vendredi 10 juillet 2015

Les Crèvecoeur (Germain)

4e de couverture: Une fois encore, l’histoire de Germain Crèvecœur semble étroitement liée à la grande Histoire du monde. Mais, otage d’un conflit allemand dans lequel on exploite son talent, et témoin d’un amour contre nature dans lequel il joue les héros malgré lui, il ne pense qu’à assouvir sa passion pour les souliers féminins. Afin qu’elle survive au chaos de l’humanité, Germain signera un pacte avec le diable et acceptera même de revenir dans son antre. Il percera alors le mystère de sa naissance.
De ses jeux de séduction sulfureux à la mélancolie de son cœur solitaire, ce prodigieux chausseur pour dames nous entraîne dans le souffle de la guerre autant que dans le tourbillon de son génie créatif.
Germain est le troisième volet de cette épopée familiale.

Risque de Spoilers sur les tomes précédents. (logique, c'est un tome 3 me direz vous, mais je préfère prévenir pour éviter les déconvenues)

Deuxième année que je passe en compagnie de la saga des "Crèvecoeur", avec ce 3e tome, toujours aussi captivant que les premiers tomes. 
C'est un bonheur de retrouver, à la fois ces personnages (et en particulier Germain) que j'aime beaucoup, mais également la plume d'Antonia, qui me charme complètement. 

Nous avançons dans l'histoire de Germain: nous sommes en 1939 et la guerre approche de Paris à grand pas. Germain, est devenu créateur à l'usine de chaussures Bertram, et qui connait son premier succès avec sa collection des Joséphine. Mais voilà que la guerre va tout changer et que l'usine, réquisitionnée par l'armée allemande, va contraindre Germain à fabriquer des chaussures d'hommes (ce qu'il déteste par dessus tout, lui qui ne voient que la beauté des chaussures féminines), et plus particulièrement des bottes allemandes. 

Ce 3e tome peut se découper en deux parties: une première,assez sombre, dans laquelle Antonia décrit fort bien ce passé noir de la France occupée: surtout qu'elle a eu l'idée fabuleuse de focaliser son histoire à Drancy (là où habite les Bonhomie, Félix et Joanne qui sont responsables (du moins pour Félix) de l'usine Bertram et qui ont pris Germain sous leur aile): ainsi, le sort des juifs est évoquée par ce lieu qui est marquée dans l'inconscient collectif comme ayant été un élément de la solution finale. (En effet, les juifs de France étaient parqués dans des trains, à la gare de Drancy; ces trains qui partaient vers les camps de concentration). 
Il y a des scènes vibrantes et terribles qui vous prennent au ventre, comme celle ou Joanne découvre, en faisant un trou dans la haie de son jardin, ces milliers de juifs sur le quai de la gare (qui fait face à sa maison), que l'on fait monter dans des trains pour on ne sait où. 

En ce qui concerne Germain, qui, encore une fois, interpelle son fils, mais aussi le lecteur, avec ce "tu" qui apparait quelquefois, au fil du texte, on le découvre en héros malgré lui,lui, qui ne se voit que comme une personne "égoïste", "lâche" qui ne pense qu'à sauver sa vie: en effet, ce jour de juillet 1942, que l'on nomma, la Rafle du Vel'dHiv, il va sauver la vie de Hanna, la fille juive de ses voisins, en la faisant embaucher comme secrétaire pour le commandant Diehl (quel meilleur moyen de cacher une juive, que de la "jeter dans la gueule du loup" en somme). 

Mais n'en disons pas trop pour garder des surprises: juste vous dire, que dans une 2e partie, beaucoup plus calme et claire(la guerre étant finie), c'est le retour à Bayeux et au monde de la chaussure féminine, qu'Antonia décrit si bien. Tellement bien d'ailleurs que je verrais les chaussures avec un autre regard. 

J'ai trouvé ce 3e tome plus introspectif que les deux précédents (mais tout aussi passionnant et fascinant, je vous rassure. C'est bien simple, on ne peut pas décrocher une seule minute): en effet, Germain se livre beaucoup plus dans des monologues où il décrit son ressenti face à la guerre, et aux relations qu'elle fait naître, mais aussi, ensuite, sur son métier de bottier pour dames, qu'il reprend à Bayeux, vers la fin de la guerre. C'est alors à des pages d'une beauté sans pareille, qui m'ont émerveillé, auxquelles le lecteur est confronté et dont il ressort, tout ébloui. 

Car, si l'histoire retient à chaque fois mon attention et que j'aime retrouver Germain (que j'adore. J'aime sa personnalité, et je n'ai qu'une envie, qu'il trouve le bonheur), faire la connaissance de nouveaux personnages, comme Hanna ou Erlmann, ainsi que Balantine ou les Bonhomie; c'est la plume d'Antonia qui retient ici mon attention. j'ai rarement lu une plume aussi poétique et belle, dans un français superbe que l'on ne rencontre plus de nos jours. C'est bien simple, la plume d'Antonia a traversé le temps: elle est venu du XIXe siècle pour reconquérir les lecteurs du XXIe. J'ai l'impression de lire du Maupassant, du Flaubert ou du Balzac. Mais attention, ne croyez pas que c'est désuet ou chiant à mourir, non,non. Sa plume poétique est d'un classicisme très moderne. Une plume qui vous ravit le coeur et qui vous dit que, tout compte fait, raconter une histoire passionnante dans une belle langue, c'est encore possible. 

En tout cas, c'est toujours un bonheur de retrouver les Crèvecoeur et  la plume d'Antonia, qui est l'une des plumes les plus belles de la littérature française d'aujourd'hui et qu'il faut absolument découvrir, surtout si vous aimez les belles lettres. Encore une fois un tome qui ne m'a pas déçu. Une saga qui fera partie de mon panthéon des sagas. Un personnage (Germain) très attachant, que ce soit dans ses forces et ses faiblesses; un personnage qu'on ne peut qu'aimer, et que j'ai hâte de retrouver dans le dernier tome, surtout au vue du final (car oui, l'auteur n'oublie pas de lâcher quelques petites révélations au passage), qui annonce l'arrivée d'un personnage qui sera probablement au coeur du 4e et dernier tome (oh non, j'ai pas envie que ça finisse!).  Un 4e tome que j'attend avec impatience mais aussi appréhension et tristesse car il annoncera la fin de cette saga magnifique des Crèvecoeur, qui a réussi a ravir le mien...pour le meilleur. 

Merci à Antonia pour le joli cadeau qu'elle m'a fait avec ce 3e tome. Merci pour sa gentillesse, son talent, sa plume qui me charme à chaque fois. Merci pour tout, Antonia. 

Et merci aux Editions La Bourdonnaye de me permettre de continuer ce voyage en compagnie des Crèvecoeur.

Antonia Medeiros: Les Crèvecoeur (Germain), Editions La Bourdonnaye (Collection "Fictions"), 211 pages, 2015




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