dimanche 24 octobre 2021

Rentrée Littéraire 2021#15: Berlin Requiem

 

Résumé: Juin 1954, l’opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d’orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler, parvenu au terme de sa vie. Un jeune musicien est choisi : Rodolphe Meister, le fils d’une célèbre cantatrice. Tous trois sont nés à Berlin, se sont connus et fréquentés. Mais, en 1933, tandis que les nazis font de Furtwängler un trésor national, le destin de Rodolphe et de sa mère va basculer. L’enfant n’a que huit ans, et comme beaucoup le nazisme le fascine... Jusqu’au jour où la Gestapo découvre à sa mère une ascendance juive.

En 1954, lorsque Rodolphe retrouve Furtwängler, mourant, leurs histoires s’entrechoquent. Des questions surgissent entre un exilé, fils d’une mère déportée à Birkenau, et le chef qui a eu les honneurs de Hitler en personne... Comment Furtwängler a-t-il pu accepter la reconnaissance d’un régime barbare ? Dans un tel contexte, est-il encore possible de placer l’art au-dessus de la morale ?

À travers ce passé douloureux, les deux hommes vont découvrir que la musique n’est peut-être pas la seule chose qui les unit..

Avec son nouveau livre, Xavier Marie Bonnot prouve une fois encore que la Seconde Guerre Mondiale est une période inépuisable pour les écrivains et, surtout, qu'elle peut être traitée sous un angle encore différent. 

Dans Berlin Requiem, l'auteur nous parle d'une personnalité grandiose, que fut Wilhelm Furtwängler, chef d'orchestre mondialement connu, star en Allemagne,  mais que l'histoire a peut être oublié, car trop associé aux nazis. 
Par le prisme de ce personnage fascinant, Xavier Marie Bonnot nous parle de l'art et de son rapport avec la politique. En effet, Hitler s'est "servi" de Furtwângler pour propager ses idées immondes, en se servant de la musique  comme moyen de gagner les foules. Mais, pour Furtwängler, la musique et l'art en général, est plus fort que la politique et est bien au dessus de tous ces gens. 

Furtwângler est un être fascinant, toujours dans un entre-deux, à manier la chèvre et le chou. On sait son aversion pour Hitler, mais pourtant, il "joue" en présence de ces êtres abjects. Il a tout fait pour sauver des juifs, sauf qu'il décide de rester en Allemagne et de continuer son métier, quitte à écorner son image en s'affichant avec Hitler, Goebbels et consorts. 

Ce qui est génial, dans ce roman, c'est que l'on suit le parcours de Furtwängler, depuis l'arrivée des nazis au pouvoir, en 1933, jusqu'à la fin de sa vie en 1954. Ainsi, nous avons le portrait de l'Allemagne, avant, pendant et après le second conflit mondial. 
L'autre originalité de ce roman est son sujet: la musique et le fait qu'elle soit devenue objet de propagande. L'auteur fait interroger ses personnages sur le rôle de la musique en politique. Pour Furtwângler, il n'y en a pas. La musique passe au dessus de tout. Et, même, il méprise tous ces "cochons" de nazis qui ne comprennent rien à la musique. 
Dans ce roman, il y a aussi la réflexion sur la résistance: pour Furtwângler, il est clair qu'il a fait acte de résistance en restant en Allemagne, il a sauvé des juifs qu'il a aidé à fuir, il a imposé certaines musiques de  compositeurs juifs, disant que la musique n'a pas de race. Il s'est opposé à Hitler, à sa façon. Pourtant, il sera jugé comme un nazi, à la fin de la guerre. 

Alors, non, je n'oublie pas que ce livre est un roman et que, même si le roman tourne principalement sur Furtwängler, il ne faut pas en oublier les personnages fictifs, que sont Christa Meister, une grande soprano, et son fils Rodolphe, qui fait la rencontre du grand chef d'orchestre, en 1932,alors qu'il a 7 ans. En fait, leur histoire n'est pas si importante que ça, je trouve. Elle est bien menée, elle permet également de rappeler les camps de la mort avec l'internement de la mère de Rodolphe à Birkenau (passages intéressants quoique brefs), mais elle ne m'a pas plus passionné que ça. Pour moi, la "Grande Histoire" était plus intéressante que la petite histoire de personnages anonymes. Cela ne m'a pas gâché ma lecture, mais les passages sur Furtwängler étaient beaucoup plus intéressant, pour ma part. 

Au final, un roman intriguant sur un sujet mille fois rebattu (la 2nde guerre mondiale), mais vu sous un angle inédit, (pour moi en tout cas)  (la musique) avec un personnage fascinant (Furtwängler) et une belle réflexion sur la musique et l'art, en général, et le rôle que celle ci peut avoir quand elle est confronté à la politique. Passionnant! 

Xavier Marie Bonnot: Berlin Requiem, Plon, 360 pages, 2021



mardi 12 octobre 2021

Hangsaman

 

Résumé: La jeune Natalie Waite a du mal à trouver sa place dans une famille dysfonctionnelle, entre un père écrivain médiocre mais imbu de lui-même et une mère au foyer névrosée. La noirceur s'immisce dans son esprit et dans sa vie au point que celle-ci va tourner au cauchemar.

Inspiré par la disparition (inexpliquée à ce jour) d'une étudiante non loin de l'endroit où vivait Shirley Jackson, ce roman est une exploration aussi magistrale qu'effrayante de la perte des repères chez une adolescente en perdition.

Shirley Jackson est une autrice qui, malgré une courte carrière à marqué la littérature de son empreinte, faisant d'elle l'inventrice du "gothique noir moderne" et la reine du roman d'horreur psychologique. Elle aurait été l'une des inspiratrices de Stephen King, rien de moins. 

Comment ne pas être intrigué et vouloir découvrir sa plume. Chose faite grâce aux Editions Rivages qui ont la belle idée de traduire et publié ses écrits depuis quelques années. J'ai eu la chance de recevoir le dernier roman paru ce mois ci chez Rivages, "Hangsaman". Celui ci est le 2e roman de Shirley Jackson et son pitch fut des plus intriguant. Une jeune fille de la petite bourgeoisie, qui s'ennuie tellement dans son monde qu'elle n'hésite pas à s'inventer des vies parallèles. 

Avec ce livre, j'ai fait un "aussitôt reçu, aussitôt lu", tellement impatient de découvrir cette autrice. Je me  suis plongé direct dedans sans savoir dans quoi il allait m'embarquer et je dois dire que dès les premières pages, j'ai été complètement largué (mais je pense que c'est un peu le but de l'autrice) mais aussi complètement soufflé. Dès les premières lignes, on ressent un malaise qui ne va plus nous quitter avant la fin. Même, il va aller grandissant. Attention, c'est un livre qui va vous déboussoler jusqu'à la folie. D'ailleurs, c'est bien simple, je me suis demandé, dès le départ, si Natalie, la jeune protagoniste du roman, n'était pas folle...et je dois dire qu'en arrivant à la fin, je ne suis pas loin de le penser. 

En fait, ce roman, c'est une angoisse permanente et latente, mais aussi une critique de la société aisée de cette époque (les années 40-50), mais aussi de la "société universitaire", avec cette hypocrisie qui suinte à travers les murs de l'université. Le père de Natalie est imbu de lui-même, autoritaire ,mais que Natalie vénère toutefois, la mère est soumise et s'inquiète souvent pour sa progéniture. 

En quittant son milieu familial, où elle étouffe un peu, Natalie pense trouver une liberté à l'université, sauf que l'hypocrisie qui y règne, vont faire qu'elle va rester dans sa solitude et dans son monde imaginaire. Et cette "future écrivain" n'en manque pas, d'imagination. Celle ci bouillonne en elle et parasite énormément le roman. C'est bien simple, on ne sait pas si on est dans la réalité ou dans la fiction, et une frustration s'installe, surtout que l'autrice prend un malin plaisir a jouer de cette frustration en ne montrant pas, par exemple  l'agression dont serait apparemment victime Natalie de la part d'un invité de son père. Frustration renforcée par le fait que Natalie fait comme s'il ne s'était rien passé. Et c'est ainsi que la fiction prend plus le pas sur la réalité. 

En définitive, ce livre est dérangeant jusqu'au malaise. Malaise que l'autrice prend plaisir a renforcer, page après page, jusqu'à un dernier quart angoissant et hypnotique où l'on tremble pour Natalie, tout en se demandant: mais est ce vraiment vrai de vrai? Et c'est ça qui fait la force du livre: ce perpétuel questionnement de la fiction sur le réel. C'est également de par ses peurs, que Natalie grandira et deviendra adulte. 
Non, franchement, "Hangsaman" fut une lecture fort déconcertante, qui ne m'a pas laissé indifférent. J'ai été mal à l'aise ,certes,  mais vraiment hypnotisé par l'écriture et l'imaginaire de Shirley Jackson, que Fabienne Duvigneau a su magistralement retranscrire dans notre langue . Vraiment, une très bonne découverte que l'univers de Shirley Jackson, qu'il faut absolument (re)découvrir. D'ailleurs, merci aux Editions Rivages de nous permettre de connaître l'oeuvre de cette autrice fondatrice, que je serai ravi de continuer à lire, avec un prochain titre. 

Shirley Jackson, Hangsmaman, (Hangsaman), Rivages, 281 pages, 2021




samedi 9 octobre 2021

Bilan Lecture du 26 septembre au 8 octobre 2021

 Je vais tenter quelque chose de nouveau sur le blog: les courtes chroniques. En effet, j'ai lu quelques livres ces dernières semaines, et je n'avais pas vraiment grand chose à dire sur mes lectures et de faire de longs développement. Donc, essayons, la chronique courte et succincte. Voyons voir si je réussis. C'est parti! 


Une intrigue qui se passe en pensionnat, un meurtre, des secrets, une ambiance, très "poètes disparus", j'aurai dû adorer ce livre. Oui, mais voilà, j'ai mis une semaine pour le lire (ce qui est peu quand on sait que le livre fait plus de 700 pages), tellement je n'avais pas envie de retrouver cette bande de gamins prétentieux et imbus d'eux-mêmes. 

Mais, bon, qu'est ce que ça raconte? dès les premières pages, on apprend que les protagonistes tels que Richard, Henry, les jumeaux, et Francis sont responsables de la mort de leur camarade Bunny. Puis, retour en arrière, on découvre Richard qui est accepté dans une université du Vermont où il va faire la connaissance d'un cercle, dans lequel il va s'intégrer. Il y a le chef, Henry, qui sait déjà tout, les jumeaux, inséparables, Francis, et Bunny, un être un peu à part, dans le groupe. Tous, sont des gosses de riches et cela se ressent dans leur comportement. Richard, fasciné, va alors entrer dans un cercle infernal qui va l'amener à commettre l'irréparable. 

Alors, j'ai trouvé que l'intrigue était très bien menée, puisque l'on voit d'abord comment Richard et sa clique en sont arrivés à tuer leur camarades, puis dans une 2e partie, les conséquences de leur acte. Mais je n'ai pas pu m'attacher à cette bande de "gamins" prétentieux, qui boivent plus que de raison (Charlie, l'un des jumeaux, devient même un alcoolique, qui couche avec sa jumelle), se droguent et se prennent carrément pour des divinités. Ils sont imbus d'eux mêmes, se prennent pour le centre du monde et trouvent que les autres, élèves comme profs, sont de la merde. Comment voulez-vous avoir de l'empathie pour eux? Cela me fut impossible. Cependant, Donna Tartt, dont je salue le talent, a su, a à peine 20 ans, menée son intrigue de main de maitre, distillant un suspense à petites gouttes jusqu'à un final surprenant qui m'a  réjouis (oui, je suis sadique). Un roman, dont j'attendais probablement beaucoup trop, qui ne m'a pas totalement embarqué à cause de personnages antipathiques. Mais je conçois que c'est devenu un classique dans le genre des romans à l'ambiance universitaire, avec une intrigue puissante fort bien menée. A lire évidemment. Et je continuerai à découvrir la plume de Donna Tartt. Assurément. 

Donna Tartt, Le maître des illusions (The secret History), Pocket, 706 pages, 1993




  






Il y avait un moment que je n'avais pas lu du Balzac. C'est ainsi que le week-end dernier, j'ai lu "Une double famille", une nouvelle qui se trouve dans "Scènes de la vie privée". 

Dans celle-ci, on va suivre une vieille femme et sa fille Caroline, couturières, pratiquant leur métier dans leur appartement, fenêtre ouverte. C'est ainsi que le jeune comte de Grandville remarque la jeune Caroline et en tombe amoureux. Ils se mettent en ménage. Puis, petit retour en arrière sur la vie antérieure du Comte de Grandville. Celui ci est promis à une amie d'enfance, Angélique, qui s'avèrera dévote, jusqu'à la bigoterie. 

Ces deux histoires vont alors n'en faire qu'une et Balzac, de sa plume incisive et drôle va dresser un portrait peu glorieux de la bigoterie qui excuserait presque que le jeune comte de Grandville prennent une maitresse en la personne de Caroline, car il est malheureux en amour. 

Plus je découvre Balzac, plus je me familiarise avec sa plume que j'apprécie de plus en plus. je trouve que le procédé (qu'il a déjà utilisé dans d'autres nouvelles) du retour en arrière et du double récit ne fonctionne pas totalement ici. En cause, le titre choisi de la nouvelle. On comprend que le comte de Grandville, se retrouve dans une situation d'adultère. Donc plus de surprise. Le précédent titre de la nouvelle (la femme vertueuse), laissait cet aspect de surprise. Dommage. Puis, j'ai trouvé la fin très nébuleuse, tellement qu'il a fallu que je me réfère, au "Dictionnaire des personnages de la Comédie Humaine" pour comprendre cette fin arrivée trop abruptement. Mais cela fut quand même fort plaisant de retrouver la plume de Balzac. je continuerai donc ma découverte de la "Comédie Humaine" à mon rythme. 

Honoré de Balzac: Une double famille, 70 pages, Classiques Garnier, 1830










Dans "L'Âme de l'Empereur", nous allons suivre, Shai, une jeune Forgeuse qui a le don de modifier le passé des objets, qui se fait arrêter pour le vol du Sceptre de l'empereur. Elle est emprisonnée. C'est alors, que le conseil lui offre de fabriquer une nouvelle Âme pour l'Empereur, victime d'une tentative d'assassinat. 

Avec ce court roman, je continue ma découverte de la plume et de l'univers de Brandon Sanderson (dont j'avais lu l'année dernière "Elantris" que j'avais adoré), celui d'Elantris et plus généralement du Cosmère. 

J'ai trouvé ce petit livre fascinant, à plus d'un titre. Fascinant par sa brièveté (moins de 200 pages). En effet, les univers fantasy sont souvent de gros pavés de plus de 500 pages, développés sur des sagas au long cours. Non, ici, Brandon Sanderson nous explique un univers magique dans une simple histoire qui n'a pas besoin d'être développée sur des millier de pages (ce que le monsieur sait aisément faire sur ses autres saga, n'est ce pas "Les archives de Roshar"!) et il le fait admirablement bien. On a le temps de s'attacher à Shai, à découvrir ses capacités magiques. L'histoire est bien développée et trouve une conclusion fort acceptable, qui se suffit à elle même. Il n'y a pas de sentiment de trop peu. C'est seulement un petit roman qui pose sa pierre à l'édifice du Cosmère. Un petit roman plaisant, qui me donne envie de continuer ma découverte de l'univers de Brandon Sanderson. A suivre donc, avec la saga "Fils des Brumes". 

Brandon Sanderson: L'äme de l'Empereur, (The Emperor' Soul), Le livre de poche, 200 pages, 2014










Bienvenue à Shancarrig, petite bourgade irlandaise, où vit toute une petite communauté, tous plus sympathique les uns que les autres, mais qui cachent des petits secrets. 

J'ai tout d'abord été déstabilisé par ce livre, dans lequel il a fallu entrer progressivement. En effet, l'histoire débute par l'ouverture d'une école dans le petit village de Shancarrig. Le Père Gunn attend la visite de l'Evèque, qui doit bénir la nouvelle école. Passé ce chapitre, on va alors suivre le destin des instituteurs et des élèves de cette école. C'est ainsi que chaque chapitre va se concentrer sur un instituteur (comme Maddy Ross ou le couple Kelly) et sur certains élèves, comme Eddie, Maura, Leo (qui est une fille) ou Nessa. 

Ce qui fut déstabilisant, c'est d'avoir l'impression de lire un recueil de nouvelles, dont le lien est un petit village irlandais. En effet, chaque histoire a son début, son milieu et sa fin, sans vraiment de liant apparent entre elles. Chaque histoire commence au début de la vie du protagoniste qu'on suit, ce qui fait qu'on revient tout le temps en arrière. Alors, oui, parfois certains éléments des histoires précédentes sont rappelés dans les autres chapitres , car tout ce joli petit monde se côtoie, mais je n'ai pas eu l'impression de lire un roman. En fait, c'est plus un recueil de nouvelles, dont le protagoniste principal est l'école communale (car le livre débute par l'ouverture et la fermeture de l'école). 

Passé cet état de fait du recueil de nouvelles, les histoires se suivent, avec plus ou moins de plaisir (selon les personnages que l'on suivait). Ce fut plaisant à lire, surtout en cette période automnale. Après, que va t'il m'en rester. je ne sais pas encore. On verra avec le temps. Lecture plaisante, mais pas indispensable. 


Maeve Binchy: Les secrets de Shancarrig, (The Copper Beech), Pocket, 382 pages, 1993