dimanche 27 juin 2021

A Propos de courage/Les choses qu'ils emportaient

 

Résumé: Tim O'Brien, jeune homme projeté malgré lui dans le tumulte d'un conflit sanglant, celui du Vietnam, tente, vingt ans après, d'exorciser les fantômes qui le hantent. Devenu écrivain, il se met lui-même en scène au côté de ses compagnons d'armes dont il fait, par la grâce d'un alliage subtil entre sa mémoire et son imaginaire, les acteurs et les victimes d'une guerre absurde. Fragments de vie et de mort, de courage et de lâcheté, de folie et de raison, ses histoires sont autant d'échappées poétiques qui oscillent entre passé et présent, et soulignent l'éternel besoin de l'individu de retrouver la flamme d'une innocence perdue.


En livrant au lecteur ses souvenirs de la guerre du Vietnam, Tim O'Brien nous donne à voir une guerre incompréhensible et stupide où même les hommes qui se battaient ne savaient pas pourquoi ils étaient embarqués dans cette galère. 

En ouvrant ce livre que je pensais être un roman, j'ai eu la surprise de découvrir que l'on se rapprochait plus d'un recueil de nouvelles. En effet, les textes se suivent, sans vraiment de continuité, passant de la période de la guerre, puis de l'avant, avec l'ordre de mobilisation que le jeune Tim reçoit avant son entrée à l'université, mais aussi à l'après, avec le retour chaotique au pays de Norman Bowker, l'un des camarades de Tim. Ce qui fait qu'il y a parfois quelques répétitions de certains évènements. 

Une galerie de personnages va nous être présentés tout d'abord, avec déjà un premier mort en la personne de Lavender. Et là, le ton est donné. Le lecteur devine très bien que les personnes qu'il va suivre ne vont pas tous revenir. En fait, ce livre raconte souvent la même chose: des missions souvent sans but précis dans un pays que ces jeunes GI ne comprennent pas, mais qui va les changer à jamais (comme cette jeune fiancée, Mary Ann, embarquée dans cette guerre par son petit ami et qui va voir son regard changé par le Vietnam). C'est très troublant et très fort. 

L'écriture de Tim O'Brien est d'une force et d'une justesse incroyable. Elle nous prend aux tripes pour ne plus nous lâcher et nous embarquer dans cette guerre, sans concession, mais sans pathos. C'est la "vérité" brute d'une guerre stupide. C'est bouleversant, cruel,  horrible...comme l'est la guerre. 

Cependant, ce livre n'est pas seulement le récit d'un conflit, c'est également une réflexion sur le pouvoir de l'imaginaire et le métier d'écrivain. En effet, Tim O'Brien a bien vécu cette guerre, il en a gardé des sensations, des souvenirs, mais au moment de les retranscrire, il utilise la fiction pour raconter des histoires, comme ce chapitre où il parle de la fois où il a tué un homme...en nous disant quelque pages plus tard, que ceci est de la fiction. Ainsi, le lecteur est perdu entre le réel et l'imaginaire, et se laisse manipuler par l'auteur. En cela, le dernier chapitre (ou la dernière nouvelle, cela dépend comment vous considérez ce livre),redonne vie aux morts que l'auteur à croisé lors du conflit mais pas seulement, puisqu'il parle de Linda, son premier amour quand il avait 9 ans, et qui est décédée enfant. Après sa mort, le petit Tim allait se coucher tôt afin de retrouver et faire vivre Linda dans ses rêves. Avec cette anecdote, l'auteur nous rappelle que l'écrivain  (et les rêveurs aussi?) ont le pouvoir de "ramener les êtres chers à la vie" par le pouvoir de l'imagination et de l'écriture. Un chapitre très touchant. 


Avec ce témoignage bouleversant sur ce conflit incompréhensible pour beaucoup, que fut la Guerre du Vietnam, Tim O'Brien redonne vie à ses compagnons d'armes qui sont restés au conflit, qu'ils soient mort là bas où "revenus" au pays. Une immersion totale qui ne vous laisse pas indemne. Un livre d'une justesse admirable qui démontre également que tous ceux qui ont fait le Vietnam restent hanté à jamais par ce pays d'où ils ne sont pas totalement revenu. Tim O'Brien le démontre encore une fois par ses écrits qui évoquent presque toujours la guerre qu'il ne voulait pas faire. 

(Pour finir, voici un extrait du livre qui m'a interpellé: 

"La guerre, c'est l'enfer, mais c'est encore mieux que ça, parce que la guerre, c'est aussi le mystère et la terreur et l'aventure et le courage et la sainteté et la pitié et le désespoir et la nostalgie et l'amour. La guerre est méchante; la guerre est amusante. La guerre est excitante; la guerre est déprimante. La guerre fait de vous un homme, la guerre fait de vous un mort." (P.92-93))


Tim O'Brien: A propos de courage/Les choses qu'ils emportaient, (The Things they carried), Gallmeister, collection "Totem", 262 pages, 1992

P.S. Le titre du livre a changé entre deux éditions. En effet, les Editions Gallmeister ont choisi, pour la nouvelle impression, de traduire le titre de manière littérale et au plus juste. C'est ainsi qu"A propos de courage" (qui est le titre d'un chapitre du livre) est devenu "Les choses qu'ils emportaient". C'est pourquoi je vous ai mis les deux titres et les deux éditions, au cas où vous voudriez découvrir ce livre. 




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire