dimanche 7 janvier 2018

La Route au tabac (Belfond Vintage Saison 5, Volume 29)

4e de couverture: — Dieu a peut-être bien voulu que les choses soient ainsi, dit Jeeter. Il en sait peut-être plus long que nous autres, mortels. Dieu est un vieux malin. On peut pas le rouler, Lui ! Il s'occupe de petits détails que les simples mortels ne remarquent même pas. C'est pour ça que j'veux pas quitter ma terre pour aller à Augusta vivre dans une de leurs sacrées filatures. Il m'a mis ici, et Il ne m'a jamais dit de m'en aller vivre ailleurs.
Vendue à plus de trois millions d'exemplaires, traduite en une quinzaine de langues, portée à l'écran par John Ford en 1941, pièce de théâtre à succès, La Route au tabac est le plus grand triomphe d'Erskine Caldwell.
Dans ce roman paru en 1932 aux États-Unis et en 1947 chez Gallimard, l'auteur, fidèle à sa tradition, dépeint le Sud des petits Blancs dans sa réalité la plus crue, et nous livre la radiographie d'une époque, celle de la Grande Dépression, où la faim détruit corps et esprits.

Un immense classique de la littérature américaine à redécouvrir.

La Route au tabac est le troisième roman d'Erskine Caldwell à paraître au sein de la collection "Belfond [Vintage]". Petit à petit les Editions Belfond redonne ces lettres de noblesse à cet auteur un peu oublié du grand public en  faisant (re)découvrir son oeuvre à un nouveau lectorat. Ce qui est une chose juste car Erskine Caldwell est un auteur qui mérite d'être lu et reconnu. 

Ayant découvert cet auteur avec deux autres romans ("Le bâtard" et "Haute tension à Palmetto" (mon préféré)) j'étais ravi de poursuivre ma découverte de cet auteur avec ce titre. Surtout que "La Route au tabac" est considéré comme son chef d'oeuvre (que John Ford porta à l'écran en 1941). 
Bien  que j'ai passé un agréable moment avec ce roman, il n'a pas été le chef d'oeuvre tant escompté pour moi. J'ai préféré, et de loin "Haute Tension à Palmetto", que j'ai trouvé plus abouti. 
Je reconnais toutefois qu'on a affaire à un grand roman et je comprend son succès de l'époque: le style d'Erskine Caldwell est toujours aussi cash et sans parti pris. Il ne prend jamais parti, ni pour les nègres, dont les personnages ne sont jamais très bien considéré (mais c'est l'époque qui veut ça, nous sommes souvent plongé dans le Sud des Etats Unis, au début du XXe siècle. Donc rien de plus normal, surtout que l'auteur nous donne souvent le point de vue des hommes et femmes blancs de l'histoire), mais encore moins pour les blancs qui sont souvent de pauvres idiots. C'est encore plus flagrant dans ce roman là. 
Je crois que je n'ai jamais rencontré de personnages aussi crétins que cette famille Lester: que ce soit le mari,la femme ou les enfants Lester (du moins Dude et Ellie May, que l'on rencontre, les autres enfants sont seulement évoqués) . Tous sont de sombres idiots, qui font souvent des choix peu judicieux. Ils sont  fainéants, sans scrupule, voleurs, j'en passe et des meilleurs. Alors, il est vrai que dans les deux précédents romans que j'ai lu de l'auteur certains personnages sont du même acabit, mais il y en a toujours qui sortent du lot. Là, il n'y en a aucun pour sauver l'autre. Tous sont a baffer. C'est peut être pour ça que je n'ai pas pu m'attacher à ce roman. 

Toutefois, ce qui le  sauve, c'est l'écriture d'Erskine Caldwell: celui ci a des moments de fulgurance dans ces descriptions du Vieux Sud, qui meurt de faim. Il décrit, avec des mots justes, la misère qui sévit lors de cette grande Dépression, avec des mots simples, qui vont à l'essentiel, sans oublier cet élément de répétition dans les dialogues (les personnages répètent souvent les mêmes phrases comme un leitmotiv lancinant,qui vous prend progressivement la tête, mais qui décrit parfaitement l'aliénation qui prend les esprits, parce que la faim détruisant le corps s'attaque ensuite au mental). Puis, cela montre le dialogue de sourd qui s'est installé dans cette famille.  Jeeter et Ada, qui ont eu une dizaine d'enfants se retrouvent seuls, abandonnés dans leur ferme, où ils ne cultivent plus rien. 

Alors, ne vous attendez pas à lire un roman plein de rebondissements, vous risqueriez d'être déçu: il ne se passe quasiment rien dans ce roman, qui respecte les trois unités du théâtre: le lieu, le temps et l'action. En effet, tout se passe quasiment à la ferme des lester, sur une semaine, où l'on voit Jeeter, tout faire pour faire redémarrer la ferme et trouver à manger, quitte à utiliser tous les moyens, même les plus vils pour arriver à ses fins. 

Rien ne trouvait grâce à mes yeux dans ce roman, que j'aimais bien, sans plus. Puis, il y a eu la fin: une fin magnifiquement écrite par Erskine Caldwell, qui nous emporte dans un lyrisme exacerbé et qui m'aurait presque tiré les larmes tellement c'était beau. Après une lecture que je qualifierai de "bien sans plus" cette fin tragique m'a époustouflé et j'en ressors très satisfait. 

Au final, un roman à découvrir, pour son sujet: la Grande Dépression vu à travers le regard d'une famille de fermiers du Vieux Sud, bêtes et méchants, c'est sûr, mais tellement réalistes; pour son écriture fine, sans fioriture avec des éclats de lyrisme qui ne tombent pas dans la mièvrerie, et qui vous décrit le Vieux Sud des Etats Unis; pour sa fin magnifiquement cruelle et belle, qui démontre, si vous en doutiez encore, qu'Erskine Caldwell fait partie de ces grands auteurs américains qui ont écrit l'histoire de la Littérature Américaine. 

Merci aux Editions Belfond de me permettre de (re)découvrir tous ces romans oubliés.

Erskine Caldwell: La Route au tabac, Tobacco Road), Belfond (Collection Belfond [Vintage], 1932, (pour l'édition américaine), 1947 (pour la traduction française), 2017 (pour la présente édition)


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