaise. Malaise que l'autrice prend plaisir a renforcer, page après page, jusqu'à un dernier quart angoissant et hypnotique où l'on tremble pour Natalie, tout en se demandant: mais est ce vraiment vrai de vrai? Et c'est ça qui fait la force du livre: ce perpétuel questionnement de la fiction sur le réel. C'est également de par ses peurs, que Natalie grandira et deviendra adulte. 
Non, franchement, "Hangsaman" fut une lecture fort déconcertante, qui ne m'a pas laissé indifférent. J'ai été mal à l'aise ,certes,  mais vraiment hypnotisé par l'écriture et l'imaginaire de Shirley Jackson, que Fabienne Duvigneau a su magistralement retranscrire dans notre langue . Vraiment, une très bonne découverte que l'univers de Shirley Jackson, qu'il faut absolument (re)découvrir. D'ailleurs, merci aux Editions Rivages de nous permettre de connaître l'oeuvre de cette autrice fondatrice, que je serai ravi de continuer à lire, avec un prochain titre. 

Shirley Jackson, Hangsmaman, (Hangsaman), Rivages, 281 pages, 2021




samedi 9 octobre 2021

Bilan Lecture du 26 septembre au 8 octobre 2021

 Je vais tenter quelque chose de nouveau sur le blog: les courtes chroniques. En effet, j'ai lu quelques livres ces dernières semaines, et je n'avais pas vraiment grand chose à dire sur mes lectures et de faire de longs développement. Donc, essayons, la chronique courte et succincte. Voyons voir si je réussis. C'est parti! 


Une intrigue qui se passe en pensionnat, un meurtre, des secrets, une ambiance, très "poètes disparus", j'aurai dû adorer ce livre. Oui, mais voilà, j'ai mis une semaine pour le lire (ce qui est peu quand on sait que le livre fait plus de 700 pages), tellement je n'avais pas envie de retrouver cette bande de gamins prétentieux et imbus d'eux-mêmes. 

Mais, bon, qu'est ce que ça raconte? dès les premières pages, on apprend que les protagonistes tels que Richard, Henry, les jumeaux, et Francis sont responsables de la mort de leur camarade Bunny. Puis, retour en arrière, on découvre Richard qui est accepté dans une université du Vermont où il va faire la connaissance d'un cercle, dans lequel il va s'intégrer. Il y a le chef, Henry, qui sait déjà tout, les jumeaux, inséparables, Francis, et Bunny, un être un peu à part, dans le groupe. Tous, sont des gosses de riches et cela se ressent dans leur comportement. Richard, fasciné, va alors entrer dans un cercle infernal qui va l'amener à commettre l'irréparable. 

Alors, j'ai trouvé que l'intrigue était très bien menée, puisque l'on voit d'abord comment Richard et sa clique en sont arrivés à tuer leur camarades, puis dans une 2e partie, les conséquences de leur acte. Mais je n'ai pas pu m'attacher à cette bande de "gamins" prétentieux, qui boivent plus que de raison (Charlie, l'un des jumeaux, devient même un alcoolique, qui couche avec sa jumelle), se droguent et se prennent carrément pour des divinités. Ils sont imbus d'eux mêmes, se prennent pour le centre du monde et trouvent que les autres, élèves comme profs, sont de la merde. Comment voulez-vous avoir de l'empathie pour eux? Cela me fut impossible. Cependant, Donna Tartt, dont je salue le talent, a su, a à peine 20 ans, menée son intrigue de main de maitre, distillant un suspense à petites gouttes jusqu'à un final surprenant qui m'a  réjouis (oui, je suis sadique). Un roman, dont j'attendais probablement beaucoup trop, qui ne m'a pas totalement embarqué à cause de personnages antipathiques. Mais je conçois que c'est devenu un classique dans le genre des romans à l'ambiance universitaire, avec une intrigue puissante fort bien menée. A lire évidemment. Et je continuerai à découvrir la plume de Donna Tartt. Assurément. 

Donna Tartt, Le maître des illusions (The secret History), Pocket, 706 pages, 1993




  






Il y avait un moment que je n'avais pas lu du Balzac. C'est ainsi que le week-end dernier, j'ai lu "Une double famille", une nouvelle qui se trouve dans "Scènes de la vie privée". 

Dans celle-ci, on va suivre une vieille femme et sa fille Caroline, couturières, pratiquant leur métier dans leur appartement, fenêtre ouverte. C'est ainsi que le jeune comte de Grandville remarque la jeune Caroline et en tombe amoureux. Ils se mettent en ménage. Puis, petit retour en arrière sur la vie antérieure du Comte de Grandville. Celui ci est promis à une amie d'enfance, Angélique, qui s'avèrera dévote, jusqu'à la bigoterie. 

Ces deux histoires vont alors n'en faire qu'une et Balzac, de sa plume incisive et drôle va dresser un portrait peu glorieux de la bigoterie qui excuserait presque que le jeune comte de Grandville prennent une maitresse en la personne de Caroline, car il est malheureux en amour. 

Plus je découvre Balzac, plus je me familiarise avec sa plume que j'apprécie de plus en plus. je trouve que le procédé (qu'il a déjà utilisé dans d'autres nouvelles) du retour en arrière et du double récit ne fonctionne pas totalement ici. En cause, le titre choisi de la nouvelle. On comprend que le comte de Grandville, se retrouve dans une situation d'adultère. Donc plus de surprise. Le précédent titre de la nouvelle (la femme vertueuse), laissait cet aspect de surprise. Dommage. Puis, j'ai trouvé la fin très nébuleuse, tellement qu'il a fallu que je me réfère, au "Dictionnaire des personnages de la Comédie Humaine" pour comprendre cette fin arrivée trop abruptement. Mais cela fut quand même fort plaisant de retrouver la plume de Balzac. je continuerai donc ma découverte de la "Comédie Humaine" à mon rythme. 

Honoré de Balzac: Une double famille, 70 pages, Classiques Garnier, 1830










Dans "L'Âme de l'Empereur", nous allons suivre, Shai, une jeune Forgeuse qui a le don de modifier le passé des objets, qui se fait arrêter pour le vol du Sceptre de l'empereur. Elle est emprisonnée. C'est alors, que le conseil lui offre de fabriquer une nouvelle Âme pour l'Empereur, victime d'une tentative d'assassinat. 

Avec ce court roman, je continue ma découverte de la plume et de l'univers de Brandon Sanderson (dont j'avais lu l'année dernière "Elantris" que j'avais adoré), celui d'Elantris et plus généralement du Cosmère. 

J'ai trouvé ce petit livre fascinant, à plus d'un titre. Fascinant par sa brièveté (moins de 200 pages). En effet, les univers fantasy sont souvent de gros pavés de plus de 500 pages, développés sur des sagas au long cours. Non, ici, Brandon Sanderson nous explique un univers magique dans une simple histoire qui n'a pas besoin d'être développée sur des millier de pages (ce que le monsieur sait aisément faire sur ses autres saga, n'est ce pas "Les archives de Roshar"!) et il le fait admirablement bien. On a le temps de s'attacher à Shai, à découvrir ses capacités magiques. L'histoire est bien développée et trouve une conclusion fort acceptable, qui se suffit à elle même. Il n'y a pas de sentiment de trop peu. C'est seulement un petit roman qui pose sa pierre à l'édifice du Cosmère. Un petit roman plaisant, qui me donne envie de continuer ma découverte de l'univers de Brandon Sanderson. A suivre donc, avec la saga "Fils des Brumes". 

Brandon Sanderson: L'äme de l'Empereur, (The Emperor' Soul), Le livre de poche, 200 pages, 2014










Bienvenue à Shancarrig, petite bourgade irlandaise, où vit toute une petite communauté, tous plus sympathique les uns que les autres, mais qui cachent des petits secrets. 

J'ai tout d'abord été déstabilisé par ce livre, dans lequel il a fallu entrer progressivement. En effet, l'histoire débute par l'ouverture d'une école dans le petit village de Shancarrig. Le Père Gunn attend la visite de l'Evèque, qui doit bénir la nouvelle école. Passé ce chapitre, on va alors suivre le destin des instituteurs et des élèves de cette école. C'est ainsi que chaque chapitre va se concentrer sur un instituteur (comme Maddy Ross ou le couple Kelly) et sur certains élèves, comme Eddie, Maura, Leo (qui est une fille) ou Nessa. 

Ce qui fut déstabilisant, c'est d'avoir l'impression de lire un recueil de nouvelles, dont le lien est un petit village irlandais. En effet, chaque histoire a son début, son milieu et sa fin, sans vraiment de liant apparent entre elles. Chaque histoire commence au début de la vie du protagoniste qu'on suit, ce qui fait qu'on revient tout le temps en arrière. Alors, oui, parfois certains éléments des histoires précédentes sont rappelés dans les autres chapitres , car tout ce joli petit monde se côtoie, mais je n'ai pas eu l'impression de lire un roman. En fait, c'est plus un recueil de nouvelles, dont le protagoniste principal est l'école communale (car le livre débute par l'ouverture et la fermeture de l'école). 

Passé cet état de fait du recueil de nouvelles, les histoires se suivent, avec plus ou moins de plaisir (selon les personnages que l'on suivait). Ce fut plaisant à lire, surtout en cette période automnale. Après, que va t'il m'en rester. je ne sais pas encore. On verra avec le temps. Lecture plaisante, mais pas indispensable. 


Maeve Binchy: Les secrets de Shancarrig, (The Copper Beech), Pocket, 382 pages, 1993




dimanche 26 septembre 2021

Rentrée Littéraire 2021 #14: Les Contreforts

 

Résumé: Au seuil des Corbières, les Testasecca habitent un château-fort fabuleux, fait d’une multitude anarchique de tourelles, de coursives, de chemins de ronde et de passages dérobés.

Clémence, dix-sept ans, bricoleuse de génie, rafistole le domaine au volant de son fidèle tracteur ; Pierre, quinze ans, hypersensible que sa sœur protège d’un amour rugueux, braconne dans les hauts plateaux ; Léon, le père, vigneron lyrique et bagarreur, voit ses pouvoirs décroître à mesure que la vieillesse le prend ; Diane, la mère, essaie tant bien que mal de gérer la propriété.
Ils sont ruinés. Dans l’incapacité d’assumer les coûts nécessaires à la préservation du domaine, ils sont menacés d’expulsion. Et la nature autour devient folle : des hordes de chevreuils désorientés ravagent les cultures.

Nouveau roman de Guillaume Sire, celui ci nous emporte dans le Sud de la France, dans sa région natale, les Corbières, en compagnie d'une famille atypique. 

Pour ma part, c'est ma première découverte de l'auteur, et je dois dire que je suis entré directement dans ce livre où je me suis senti bien. La famille Testasecca, propriétaire d'un château fort qu'ils ne peuvent plus entretenir vont devoir se battre contre l'administration, mais aussi contre la nature et contre le poids trop lourd du passé familial, représenté par ce château en ruines.  

La force de ce roman réside dans sa famille atypique: que ce soit Pierre, ado de 15 ans, solitaire, et qui va braconner dans les alentours, Clémence, sa soeur aînée, 17 ans, un génie du bricolage, qui tente par tous les moyens de réparer les tours et tourelles du château, leurs parents, Diane, femme forte qui essaie de gérer la propriété du mieux qu'elle peut et Léon, homme au caractère fort, bagarreur, bon vivant, mais qui sent la vieillesse le prendre peu à peu. On est de suite en empathie avec  cette famille de bourgeois déchus qui va se battre contre le reste du monde. 

De sa plume alerte, vivante, et poétique, Guillaume Sire nous embarque dans une lutte pour la survie d'une histoire familiale qui part peu à peu en ruines, comme le château dont ils ont la charge. C'est un livre drôle, par moments, aventureux, souvent, chargé d'histoire et rempli de légendes. J'ai trouvé cela magnifique, et je me suis laissé embarqué par ce rythme effréné, qui ménage son petit suspense, qui m'a tenu en haleine; tellement que je n'ai fait qu'une bouchée de ce roman, au ton enjoué qui progressivement nous emporte vers la tragédie. J'ai été surpris de bout en bout. 

Encore une fois, voici une belle surprise de la rentrée littéraire à laquelle je ne m'attendais pas. Un roman atypique, où le passé peut être lourd à porter pour des personnages attachants, qu'on a envie de voir réussir. Un roman rempli de poésie, où les légendes se tapissent dans la nature alentour et où la lutte est la seule porte de salut pour les Testasecca. Alors, laissez vous guider par Guillaume Sire dans ce village du Sud et profitez du voyage. Il est "fantabuleux". 



Guillaume Sire: Les Contreforts, Calmann Levy, 345 pages, 2021


 

vendredi 24 septembre 2021

Mère disparue

Résumé: Elle est allongée sur le sol du garage. Inerte. Ses jolis vêtements sont imprégnés de sang. Épouvantée, Nikki secoue sa mère. En vain. Devant ce corps déjà froid, elle doit se rendre à l’évidence : on l’a assassinée. Pour la retenir encore un peu, Nikki enquête auprès de ses proches, ose les questions qu’elle n’a pas eu le temps de poser. Les réponses ont un parfum de révélations…
 

Est-ce dû au fait que j'ai complété ma collection des livres de Joyce Carol Oates cette année (portant le nombre de volumes à 87 (et il m'en manque encore quelques uns) . Oui, 87 livres de Oates sont en ma possession (dans le lot, il y a  trois romans de J.C. Oates que je possède en deux exemplaires: en VO et en VF), mais j'ai une envie irrépressible de lire ses ouvrages. 

Ainsi, Mère disparue est le 4e ouvrage de J.C. Oates que je découvre en cette année 2021. Et encore une fois, je suis parti dans un genre complètement différent et j'adore ça. C'est aussi ce qui me fascine chez Mrs Oates: sa capacité à se balader dans plusieurs genres différents et le faire avec maestria à chaque fois. 

Dans Mère disparue, c'est la notion du deuil que l'auteure va explorer. En effet, Nikki, la protagoniste principale de cette histoire va perdre sa mère brutalement dans des circonstances tragiques. Le lecteur va alors la suivre durant son processus de l'acceptation du deuil et de son évolution, tant physique que psychologique. 

Qu'est ce que j'ai aimé ce livre (je pense même qu'il fera partie de mes préférés de l'auteure). Ici, il se dégage une telle peine, une telle tendresse envers son personnage, comme si l'auteure voulait l'accompagner sur ce chemin difficile. Bien sûr, la violence est encore présente mais elle n'est pas le coeur du livre. Elle n'est qu'une raison du deuil et surtout l'électrochoc qui fera que Nikki avancera et changera. 

Voilà un roman  bouleversant qui parlera à chacun: tout comme Nikki, qui n'a pas perdu un être cher et chercher à comprendre comment cela à pu arriver. Puis, commencer à chercher des réponses sur celle qu'on pensait connaître et qu'on découvre encore, en faisant le ménage et le tri dans ses affaires. En habitant la maison de ses parents et en faisant le tri dans leurs affaires, Nikki va découvrir des pans de la vie de sa mère qu'elle ignorait et qu'elle aurait peut être aimé ne jamais savoir. Ces fameux secrets que les parents cachent à leurs enfants et que ceux ci découvrent une fois que ceux ci sont partis. 

Un Oates bien différent de ses écrits habituels: le cynisme n'a pas vraiment sa place ici: il se dégage une certaine pudeur dans ce voyeurisme bienveillant (je sais, c'est contradictoire, mais je l'ai ressenti comme ça. le lecteur accompagne Nikki dans son voyage intérieur durant la première année de la mort de sa mère.). Entre ses relations conflictuelles avec sa soeur (qui démontre que chacun vit son deuil différemment puisque Clare prendra la fuite et sera plus virulente. Comme si, la mort de leur mère, avait inversé les rôles) et ses discussions avec les amis de sa mère, qui lui dévoileront bien des secrets, Nikki, se dévoile plus humaine et plus touchée qu'elle ne le montre au début du livre. Et surtout, elle devient plus apaisée à mesure que le temps passe. 

C'est fou, tout de même la capacité de Joyce Carol Oates, d'écrire un roman de plus de 500 pages dans lequel il ne se passe "rien" et où l'on ne s'ennuie pas une seule minute, où l'on est ému par la détresse de Nikki, où l'on se questionne sur notre propre rapport avec la mort et celle de ceux qu'on aime. 

Comme une sorte de catharsis, Joyce Carol Oates a écrit ce roman juste après la mort de sa mère, à qui elle dédie ce roman. En parlant de la souffrance et du deuil de Nikki, Joyce Carol Oates a probablement voulu parler de la sienne et l'exorciser dans un roman. Sa force est que de son histoire personnelle, elle en a fait quelque chose d'universel, qui parle à chacun d'entre nous. Grandiose. Probablement l'un de ses plus beaux romans et l'un de ceux qui m'a le plus touché. 


Joyce Carol Oates, Mère disparue, (Missing Mom), 514 pages, 2007



Rentrée Littéraire #13: Buenos Aires n'existe pas

Résumé: Il est l’Ulysse aux mille ruses de l’art moderne, le Français le plus connu de l’époque à New York avec Sarah Bernhardt. Mais pour l’heure, c’est juste un mince jeune homme au complet froissé qui sent le tabac froid. Nous sommes le 9 septembre 1918 et Marcel Duchamp, qui a fui les États-Unis, descend du Crofton Hall comme le parfait don nadie, Monsieur Tout-le-monde. Il cherche une Arcadie, un rivage un peu ouaté qui assourdisse le boucan de la guerre : ce sera Buenos Aires.
Mais ce que Duchamp ne sait pas à son arrivée, c’est que la ville parle mille langues, raffole des sciences occultes, ignore encore le cubisme et s’apprête à connaître la plus grande insurrection ouvrière de son histoire.


Quelle belle petite curiosité que ce récit de Benoit Coquil sur Marcel Duchamp et son passage en Argentine, vers la fin de la première guerre mondiale. 

Benoit Coquil arrive habilement à nous intéresser à son sujet en nous apprenant des choses sur la personnalité de Marcel Duchamp, mais aussi sur l'Argentine de cette époque là. Il fait un parallèle entre l'arrivée de Duchamp dans ce pays d'Amérique latine et la future grève que va connaître Buenos Aires en 1918. Il démontre surtout que Duchamp, toujours en fuite des conflits, ne sera pas au rendez-vous, même si, pour une fois, il est sur place. 

J'ai trouvé que ce livre était d'une vivacité élégante, un melting pot des genres: il y a le récit historique, que Benoit Coquil habille habilement de fiction (puisque de cette période sur Duchamp on ne sait pas grand chose. Ainsi, il fait plus un travail d'écrivain que d'historien, imaginant les situations et les dialogues que l'artiste aurait pu avoir) , mais aussi un côté psychologique quand on se penche sur la personnalité de Duchamp, sans oublier ces chapitres qui sont de véritables scènes de théâtre et construite comme telles. Puis, les interpellations que l'auteur fait au lecteur, comme un monsieur Loyal qui invite la foule a assister au spectacle.  Tout ceci donne un charme fou à ce petit texte qui nous apprend beaucoup sur cette période historique méconnue du grand public.

C'est également un livre sur les rendez-vous manqués: Duchamp ne va pas être au rendez-vous de l'histoire puisqu'il passera son temps dans sa chambre d'hôtel alors que la population se révolte. Mais il sera également arrivé trop tôt, pour assister à la naissance artistique de Buenos Aires. Tous ces artistes argentins qui vont émerger ne sont pas encore présent quand Duchamp débarque. D'ailleurs, Benoit Coquil s'amuse, dans ses derniers chapitres, à imaginer les rencontres que  Duchamp aurait pu faire  avec des artistes argentins, revenant alors à la fiction.  

En définitive, une bien belle surprise que ce Buenos Aires n'existe pas. Benoit Coquil se glisse dans la peau de cette ville en devenir, en mélangeant les langues dans ce pays ensoleillé. L'anglais, le français et l'espagnol se marient et se mélangent pour nous compter l'histoire de Duchamp, un artiste français, qui fuit le conflit mondial et qui sera absent au rendez-vous de l'histoire. Un livre étonnant qui vous promet un voyage fabuleux à travers la petite et la grande Histoire. Ne manquez pas ce rendez-vous avec ce livre, comme à pu le faire Duchamp avec l'Argentine,  à son époque. 


Benoit Coquil, Buenos Aires n'existe pas, Flammarion, 200 pages, 2021
 



dimanche 19 septembre 2021

Rentrée Littéraire #12: Les ombres filantes

Depuis son premier roman, Le fil des kilomètres, Christian Guay Poliquin construit une oeuvre atypique, à la frontière des genres. Surtout, il tisse un lien entre tous ses livres, avec pour point commun, le même narrateur. 

Dans Le fil des kilomètres (que je n'ai pas encore lu), le narrateur, mécanicien, prend la route pour retrouver son père; dans Le poids de la neige (qui remporta un grand succès auprès du public), celui ci, blessé, se retrouve confiné dans un village bloqué par la neige; et voici que dans Les ombres filantes, ce même narrateur poursuit sa route en forêt pour rejoindre le camp de chasse de sa famille où il pense retrouver les siens. 

Alors, je vous rassure, pas besoin d'avoir lu les livres précédents pour comprendre celui ci. Christian Guay Poliquin réussit à faire que chaque livre trouve son ton et son indépendance. Seul, le narrateur (qui n'a pas de nom) et la fameuse panne d'électricité qui bloque le monde dans lequel il vit sont présent dans tous ses livres. 

J'ai découvert la plume de Christian Guay Poliquin avec son précédent roman Le poids de la neige. Un roman que j'avais beaucoup aimé et trouvé très original par le mélange des genres et l'ambiance que l'auteur avait installé. Ce huis clos oppressant ménageait son lot de suspense. 

En apprenant que son nouveau roman sortait, je n'avais qu'une hâte: le découvrir et poursuivre l'aventure. Je dois dire qu'encore une fois, Christian Guay Poliquin a su me surprendre, de par sa plume ciselée et poétique, et par ce mélange des genres qu'il maitrise si bien. Le monde dystopique est toujours là, de par la panne électrique qui bloque le pays, et dont on ne connait pas l'origine. Mais ici, fini la neige et le huis clos, bienvenu en été et en pleine nature: nous sommes donc dans un nature writing comme les grands auteurs américains savent les écrire. Tout comme le narrateur, on s'enfonce dans cette forêt parfois hostile où le but est de survivre. Les descriptions de la nature et les moments de chasse et de tensions retranscrivent cela à merveille. Par moments, ce livre a un petit côté western où c'est la loi du plus fort et le chacun pour soi qui l'emporte (surtout dans la partie La Famille). 

Durant son périple, le narrateur rencontre sur sa route un petit garçon qui dit se nommer Olio. Ce dernier va suivre le narrateur dans sa quête. J'ai aimé la relation qui se tisse entre les deux, ils se soutiennent malgré les embûches et les mensonges du petit Olio (ce qui apporte un mystère supplémentaire à l'histoire. Ils restent unis et leur relation va grandir et donner un sens à ce que cherche le narrateur: retrouver une famille pour se sentir moins seul. D'ailleurs, l'arrivée d'Olio dans la vie du narrateur m'a beaucoup fait penser au "Petit Prince" de Saint Exupéry. 

Pour moi, Christian Guay Poliquin est un auteur "atmosphérique": il sait installer une atmosphère souvent hostile (et encore plus dans ce livre là) qui emmène le lecteur très loin et ne lui fait plus lâcher le livre. Je vous assure que vous plonger entièrement dans un roman de Christian, c'est prendre le risque de ne plus en sortir avant le mot final. 

Justement, on en parle de ce final! Celui ci risque de faire débat et en faire grincer plus d'un. Honnêtement, j'ai été scotché par cette fin ouverte qui m'a fait détester et maudire l'auteur pour un moment. C'est pas humain de terminer un livre comme ça. Je me suis même dit: "Il a pas le droit!" Pourtant, l'auteur à tous les droits et pouvoirs sur son oeuvre et ses personnages.  Même celui de continuer l'aventure avec ce narrateur sans nom dans un prochain volet  ou de l'achever avec ces Ombres filantes

En tout cas, la dernière phrase du livre , surprenante,  va me rester en tête encore longtemps et donne peut être un sens sur la quête du narrateur. 

Vous l'aurez compris, je suis complètement tombé en amour de cet auteur charmant,  de sa plume et de son univers atypique. Un auteur que je  continuerai à suivre, c'est certain, même s'il m'a mis en colère avec sa fin. En tout cas, je vous encourage vivement à le découvrir. Vous ne serez pas déçu. Christian Guay Poliquin vaut le coup d'être connu du plus grand nombre. Pour moi, il sort du lot et des sentiers battus. 



Christian Guay Poliquin: les ombres filantes, La Peuplade, 336 pages, 2021