mardi 21 août 2018

Un intrus (Belfond Vintage Saison 6, Volume 30)

4e de couverture: Parue en 1959 aux États-Unis et en 1960 en France, adaptée au cinéma par Roger Corman, une analyse aussi virtuose que glaçante de la montée du populisme pour un Vintage noir choc, qui n’a malheureusement pas perdu une once de son actualité. 
La petite ville sudiste de Caxton est déboussolée : l’arrêt de la Cour suprême vient de tomber ; désormais, les écoles publiques sont ouvertes aux enfants noirs. On s’étonne, on s’agace, et puis finalement on laisse faire.
Jusqu’à l’arrivée d’un intrus.
L’inconnu s’installe, intrigue, séduit, et petit à petit distille le poison : des Noirs ? Avec vos enfants chéris ? Vous n’y pensez pas !
Alors on s’invective, on rugit, on brandit le poing. Et puis montent la fureur, la haine, le sang…


Dès les premières pages, on sent que "Un intrus" est un livre qui dérange et met mal à l'aise. Pourtant, on ne peut s'empêcher de continuer, malgré le malaise, pour savoir comment cela va se terminer. 

Ce n'est jamais évident de lire un livre dans lequel on ne se sent pas bien, dont on sait que les actions des personnages, tel que cet intrus, Adam Cramer, vont vous mettre hors de vous. Alors, parfois, ce malaise vient au fil de la lecture et on ne sait pas comment on en est arrivé là. Mais, dans Un intrus, c'est tout le contraire. On sait très bien, dès les premières lignes et l'arrivée de cet étranger, Adam Cramer, dans la ville de Caxton, que tout va nous mettre mal à l'aise. 
Mais pourquoi, me direz-vous? 
Commençons d'abord par résumer l'histoire: la Cour Suprême vient de voter une loi autorisant les élèves noirs à intégrer les écoles des Blancs. Les gens sont choqués, restent interdits et n'acceptent pas cette situation...mais ne font rien et se plient à la loi. Car la loi est la loi. Jusqu'au jour où un étranger arrive et, par petites touches, de paroles, de séductions commence à convaincre la population que ce n'est pas normal et qu'il faut changer cela. 
C'est alors que tout va dégénérer. 

Ce roman, qui se déroule dans le Sud des Etats Unis, m'a énormément plu, même s'il m'a gêné: tous les personnages blancs , sans exception, sont contre l'intégration, même ceux qui n'ont rien contre les Noirs. C'est alors très difficile de prendre parti pour quelqu'un. Puis, progressivement, je me suis interrogé: ce roman serait il si gênant s'il n'était pas seulement le reflet de la majorité de la population, moi, y compris. Est ce que ce ne serait pas ça le plus gênant, à savoir, qu'il y a un peu de racisme en chacun de nous, des pensées inavouées qui resurgissent parfois. Attention, je ne me considère par raciste, mais seulement, est ce que je n'ai pas eu moi aussi, un jour où l'autre des pensées racistes? Je m'interroge. 

En fait, ce roman, de par ce sujet brûlant d'actualité qui n'est autre que le racisme ordinaire, fait ouvrir les consciences et nous fait nous poser mille questions. 
Surtout que ces personnages ne sont pas manichéens (bon, il y a bien des salauds qui resteront des salaud, comme le révérend Niesen ou Carey), à commencer par Adam Cramer. Adam est un personnage plus complexe qu'il n'y parait et l'auteur, en  nous racontant son histoire personnelle par petite touche va nous le dévoiler sous un autre jour. Il n'est pas forcément le raciste forcené qui veut à tout prix que les nègres décampe des écoles.Son but ne serait il pas tout autre? Je vous laisse le découvrir. 

En tout cas, voilà un roman puissant qui dérange et qui nous fait nous poser mille questions, sur le racisme ordinaire, que l'on vivait dans les années 50, dans le Sud des Etats Unis, mais aussi aujourd'hui, dans notre propre société. Un racisme ordinaire qui, par un discours plein de haine,mais bien formulé par un orateur hors pair (un parallèle est même fait entre Adam Cramer et Hitler à un moment dans le livre) peut se révéler ravageur et mettre le feu aux poudres. Un roman fort bien écrit,qui ne cherche pas à faire la morale. Il laisse simplement vivre ses personnages, dans cette histoire haletante qui vous prend aux tripes jusqu'à la dernière page. Un roman qui nous fait réfléchir et qui est ressorti cette année chez Belfond [Vintage], qui encore une fois à su faire mouche. Merci à eux! 

Pour info, ce roman a été adapté par Roger Corman (qui signe la préface de la présente édition) en 1962, au cinéma. Le film vient de  bénéficier d'une sortie au cinéma, à partir du mercredi 15 août 2018, dans une version restaurée, dans certaines villes de France. Renseignez vous. 

Charles Beaumont: Un intrus, (The Intruder), Belfond, (collection Belfond [Vintage]), 444 pages, 1959 (pour l'édition originale), 1960 (pour la traduction française), 2018 (pour la présente édition)


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