vendredi 15 juin 2018

Les enfants du dernier salut

4e de couverture: En 1942, Colette a 22 ans et elle est étudiante en médecine à l’hôpital Rothschild de Paris. En fait d'hôpital, c'est plutôt l'antichambre de l'enfer puisque les Juifs qui passent par cet établissement sont ensuite envoyés dans les camps de la mort.

Face à l’atrocité de la situation, Colette intègre un réseau d’évasion qui permet aux enfants de l'hôpital d’échapper à la déportation. Car, si personne ne sait vraiment ce qui les attend, on connaît l’horreur du transport, entassés pendant des jours dans des wagons sans eau et sans vivres.

Pour sauver ces enfants, le réseau truque les registres ou déclare décédés des nourrissons que l'on fait sortir en passant par la morgue... Malgré les soupçons des Nazis et plusieurs arrestations, des centaines d'enfants sont ainsi sauvés. Dernier membre vivant de ce réseau, Colette témoigne dans ce document bouleversant et essentiel.


En hommage à Claire Heyman, assistante sociale à l'hôpital Rothschild, et à une grande partie de l'équipe de cet hôpital, qui durant la guerre a sauvé des centaines d'enfants juifs, Colette Brull-Ulmann, jeune interne à Rothschild en 1942 (et qui elle même a participer à ce réseau) a décidé de laisser une trace écrite de ces gens formidables, dont on avait aucun témoignage. 

La Seconde Guerre mondiale est un terreau formidable d'histoires dans lequel on ne cessera jamais de retrouver des traces. A chaque fois que je lis des témoignages ou des livres sur cette période, j'y découvre toujours de nouveaux éléments. 
Ce fut le cas avec le témoignage de Colette Brull Ulmann: une  jeune femme juive, qui durant la guerre, alors qu'elle préparait ses études de médecine, s'est retrouvée dans cet hôpital qui était le seul à accepter les médecins juifs (chose que j'ignorais totalement) et qui est devenu un hôpital de transit où beaucoup de juifs de Drancy, étaient amené pour se faire soigner, mais qui repartaient pour Drancy ensuite. C'est alors qu'entre en scène Claire Heyman, assistante sociale, qui, de par ses connaissances administratives, sauvera plusieurs enfants juifs, en les faisant s'évader de l'hôpital par la morgue, et les faire "disparaître" aux yeux de l'administration. 

Voici un témoignage bouleversant, qui ne vous laissera pas indifférent. Colette y parsème ses souvenirs, d'avant, pendant et après la guerre. Elle nous raconte sa famille, son père, héros de guerre, travaillant au ministère de la guerre et qui va se retrouver interné à Drancy, en 1941. C'est alors, la peur au ventre, mais le courage chevillé au corps que Colette et les siens vont apprendre à survivre dans ce Paris en guerre. Il y aura la Rafle du Vel' d'Hiv qui nous sera racontée par Colette. Puis son engagement dans la résistance. Cette femme est d'un courage qui force l'admiration, prenant tous les risques pour combattre les cruautés, ayant pourtant un seul regret qui la ronge encore aujourd'hui: ne pas avoir sauvé Danielle, cette petite fille juive qui a vécu plusieurs mois à l'hôpital,  avant qu'un médecin français vendu aux boches, n'en décide autrement. (Danielle, c'est la petite fille sur la photo de couverture, comme pour en garder un souvenir impérissable). 

Heureusement qu'il n'y avait pas que des salauds à l'époque et Mademoiselle Damengout en est un bel exemple. Ah, Gougoute (comme on la surnommait affectueusement) qu'est ce que je l'ai aimé,cette petite bonne femme. Un véritable rayon de soleil qui sera un grand soutien pour Colette dans son combat. 

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé lire et découvrir cette histoire fabuleuse, que Jean-Christophe Portes (auteur de la série "Victor Dauterive") a su mettre en mots, avec son style incomparable et son sens du suspense (rien que la scène d'ouverture où l'on voit Colette emmener clandestinement un garçon juif, par le fameux passage de la morgue,nous présentant tout d'abord le combat de Colette,  pour ensuite revenir sur son passé dans le chapitre suivant,son enfance, son envie de devenir médecin coûte que coûte:  on ressent tout l'art du suspense que possède Jean-Christophe dans sa manière de mettre en forme l'histoire de Colette), en retrouvant son métier de journaliste. 

Ici, Jean-Christophe se transforme en passeur, pour nous livrer le témoignage fort et bouleversant d'une femme exceptionnelle qui s'est battue pour la liberté. Il aurait été dommage de ne pas garder une trace de ces femmes et ces hommes exemplaires, qui ont permis par leur propres moyens et leur sens du devoir et de la liberté, de sauver des centaines d'enfants, d'une mort certaine. 
Un témoignage essentiel pour que l'on n'oublie jamais qu'une telle horreur a existée. Heureusement que certains moments de bravoure ont existé également,  pour nous montrer que l'humanité n'est pas si cruelle, et que la lumière est tapi dans l'ombre, et qu'elle déchire toujours les ténèbres un jour ou l'autre. 
Un témoignage que je vous encourage à lire pour partir à la rencontre d'une femme formidable. 

Merci à Jean-Christophe Portes pour la découverte de ce destin magnifique. 

Colette Brull-Ulmann: Les enfants du dernier salut, Editions City, 254 pages, 2017


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