lundi 24 mai 2021

Antichute

Résumé: « Vous êtes atteint d’une alopécie androgénétique.
— Pardon ?
— Vous êtes atteint d’une calvitie, comme on dit. »

Les mots du dermatologue sonnent comme une condamnation. Julien a vingt-deux ans, son crâne se dégarnit et ce n’est que le début. Le début de la chute.
Dix ans et pas mal de cheveux perdus plus tard, il se décide à partir pour Istanbul, capitale en vogue de l’implant capillaire. Relatant avec humour son périple depuis la clinique turque où se croisent stars du foot et anonymes de tous pays jusqu’à sa renaissance un an plus tard, l’auteur
se livre à une réflexion sur l’impact de l’alopécie sur l’estime de soi et la vie sociale.
Un récit intime et moderne sur la symbolique du cheveu et ce qu’il dit de nous.


Nos cheveux, donc, nous parlent. Ils sont nos murmures, nos témoignages, nos vérités. (p.222)

Cette phrase mis en ouverture de cette chronique résume parfaitement ce livre. Dans celui ci, Julien ne parle pas simplement d'une histoire de cheveux, il se raconte et se livre sans fard, et avec une grande sincérité. 

Je vous le dit tout de suite, je ne me sens pas très objectif quand je dois parler d'un livre de Julien Dufresne-Lamy, Depuis ma découverte de son écriture et de son univers, il y a deux ans, je suis un admirateur inconditionnel de cet auteur. Donc, forcément, je pars déjà un peu conquis d'avance à chaque fois que je commence la lecture d'un de ses livres. 
Cependant, celui-ci a quelque chose en plus: une certaine résonnance à ma propre vie. En débutant ce livre, je ne pensais pas que Julien et moi avions autant de similitudes dans nos propres vie respectives, (pour être franc,  je me sentais proche de son univers (et donc de lui), même avant d'avoir lu ses écrits. Vous savez comme une sorte de connexion invisible qu'on explique pas). 

En découvrant ce livre, j'ai enfin mis le doigt sur cette connexion que je ne comprenais pas. Tout comme Julien, j'ai commencé à perdre mes cheveux à 22 ans. Tout comme lui, je me sentais différent des autres, je ne me sentais pas viril, et on me le faisait bien sentir quand j'étais gamin. Tout comme lui, j'ai eu des rapports difficile avec mon père, qui m'a aussi forcé à pratiquer des activités dont je ne voulais pas. 
En revanche, je n'ai pas eu le même rapport avec la perte de mes cheveux. Bien sûr, j'ai eu un choc en les voyant tomber progressivement à cet âge où notre vie sociale débute réellement et où le regard des autres peur être cinglant. Mais là, où Julien a tout fait pour retrouver ce qu'il perdait, je me suis résigné à la perte de mes cheveux mais,  j'ai commencé à la cacher sous le port d'une casquette. Maintenant, la quarantaine passée, je me suis fait à ma calvitie apparente, mais cela a pris un peu de temps. 

Mais oublions moi un petit peu et revenons au livre. J'ai beaucoup aimé découvrir le parcours "du combattif" Julien, qui nous dévoile des petites touches de vie personnelle, par coups de  flashbacks sur son enfance. Découpé en 3 parties, comme trois étapes vers l'acceptation de soi, Julien nous décrit ce parcours passionnant comme un livre à suspense. Car, oui, comme dans chacun de ses livres, Julien distille un suspense qui m'a tenu en haleine. C'est un écrivain et cela se sent, dans son écriture, toujours bien ciselée, mais aussi dans sa structure narrative, et ce, même si ici , il est le héros de sa propre histoire. L'auteur, Julien Dufresne-Lamy, met en scène son personnage, Julien et lui fait vivre un parcours semé d'embûches, vers lequel il va se relever...et enfin accepter d'être lui-même et, accepter sa calvitie. Car même s'il a eu recours à des implants (d'ailleurs, la partie à Istanbul fut des plus passionnante à découvrir car Julien nous décrit toutes les étapes de son opération et ses rencontres dans ce pays), Julien assume à présent d'avoir perdu ses cheveux...et ce témoignage en est une belle preuve. 

Ce qui me plait dans les livres de Julien, c'est cette capacité qu'il a de nous instruire, tout en nous divertissant. Il nous avait fait découvrir le monde des Drags et du voguing dans "Jolis Jolis monstres", celui de la transidentité dans "Mon père, ma mère, mes tremblements de terre". Eh bien, il procède de la même manière avec "Antichute". Il arrive à nous informer et à nous passionner pour le cheveu et son histoire à travers l'Histoire, ou les références en littérature, mais également du point de vue médical. Et tout cela avec fluidité. Chapeau, mon cher Julien, car c'était pas gagné de pouvoir rendre le cheveu aussi intéressant. 

Vous l'aurez compris, j'ai été conquis par ce livre, dans lequel Julien se met à nu, sans pathos, avec justesse et sensibilité. Et en lisant ce livre, je me suis fait une réflexion, que je vous livre ici: la perte des cheveux, c'est comme se dévoiler et se mettre à nu devant les autres. On se cache derrière eux (d'ailleurs, Julien le décrit fort bien dans un chapitre où il parle des différentes coiffures que l'on aborde au cours des années), par peur de montrer qui on est vraiment. Perdre ses cheveux, c'est comme monter sur une scène et déclamer devant un public (ou chanter pour ma part, ce sera plus facile): voilà qui je suis. Ensuite, vient un temps parfois long, où l'on déclare: "acceptez moi comme je suis, ou rejetez moi, je m'en fiche. Moi, j'ai fini par m'accepter, c'est le principal". 
En écrivant ce livre, Julien a déclamé aux autres qui il était. Et je pense, enfin, j'espère qu'il est serein avec l'image qu'il nous renvoie et qu'il s'accepte tel qu'il est. En trois mots: une belle personne. 

Merci aux Editions Flammarion pour la découverte de ce beau témoignage. 

Julien Dufresne Lamy: Antichute, Flammarion, 253 pages, 2021



 

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