samedi 28 août 2021

Rentrée Littéraire 2021 #5: Campagne

 

Résumé: « Quoi que l'on fasse, de quelque partie que l'on vienne, le village se cache, ne se montre pas de loin. C'est un village tout plié sur lui-même, en boule la tête dans le cul, comme un chat endormi. Au milieu coule une rivière. C'est-à-dire qu'elle était au milieu, avant qu'il soit désaxé, le village, étendu vers le sud pour les nouvelles constructions. Ici, au village, on en trouve comme cela, qui disent à présent qu'il faut sauver la Terre. Sauver la Terre, je veux bien moi, mais qui nous sauvera, nous ? »


De jeunes citadins, pétris de certitudes, se sont installés dans un village de la France profonde afin d'y organiser une « grande fête participative ». Entre eux et les paysans, le choc est inévitable, le drame annoncé

Le 2e roman de Matthieu Falcone parle d'un sujet dans l'air du temps: le retour à la nature et à la terre, avec en fond la confrontation entre les gens issus de la terre depuis des générations et les citadins qui font ce retour à la terre. 

Campagne (qui donne son titre au roman) est probablement le lieu où se déroule l'histoire. (une commune en Dordogne se nomme bien Campagne) Un lieu où il doit faire bon vivre et où la vie se déroule paisiblement...enfin, ça c'était avant que des citadins décident de s'y installer pour retrouver le goût et le besoin de la terre comme Julien ,le jardinier poète, ou Cédric, le scientifique qui est venu vivre dans ce village avec femme et enfant pour se reconvertir dans le Bio. Puis, il y a aussi les gens du pays comme Le Fou, la soixantaine qui a un pied bot et qui se retrouve régulièrement au bar du village tenu par François, un petit gars venu de la ville également, où il boit avec son ami Robert, le narrateur de cette histoire. 

Dès les première pages, j'ai aimé entendre la voix de ce narrateur bienveillant qui nous raconte sa campagne et ces habitants. Tous ont quelque chose d'affectueux en eux, que ce soit Le Fou, Julien, le poète jardinier, Cédric et sa femme Martha, qui décident d'élever leurs enfants loin de l'Education Nationale, et même Méline, jeune mère célibataire un peu paumée mais qui essaye de faire tout son possible pour son fils, même si elle voudrait du temps pour elle. 

Matthieu Falcone dresse le portrait de ce nouveau monde rural qui a vu débarquer des gens de la ville qui rêvaient d'un retour à la nature, qui ne pensent qu'écologie, et le vivre ensemble, sauf que derrière tout ça se cache surtout de la pensée un peu moralisatrice et de l'individualisme. L'auteur aurait pu saupoudrer son roman de cynisme sauf que son narrateur, Robert, à la bienveillance chevillée au corps et ne juge pas autrui. Alors, attention, ce n'est pas le pays des bisounours et les petites piques sont parfois lancées par Robert. En fait, ce livre est plein de lucidité sur cette nouvelle campagne qui voit s'affronter deux mondes: le monde rural installé depuis plusieurs générations et qui a toujours cultivé la terre, et les citadins, souvent jeunes, venu s'installer dans ces campagnes pour retrouver une vie saine. Sauf que ces deux mondes n'arrivent pas forcément à coexister. 
Le roman déroule le fil des saisons tranquillement en nous dressant le portrait de ses personnages jusqu'à cette fameuse fête du partage qui va tout changer à jamais. Et je vous assure que même si je m'attendais à l'évènement tragique qui arrive vers la fin du roman, j'ai été tout de même estomaqué. Puis,  ce final frustrant qui laisse un goût amer en bouche, même après avoir fermé le livre.

Campagne est un roman charmant de par ses personnages sympathiques comme Robert, le Fou, Cédric et Martha, mais qui se dirige vers un drame cruel et frustrant de par sa non recherche de vérité, même si au final, en y repensant, je me dis que la vérité n'est pas si importante à révéler. Un roman sur le monde rural d'aujourd'hui criant de vérité qui m'a laissé un goût amer dans la bouche, bien après avoir refermé le livre. 

"De nos jours, on a une vision fantasmée de la nature, de ce qu'on s'en est trop éloignés. Quand je dis on, je parle pour la plupart, qui vivent là haut dans les villes. On imagine les forêts comme des lieux qu'il faudrait laisser vierges de toute mains d'homme. On prétend que la nature n'a pas besoin de nous. Mais si nos forêts partent en fumée, c'est parce qu'on les laisse pousser sans les soigner. [...]on veut aussi interdire la chasse, sans se rendre compte que les chasseurs nous délivrent du gibier qui broutent nos arbres, qui se frotte aux jeunes troncs et, finalement les assassine. On voudrait les loups et que les bergers s'en aillent, parce qu'ils font du mal aux petits agneaux. On dit que c'est pour la nature, maison juge tout par rapport à nous. Comme si les bêtes pensaient de même que nous. (p.66-67)

Matthieu Falcone: Campagne, Albin Michel, 299 pages, 2021



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