C'est en feuilletant le magazine "Page des Libraires" que j'ai remarqué ce roman de la rentrée littéraire. Le hasard a voulu que celui ci soit choisi par une libraire pour ma rubrique "Coup de Coeur des Libraires".
Cette libraire (qui souhaite rester anonyme) m'a alors parlé de ce roman comme un roman très actuel, de par son sujet, mais surtout, elle a été charmé par la poésie qui se dégageait de ce livre.
Encore une fois, pour moi, c'est une magnfique découverte, que je n'aurai probablement pas faite, si je n'avais pas mis en place cette nouvelle rubrique (quelle belle idée tout de même) qui donne la parole et le choix aux libraires. Je me rends compte à présent qu'il faut les écouter plus régulièrement car ils sont souvent de bon conseil et, surtout, ils nous orientent vers des romans peu médiatisés, mais qui valent mille fois le coup.
C'est la cas pour ce roman de Paola Pigani. J'ai été époustouflé par ce petit roman, fort actuel (même si l'action se déroule en 2001, on en est plein dedans avec les migrants): l'auteur donne un visage à ces milliers de migrants qui quittent leur pays en guerre pour une vie meilleure, en suivant le parcours de deux jeunes Kosovars qui ont fuit leur pays pour se réfugier en France, à Lyon, plus précisément. Mais, surtout, elle va décrire deux parcours bien différents: Simona qui, à force de culot, va tout faire pour s'intégrer et se construire une nouvelle vie dans ce pays, en apprenant la langue, en trouvant un boulot, en faisant des rencontres...Tout le contraire de son frère Mirko, qui n'arrive pas à panser ses blessures et à oublier son pays d'origine. (C'est d'ailleurs, par ses souvenirs que la situation de son pays, le Kosovo, nous ait montré. Ces passages sont bouleversants). La nostalgie des siens est comme une blessure béante dans son coeur, que sa main mutilée rappelle à son souvenir chaque fois qu'il la regarde.
Alors, l'histoire du roman est toute simple (ne vous attendez pas à des aventures rocambolesques): le parcours de deux réfugiés dans leur nouveau pays, de l'arrivée grâce à des passeurs, jusqu'aux démarches administratives nombreuses auxquelles sont confrontés ces derniers pour avoir leur statut de réfugié, à l'apprentissage de la langue et aux rencontres qu'ils peuvent faire. Mais la simplicité de l'histoire est contrebalancée par la poésie qui s'en dégage.
Ce qui fait tout le charme du livre, c'est la plume merveilleuse de Paola Pigani: ila poésie qui se trouve dans ses lignes touche au coeur le lecteur que je suis. C'est d'un lyrisme fabuleux qui m'a estomaqué et bouleversé.
Comme parfois, un exemple vaut mieux que des discours:
Dehors, les pavés et le ciel luisent du même gris. Agathe entraîne Mirko sur les quais. Ils marchent côte à côte sans filet. De loin en loin, des débris de verre, un sac McDonald's trempé ou une canette de soda dévient leurs pas. Mirko, au fur et à mesure qu'ils longent la Saône, raconte le même souvenir. Il mime un espace entre ses bras et roule les r plus fort. On dirait qu'il essaie d'évaluer la largeur du cours d'eau, son niveau. Il s'agite, remet d l'ordre dans les images qu'il vient de livrer à la jeune femme au café.
[...]
Seul le mouvement de l'eau existe. Ils s'éloignent. La Saône n'est plus qu'un alibi pour rester côte à côte alors que le soleil est déjà tombé très bas derrière Saint Georges.
Ils se quittent sous une colonne Morris. Mirko prend les deux mains d'Agathe, les secoue comme un vêtement trempé avant de les lâcher. Elle relève le col de son pull sur sa bouche où se perd un sourire triste qu'il ne voit pas. Il lâche un au revoir à peine audible. (P. 89/90)
J'ai été charmé et ému par cette plume qui m'a fait aimer les personnages et mieux comprendre leur vie.
Au final, un roman très humble, très beau, d'une poésie incroyable, qui donne un visage humain à ces milliers de migrants qui fuient leur pays pour un monde meilleur. Un roman fort de la rentrée littéraire que je vous encourage très fortement à lire. Comme moi, j'espère, vous serez ému et bouleversé par le parcours de ce frère (Mirko) et de cette soeur (Simona) qui, chacun, vivent l'exil différemment.
Une découverte et une lecture bouleversante et merveilleuse qui restent encore ancré en nous, même une fois le livre refermé.
Merci à la libraire pour ce coup de coeur, qui fut un moment fort de lecture pour moi: une très belle aventure.
Paola Pigani: Venus d'ailleurs, Liana Levi, 171 pages, 2015.
ça colle en effet parfaitement à l'actualité, et ça a l'air intéressant, je pense qu'on oublie souvent qu'il y a des hommes derrière ces migrants, des histoires, des familles, des vies brisées. J'aime beaucoup cette nouvelle rubrique, tu as vraiment eu une très bonne idée.
RépondreSupprimerMerci! Je ne pensais pas qu'en "créant" cette rubrique, elle allait me réserver autant de belles surprises. Pourvu que ça dure.
Supprimer