vendredi 26 mars 2021

My name is Billie Holiday

Résumé: « Un visage de femme photographié de trois quart, étiré vers l'avant, le menton légèrement relevé qui cherche la lumière, un beau visage brun, aux yeux indiens, une chevelure défrisée, domptée dans une queue de cheval accrochée au sommet du crane et un prénom d'homme et un nom qui promet du bon temps. Billie Holiday. »

Sarah a dix-huit ans lorsque Billie Holiday lui apparaît pour la première fois. Aussi douce et dévastatrice que l'héroïne qu'elle s'injecte dans les veines, aussi déchirante que ce timbre de voix qu'elle lui devine sans l'avoir jamais entendu. Car entre la jeune femme et la chanteuse de légende, il y a l'évidence d'un secret, le triste secret d'une enfance qui n'a pas fini de saigner.


Pour moi, Viktor Lazlo est une chanteuse dont j'adore la voix, grave et sensuelle, une voix qui me fait frissonner, et sa chanson "Canoê Rose" fait partie de mon panthéon de chansons préférées à vie. Cette chanson est parfaite. 


J'ai eu la chance immense de rencontrer Viktor Lazlo lors du salon du livre de Montmorillon. Je savais qu'elle écrivait, mais je ne connaissais pas sa plume. Après une petite discussion, je suis reparti avec ce roman qui parle de Billie Holiday, une chanteuse que j'avais découvert quelques années plus tôt...et ma redécouverte du jazz, m'avait donné envie de faire le voyage avec ce livre. 

Dès les premiers mots de ce livre, j'ai de suite adhéré et adoré la plume de Viktor Lazlo. D'une puissance poétique rare, mais d'une telle gravité, elle nous plonge dans la sombre histoire de Sarah, jeune fille de 18 ans, qui essaie de trouver sa voie dans ce monde chaotique, entouré de parents qui ne l'aiment pas et qui ne s'aiment plus...tout ça à cause d'un fantôme: Billie Holiday. En effet, la chanteuse plane sur la vie de ce couple, entre Wilfred, qui vécut une passion amoureuse avec la chanteuse, rencontré lors d'une soirée à Londres, et qui ne s'en remettra jamais, et Claudine, qui essaie de se construire une belle vie et croit l'obtenir avec Wilfred...sauf que tout ceci est un mensonge, qui va éclater lorsque Sarah, leur fille, va découvrir des secrets qu'ils gardaient enfouis. 

La construction du roman est pour beaucoup dans l'intérêt que l'on porte à ce livre. Un suspense permanent s'installe au fil de ce récit, qui brise la temporalité, entre le présent et le passé des différents personnages...avec pour seul lien et point commun, la chanteuse de jazz à la vie tourmentée. Par le prisme des trois personnages, c'est surtout un bel hommage rendue à Billie Holiday, dont Viktor Lazlo dresse un portrait juste mais sans rien cacher de ses failles. 

A travers Sarah, j'ai cru percevoir un peu de Viktor Lazlo, comme si, tout comme Sarah et son envie de chanter, elle était là pour retrouver un sens à sa vie.

Alors, ce roman n'est pas des plus joyeux (en même temps en prenant comme point de départ la vie de Billie Holiday, il ne fallait pas s'attendre à un roman rose bonbon), mais il y a tout de même une note d'espoir et ce message plein de force, que Billie délivre à Sarah. En découvrant la chanteuse préférée de son père, Sarah va découvrir sa propre voix et se perdre, pour mieux se retrouver. 

Viktor Lazlo a su m'emporter dans son univers littéraire et ses mots résonneront en moi longtemps. Viktor Lazlo n'est pas seulement qu'une voix musicale, elle a aussi une voix littéraire dont le timbre et les mots vibrent en chacun de nous. 


Tu es jeune, en pleine santé, pas trop amochée encore, et tu veux chanter! Alors fais moi une promesse [...]n'essaie jamais d'imiter personne, chante, chante comme si ta vie en dépendait. Chante juste, chante faux, on s'en fout. Chante et fais passer ce que tu as dans le ventre dans celui de ceux qui t'écoutent. ( p.176)


Viktor Lazlo: My name is Billie Holiday, Albin Michel, 177 pages, 2012




 

 

samedi 20 mars 2021

Simple

Résumé: On ne l’appelle jamais Antoine Orsini dans ce village perché au coeur des montagnes corses mais le baoul, l’idiot du coin. À la marge, bizarre, farceur, sorcier, bouc émissaire, Antoine parle à sa chaise, lui raconte son histoire, celles des autres, et son lien ambigu avec Florence Biancarelli, une gamine de seize ans retrouvée morte au milieu des pins et des années 80.
Qui est coupable ?


Le 2e roman de Julie Estève est une petite bombe, qui m'a éclatée en plein coeur, un petit bijou d'écriture qui nous emporte dans une histoire tragiquement humaine. 


C'est grâce à ma libraire que j'ai eu ce livre entre les mains, il y a deux, voire trois ans. C'était son coup de coeur de la rentrée littéraire 2018. J'avais suivi son avis et l'avais acheté quelques mois plus tard puis, remisé dans un coin pendant quelques années, avant de le sortir hier soir. 

Puis, en ce samedi matin, j'ai voulu partir à la rencontre d'Antoine, le baoul (l'idiot du village si vous préférez) de ce petit village des montagne corses. Et écouter sa voix me raconter son histoire, pas des plus joyeuses. 

Dès le départ, on est intrigué par ce personnage, qui est mort au début du roman. (la première scène du livre étant son enterrement). C'est par la suite, qu'il prend la parole avec sa voix singulière. Pour nous raconter ce qui s'est passé dans sa vie, et surtout le drame qui est intervenu, il y a une quinzaine d'années, la mort de Florence, une jeune fille de 16 ans, dans les bois, et avec laquelle Antoine entretenait une relation ambigüe. 

J'ai été émerveillé par ce roman, sa plume poétique et parfois "enfantine" (dans le sens simple) , mais qui retranscrit tout à fait l'esprit d'un simple d'esprit. J'ai été captivé par le suspense du roman, qui va crescendo et qui déroule son fil inexorable, ou les surprises seront légions, jusqu'à un final bouleversant, qui m'a ému...aux larmes. 

Par petites touches, les mystères vont se soulever et on va découvrir pourquoi Mme Biancarelli, dans la 2e page du livre, crache sur le cercueil d'Antoine? L'auteure dévoile aussi les secrets et les personnalités de ce petit village corse, et j'ai trouvé qu'elle réussit parfaitement a recréer l'ambiance que je me fait d'un village corse, avec ses secrets, ses inimitiés et ses douleurs. 

On se prend d'affection pour Antoine, et on se dit que ce n'est pas juste ce qui lui arrive, ses pertes comme sa soeur qui quitte l'île de Beauté, ou Mme Madeleine, la vieille dame qui prenait soin de lui étant enfant, alors que tout le monde le détestait, et qui décède dans son lit...mais également ses joies avec son meilleur ami Magic, et son amitié avec la jeune Florence qu'il prendra sous sa protection pour le compte d'Yvan, un jeune homme de 22 ans, fou amoureux de la jeune fille. Une amitié qui ne sera pas vu d'un bon oeil surtout par la mère de la jeune fille, mme Biancarelli. 

Mais je ne voudrais pas trop en déflorer pour vous laisser la découverte de toutes ces surprises car, même si c'est un livre de littérature blanche, il se dégage une certaine ambiance de polar. Un polar sous le soleil brûlant de corse où il ne fait pas bon vivre parfois...surtout quand on est le baoul du village. 

 Il faut faire confiance à son libraire et suivre ses recommandations et ses coups de coeur. Car ces coups de coeur peuvent devenir les nôtres. En tout ca, voici mon premier coup de coeur de l'année. Et je ne suis pas prêt d'oublier Antoine, et ce dernier chapitre qui m'a fait éclater en sanglots. Un simple roman dont il se dégage une force émotionnelle énorme et dont on ne sort pas indemne. A lire d'une traite. De toute façon, dès que vous entendez la voix d'Antoine, vous ne pouvez plus vous arrêter avant le mot fin. C'est ça qui fait aussi la force des grands romans. 



Julie Estève: Simple, Stock, 203 pages, 2018




lundi 15 mars 2021

Rage

 

Résumé: Neuf heures cinq. L'écureuil cavale sur la pelouse. Dans la salle 16, Mme Underwood donne son cours d'algèbre... "Si l'on augmente le nombre de variables, les axiomes eux-mêmes restent valides..."

L'interphone crache alors une giclée de mots-requins. Charles Decker est convoqué chez le directeur.
Neuf heures vingt. Après un entretien destroy, Charly met le feu aux vestiaires. Dans les marais puants de son subconscient, son dinosaure personnel patauge avec rage. Charly ouvre la porte de sa classe, tire sur son prof, qui s'effondre. Exit. Tuée sur le coup. Charly se sent merveilleusement bien. Il est allé jusqu'au bout..
.Neuf heures cinquante. Océan de silence dans la classe prise en otage. Charly se prépare pour le sprint final. Psychodrame et lavage de cerveau. Tout le monde va passer à la moulinette…

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de Stephen King. J'avais envie de retrouver sa plume et son univers, et je voulais le faire de manière chronologique. 
(Sauf qu'en notant la bibliographie chronologique du Maître Stephen, je me suis trompé dans les dates en notant la sortie de ce roman en 1966, alors qu'il est sorti en 1976. Damned. Mais bon, on va dire que j'ai lu son premier roman sous le pseudonyme de Richard Bachman (je m'en sors comme je peux). 

Plaisanterie mise à part, j'ai voulu lire ce roman, (que l'on ne trouve plus  aujourd'hui dans les librairies à la demande de l'auteur après une tuerie dans un lycée américain par un jeune qui s'est dit inspiré par ce livre)pour son sujet mais aussi parce qu'il m'a également inspiré une nouvelle que j'ai écrite il y a quelques années. En effet, c'était le livre préféré de mon personnage principal qui s'en est inspiré pour prendre son prof de maths et sa classe en otage dont il était le souffre douleur.(Faire référence dans une nouvelle qu'on écrit à un roman qu'on a pas lu, faut le faire quand même. Car oui, je ne connaissais que le point de départ du roman.)

Le plus grand nombre n'ose pas se lancer dans un Stephen King par peur de l'horreur et du fantastique, genre dont il est devenu l'un des grands maîtres, en se disant qu'ils ne lisent pas et n'aiment pas ces genres là. Sauf que ce serait une erreur de réduire Stephen King à ces genre là. D'ailleurs, ce me semble, dans les romans qu'il a signé Richard Bachman, il est peu question d'horreur et de fantastique. 
Pour Rage, le fantastique est totalement absent et l'horreur, bien présente ma foi, n'est pas celle que vous croyez lire. (Elle serait même pire car bien réelle et ordinaire). 
Ce roman a été une véritable claque pour moi. J'ai été en apnée tout au long de ma lecture, complètement hypnotisé par ce que je lisais. De son style, rapide, cru, et percutant, l'auteur nous parle d'un de ses thèmes de prédilection: l'adolescence et ce qu'elle a de plus terrible. C'est violent, certes, mais c'est un miroir de la société saisissant, et toujours d'actualité, malheureusement. 
Ce huis clos qui se déroule sur une matinée, m'a fait aller de surprise en surprise. Les chapitres flashback qui nous présente la vie peu glorieuse de Charlie, fait qu'on ressent de l'empathie pour ce dernier (ce qui est l'une des forces des romans de King, avoir de l'empathie pour les psychopathes), mais surtout, c'est la réaction de ses camarades de classe, qui vont peu à peu prendre le parti de leur preneur d'otages...jusqu' une scène qui m'a totalement bluffé. 

Stephen King est l'un des auteurs qui a le mieux compris et parlé de l'enfance et de l'adolescence...et ce Rage en est encore une preuve. Je peux comprendre qu'il ne soit plus édité mais c'est pourtant un roman essentiel, qui nous parle de la jeunesse d'aujourd'hui, même si ce roman a été écrit il y a 45 ans. En fait, il démontre que malheureusement, rien n'a changé. 
Une véritable claque que j'ai eu la chance de trouver dans une Boite à Livres, et qui me démontre, si cela n'était pas déjà  le cas, que Stephen King est un des grands auteurs de la littérature américaine. 

Stephen King: Rage (Rage), J'ai lu, 251 pages, 1990



Modeste Mignon

 

Résumé: Nous sommes au Havre. Un négociant part refaire sa fortune dans les mers du Sud en laissant derrière lui la plus exquise des filles, Modeste Mignon. Modeste entretient une correspondance avec un écrivain célèbre, Canalis, poète élégiaque et carriériste bigot, à travers lequel Balzac ne s'est pas gêné pour décocher quelques traits à Lamartine et Vigny. Mais c'est le secrétaire de Canalis, Ernest de la Brière, qui répond aux lettres et devient amoureux fou de Modeste. 


2e roman de la Comédie Humaine, dans l'ordre chronologique dans lequel Balzac l'a placé et voulu, "Modeste Mignon", fut fort agréable. 

Je continue ma découverte de "La Comédie Humaine" avec étonnement. Oui, étonnement car, comme je l'expliquais dans mon billet précédent, je n'aimais pas Balzac depuis mon adolescence. Eh bien, aurais je atteint l'âge et la maturité nécessaire pour apprécier cet auteur? Il semblerait au regard de ce roman que j'ai encore une fois beaucoup apprécié (la rapidité à laquelle je l'ai lu est aussi une preuve de mon intérêt. 3 petits jours pour lire ce roman fort délicieux). 

Dans celui ci, on fait la connaissance de Modeste Mignon, jeune fille de province, que ses parents et ses différents chaperons entourent de leur affection et protection, après que la première fille de M. et Mme Mignon, se soit amouracher d'un homme qui l'a éconduit au final, au point d'en mourir. Ils ne veulent donc pas qu'il arrive la même chose à Modeste. Cependant, cette dernière va entretenir une correspondance avec un certain Canalis, un poète que la jeune fille admire...sans savoir qu'elle correspond avec le secrétaire de ce dernier. 

C'est à un véritable vaudeville auquel Balzac nous invite, avec cette plume drôle et incisive, auquel je ne m'attendais pas. J'ai aimé partir à la découverte de cette population de province et faire la rencontre de tous ces personnages, Modeste, mais aussi Ernest de la Brière (mon préféré), le fameux Canalis, imbu de sa personne, M. et Mme Mignon, mais aussi Butschak, le clerc  et protégé de M. et Mme Latournelle, qui s'est pris d'une profonde amitié pour Modeste et qui l'aidera à faire le bon choix. 

Tout au long de ma lecture, j'ai remarqué que Balzac était drôle. Ce roman est une véritable comédie que je rapprocherai des pièces de Molière, ou de "Beaucoup de Bruit pour rien" de Shakespeare, et même "L'importance d'être constant", de Wilde. Les quiproquos, les petites mesquineries, les calculs pour ravir le coeur de Modeste, tout ceci est bien agencé, et même si je me suis spoilé la fin, en lisant le portrait que Balzac fait de Modeste dans son "Dictionnaire des Personnages",(chose que je ne ferai plus pour mes prochaines lectures), j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir ce joli roman. Alors, certes, les longues descriptions de Balzac et la longue mise en place avant que l'histoire débute réellement sont un passage obligé que je redoute à chaque fois, elles ne m'ont pourtant pas fait soupirer. Je les lisais, avec parfois l'esprit ailleurs, mais sans que cela me gâche le plaisir. 

Je savais que je ne faisais pas une erreur en achetant l'intégrale de la Comédie Humaine. Je pressentais qu'en vieillissant, j'allais apprécier sa plume, et, pour le moment, les deux romans et quelques nouvelles que j'ai lu me donnent raison. Me voilà donc rassuré et je continuerai la découverte de "La Comédie Humaine", avec le prochain roman, dans quelques semaines. 


Honoré de Balzac: Modeste Mignon (La Comédie Humaine Volume 10), Classiques Garnier, 277 pages, 2008




vendredi 12 mars 2021

La Dernière récolte

Résumé: Tous les étés, dans la bourgade de Black Oak, Arkansas, les paysans se préparent à la récolte du coton. La ferme Chandler, dirigée par le solide grand-père Eli, recrute les indispensables saisonniers, " ceux des collines " et les Mexicains. Ensemble, ils ramasseront le coton avant la saison des inondations. Pour le petit Luke Chandler, c'est toujours l'occasion de rencontres, même si la cueillette est difficile pour un enfant de sept ans. Mais Luke ne compte pas rester à la ferme : plus tard, c'est sûr, il deviendra professionnel de base-ball... Pour l'heure, au cours de ce qui sera sa dernière récolte, Luke va cueillir les premières leçons de la vie. Et elles ne seront pas toujours aussi douces que du coton...


John Grisham, grand auteur de thrillers judiciaires, dont j'apprécie énormément la plume et la maîtrise du suspense, a aussi voulu s'essayer à d'autres genres. 


Cette "Dernière récolte" fut donc  le premier roman non judiciaire que Grisham publia (en suivront d'autres comme "Pas de Noël cette année", "Le dernier match" ou "Calico Joe") après les succès de "La Firme, "L'affaire Pélican" ou "Le Client". 

J'avais envie de retrouver la plume de John Grisham mais pas forcément dans une intrigue judiciaire. J'avais envie d'autre chose. C'est ainsi qu'en fouillant dans ma Pile Grisham qu'il me reste à lire, je suis tombé sur ce roman sudiste en tout point. Et...j'ai adoré! 

J'ai aimé retrouver la plume trépidante de John Grisham, très fluide, mais aussi avec une sensibilité qu'on ne voit pas dans ses thrillers. En fait, j'ai trouvé génial que l'auteur se mette à hauteur d'enfant pour nous raconter cette histoire initiatique. Car, en effet, en suivant le parcours du jeune Luke, du haut de ses 7 ans, il nous donne de belles leçons de vie et sur la manière dont son petit héros rempli de rêves sportifs et d'ailleurs, va réussir à grandir sous les yeux et les secrets des adultes. Dans l'histoire de Luke, on sent quelque chose de très personnel qui plane, comme si l'auteur nous racontait un pan de sa jeunesse sudiste. Comme si le petit Luke, c'était lui. 

On ressent toute la chaleur et les temps incertains du Sud des Etats Unis, les rancoeurs aussi de ces petites villes. Il m'a aussi beaucoup rappelé les romans de Steinbeck (en particulier, "Les Raisins de la colère"), s'inscrivant ainsi dans la tradition des purs romans sudistes américains. Bien sûr, on ne se refait pas et même si l'aspect thriller n'est pas là, Grisham sait maintenir un suspense avec des scènes angoissantes où la violence n'est pas loin (très bien incarné par Hank, l'un des saisonniers de la famille Chandler), surtout quand elles sont vus par un regard d'enfant. 

En dressant le portrait de toute une galerie de personnages, Grisham nous parle également de lutte des classes et cette différence entre propriétaire terrien, qui cultive le coton, ces saisonniers, (qu'il viennent des collines ou qu'ils soient Mexicains) qui viennent pour la cueillette du coton ou ces métayers, qui sont tellement pauvres qu'ils ont du mal à survivre dans cette Amérique d'après guerre (la Seconde). Et cette autre guerre qui fait rage en Corée et qui laisse planer une ombre angoissante au dessus de la tête des Chandler, matérialisé par le jeune oncle de Luke, Ricky, dont la présence flottera dans le récit comme un fantôme. 

Il y aurait encore tant à dire sur ce roman foisonnant qui nous embarque dans le Sud des années 50, comme le sport (et le baseball en particulier) ou la notion de nouvel espoir et changement de vie pour le petit Luke, pour lequel sa mère veut un autre destin que celui de fermier. 

En tout cas, ce fut un réel plaisir de retrouver la plume vive et saisissante de John Grisham avec une petite pointe de nostalgie sur ce Sud des Etats Unis qui m'a tant fasciné. Je vous conseille vivement cette dernière récolte. 


John Grisham: La dernière récolte, (A painted house), Pocket, 456 pages, 2002




 

samedi 6 mars 2021

C'était ma petite soeur

Résumé: Nous ne savions pas ce qui nous attendait...

Jeanne se souvient. L'été 1960 s'achève, elle a sept ans. L'Assistance publique les a confiées, elle et ses deux demi-soeurs, à mademoiselle Eugénie qui vit avec ses parents au château des Marguerites. Jeanne a connu les coups et les brimades, avant. Ici, elle goûte, le coeur à peine apprivoisé, à une certaine insouciance : soigner les bêtes, déguster la bonne brioche chaude...
Un jour, tous se pressent autour d'un bébé dans son berceau drapé de blanc. "Ta petite soeur", a murmuré Mademoiselle, les yeux brillants.
Jeanne, petite marguerite, voudrait juste qu'on l'aime, un peu, vraiment, beaucoup. Mais elle comprend qu'on ne lui dit pas tout...
 


Il y avait longtemps que je n'avais pas lu un roman de la collection "Terres de France" des Presses de la Cité. Pourtant, à chaque fois que je commence un roman de cette collection, la porte de ma mémoire s'ouvre sur l'enfance, et la magie opère. 


Je n'avais jamais lu de roman d'Yves Viollier. Ce fut donc une totale découverte, et quelle belle découverte ce fut. Tout d'abord, il y a cette jolie couverture qui m'a charmé et m'a fait ouvrir mon imagination. Sauf que je ne m'attendais pas à lire une telle histoire. 

L'histoire de Jeanne, personnage attachant et bouleversant, est des plus touchante. Petite fille de l'Assistance Publique, elle est confiée, avec ses deux petites soeurs, à une famille de campagnard qui les accueillent aux Marguerites, un château dans la campagne charentaise, il m'a semblé. Sauf que Jeanne, au caractère dur, qui a connu les brimades et les coups dans d'autres famille d'accueil a un besoin d'amour tel qu'elle pense le trouver dans cet endroit. Sauf que Mademoiselle Eugénie, qui les a pris en charge, ne va pas être la femme aimante que Jeanne souhaite. Et l'arrivée d'un bébé aux Marguerite va venir tout chambouler...surtout le coeur de ces petites filles qui vont voir arriver cette petite soeur qu'elle n'attendaient pas. 


J'ai aimé ce roman, la redécouverte de cette campagne que j'ai moi même côtoyé, ces années 60 que j'aime toujours retrouver. Ce parfum de nostalgie qui m'étreint à chaque fois que je lis ce genre de roman et qui me fait penser à ma grand-mère, qui adorait les lire. J'ai été bouleversé par le destin de Jeanne et sa quête d'amour qu'elle poursuivra tout au long de sa vie. 

De sa plume délicate et élégante, Yves Viollier lui rend un vibrant hommage, nous croquant des personnages attachant (douce Jacqueline, bon Monmon, le père de Mademoiselle Eugénie, qui sera l'un des seuls à donner de la tendresse à Jeanne) et d'autres moins, dont Mademoiselle Eugénie, que j'ai cordialement détesté. Puis, ménageant quelques surprises tout au long de l'histoire jusqu'à une scène aux trois quart du roman qui m'a laissé sans voix (et que je vous laisserai découvrir). Mais c'est surtout les deux dernières pages du livre qui m'ont sans doute le plus ému. Yves Viollier s'adresse à la petite Jeanne en espérant lui avoir insufflé un peu de bonheur. Pour ma part, vous avez réussi à la mettre en lumière de la plus belle des manières. 

La découverte de la plume d'Yves Viollier m'a charmé et je serai heureux de la retrouver. Encore une fois, lire un roman de la collection "Terres de France" m'a emporté dans le pays de mes souvenirs d'enfance et je me dis que je devrais y retourner un peu plus souvent à l'avenir. Car cela fait du bien. Je retenterai donc le voyage avec un autre livre de "Terre de France". 


Merci aux Presses de la Cité pour cette formidable découverte. 

Yves Viollier: C'était ma petite soeur, Presses de la Cité, collection "Terres de France", 298 pages, 2019