dimanche 13 décembre 2015

Le couloir de la mort

4e de couverture: État du Mississippi, 1967. Les deux jeunes fils d'un avocat juif défenseur des droits civiques meurent, pulvérisés par une bombe portant la signature assassine du Ku Klux Klan... Eté 1990, Sam Cayhall, l'un des terroristes présumés, attend fébrilement le jour de son exécution. Cloîtré dans sa cellule étouffante du quartier de haute sécurité, l'homme a perdu le soutien de tous les siens. Tous sauf de son petit-fils Adam : un avocat d'assises fraîchement diplômé qui, malgré l'incompréhension et le dégoût profond que lui évoquent ce grand-père qu'il connaît à peine, va tenter l'impossible afin de lui épargner le supplice de la chambre à gaz.


Les lecteurs du blog qui me suivent depuis quasi l'ouverture du Kabaret savent que John Grisham fait parti de mes auteurs favoris, et ce, depuis des années. 
Cependant, cela faisait trois ans que je ne m'étais pas plongé dans une de ses intrigues judiciaires dont lui seul à le secret. (Ma dernière lecture remonte à juin 2011 avec Le Testament). 
Mon choix s'est alors porté sur Le Couloir de la mort parce qu'il est le roman (de cet auteur) le plus ancien dans la PAL: en effet, il y traîne depuis 17 ans (!!). En fait, j'avais tenté de le lire au moment de l'achat du livre en 1999...mais j'ai abandonné ma lecture au bout d'une trentaine de pages car j'avais eu le malheur de vouloir le lire tout de suite  après avoir vu le film qui en a été tiré (le titre français de l'adaptation est "L'héritage de la haine" avec Chris O'Donnell, Gene Hackman et Faye Dunaway). Connaissant déjà l'histoire, je ne voyais plus l'intérêt de lire le livre...je l'ai alors laissé dormir pendant plusieurs années (il a dû se sentir comme la Belle au bois dormant le pauvre). 

Le Couloir de la mort est un roman fascinant, qui nous montre de nouveaux rouages de la justice américaine (c'est ce que j'aime chez Grisham: chaque roman nous ouvre les portes du monde judiciaire américain dans des domaines différents (les avocats d'affaires dans "La Firme" (et les magouilles qui vont avec), les droits de succession dans "Le Testament", le droit d'assise dans "Non Coupable" et, ici, la défense d'un condamné à mort pour lui éviter l'exécution. 
Alors, ce n'est pas un plaidoyer contre la peine de mort que nous donne à lire Grisham (même si les partisans contre la peine de mort nous sont également montré): non, il montre les rouages de toute cette mécanique complexe qu'est la défense d'un condamné à mort pour lui éviter (ici) la Chambre à gaz et il le fait, encore une fois de manière magistrale, de façon quasi "professorale" en nous donnant toutes les clefs de compréhension,  mais en n'oubliant pas le suspense que John Grisham sait gérer de main de maître. 
En ouvrant ce livre, il ne faut pas s'attendre à avoir des rebondissements de folie et de l'action (je crois d'ailleurs que le film a ajouté des éléments d'action qui ne sont pas dans le livre (pas  ou peu développé) pour rendre l'intrigue plus nerveuse): on suit juste le parcours d'Adam, ce jeune avocat, dans son combat pour empêcher que son client passe dans la Chambre à gaz. 

L'autre point fort du roman c'est d'avoir créé un lien entre l'avocat et son client: en effet, dès l'apparition d'Adam, l'avocat qui reprend le dossier de Sam Cayhall (les premières pages du livre revenant sur l'attentat provoqué par Sam et son complice, qui provoqua la mort de deux enfants,  et les deux procès qui en découlent), le lecteur (et les protagonistes du roman) savent qu'Adam est le petit fils de Sam Cayhall (d'où l'explication du titre français de l'adaptation ciné "L'héritage de la haine"). L'auteur va alors, à l'aide de flashbacks, nous décrire le passé peu glorieux de la famille Cayhall (leur lien avec le Ku Klux Klan depuis plusieurs génération (du grand père jusqu'au petit fils Sam (lien qui sera brisé par Eddie, le fils de Sam qui s'éloignera de cette famille, en déménageant pour la Californie avec sa femme et ses deux enfants, Adam et Carmen (il changera même de nom pour prendre le patronyme de Hall). On entre alors dans l'horreur de cette histoire Sudiste où la haine raciale est ancrée viscéralement dans les mémoires et les consciences (que Grisham nous avait déjà montré dans son premier roman "Non Coupable", mais là il descend encore plus profond dans l'abject). 
En créant ce lien entre les deux personnages, John Grisham nous interroge sur les liens du sang et aussi sur l'héritage et l'éducation qu'on donne à ses enfants. En effet, si Sam avait été élevé de la même manière qu'Adam, en étant éloigné de cette secte qu'est le KKK, peut être n'aurait il jamais eu ces morts sur la conscience (on apprendra d'ailleurs que les deux enfants juifs innocents mort dans l'attentat n'étaient pas les premières victimes de Sam) et peut être qu'il n'aurait pas fini dans le Couloir de la mort. Mais pour lui, c'était "normal" de tuer des "nègres" ou des juifs (il n'a d'ailleurs jamais été inquiété pour cela pendant des années. Il faudra attendre la fin de la ségrégation pour que son jugement soit remis en cause et qu'il soit condamné): cette haine viscérale à gangrené le Sud profond des Etats Unis. 
Le plus surprenant, c'est que ce lien entre Adam et Sam fait que, comme Adam, on apprend à connaître Sam et a ressentir une sorte de compassion pour lui (alors qu'il est un véritable monstre): il aura même des remords en voyant approcher l'exécution de la sentence. On se demande et on espère tout au long du roman qu'il ne sera pas exécuté: malgré les horreur set les crimes qu'il a commis, mérite t'il pour autant de finir gazé? (surtout que Sam, au moment du roman est un vieux monsieur de 70 ans (il est le plus vieux condamné à mort du comté de Ford). Cette question (et beaucoup d'autres), le lecteur se la pose tout au long du livre. 

Vous voyez, il y a beaucoup de choses à dire sur ce roman passionnant. Un roman n'a pas besoin d'action et de rebondissements continuels (et qui pourrait paraître artificiel) pour captiver jusqu'à la fin. Un roman au suspense implacable qui vous fera espérer jusqu'aux dernières pages. Un roman que je recommande fortement pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire (pas très glorieuse, je l'avoue) du Sud des Etats Unis, de la ségrégation, mais aussi aux rouages de la justice américaine (et plus particulièrement ici, à tout ce qui touche au Couloir de la mort (ne vous attendez pas à avoir des scènes de tribunal et de procès,vous seriez déçu.) 
Encore une fois, du grand Grisham! 

John Grisham; Le Couloir de la mort (The Chamber), (traduit par Michel Courtois-Fourcy), Pocket, 556 pages, 1995



2 commentaires:

  1. Je ne connaissais ni le roman, ni le film adapté du livre, pourtant tu sais que c'est un sujet qui me passionne, bon je lis de moins en moins de policiers/thriller mais je ferai peut-être une exceptions pour celui-ci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense que ce roman pourrait te plaire. Malgré ce que dit la couverture, ce n'est pas à proprement parlé un thriller ou un policier. C'est plus un roman judiciaire.

      Supprimer