dimanche 7 juin 2015

Viol: une histoire d'amour

4e de couverture: 4 juillet : feu d’artifice à Niagara Falls. En rentrant chez elles après la fête, Tina et sa fille ont la mauvaise idée de passer par le parc. Elles croisent des jeunes défoncés qui violent Tina et la laissent pour morte dans un hangar à bateaux. Très vite, la ville la condamne : ne serait-elle pas trop jolie pour être honnête ?

L'envie de retrouver la plume de Mrs Oates a été tellement forte, que je n'ai pas pu résister. Et c'est ce petit livre qui m'a appelé (oui carrément, il m'a murmuré à l'oreille: "découvre moi, plonge en moi et imprègne toi de ma substance narrative"). 
C'est donc ce petit roman (j'aime bien alterner petit roman et gros pavé quand je lis un livre de Joyce Carol Oates) qui s'est livré à moi, et malgré son sujet gravissime, j'ai aimé retrouver la plume de Mrs Oates. Plus je lis des livres de Joyce Carol Oates, plus j'arrive à y entrer sans trop de soucis: c'est comme retrouver une amie chère qu'on a pas vu depuis un moment. 

Comme toujours chez J.C. Oates, ses débuts de romans sont percutants et vous lancent une claque monumentale en imprégnant dans votre esprit une image forte qui ne vous lâchera plus tout au long du roman. La première scène du livre revient sur le viol qu'à subi Tina, le soir du 4 juillet 1996, dans un hangar à bateaux. Voilà le postulat de départ qui va être décliné à l'infini dans ce roman. C'est bien simple, toute la première partie ne concerne quasiment que cette terrible nuit où Tina fut victime d'un viol collectif. L'auteur va alors alterner les points de vue, en nous présentant les différents protagonistes de cette macabre histoire: de la fille de Tina, Bethie, de Dromoor, le flic qui va découvrir la victime, et qui va se prendre de compassion pour la mère et la fille... J'ai été souvent révolté, ulcéré et groggy devant ces scènes violentes (car le lecteur est aux premières loges de ce viol et l'auteur le décrit de manière cru et sans fioriture, comme elle sait si bien le faire...mais qui peut choquer les lecteurs un peu trop sensible). 
Ce qui est surtout révoltant, c'est la réaction des habitants de Niagara Falls: beaucoup d'entre eux pensent qu'elle l'a bien cherché (c'est même le titre du premier chapitre): comme si, s'habiller de manière sexy devait pousser au viol. Le comportement de l'avocat de la défense est abject au plus haut point puisqu'il va propager la rumeur que Tina était consentante. Le comportement du juge n'est pas mieux faisant de cette audience une mascarade. 
La 2e partie du livre va alors changer la donne...mais je ne vous dis pas comment. 

Voici un roman qui vous prend aux tripes. Avec un style percutant, fait de courtes phrases qui donne  un rythme rapide et sec , à tel point que le  lecteur croit se prendre  une volée de claques en pleine figure. C'est hypnotique et surtout tellement réaliste. Joyce Carol Oates réussit à merveille à décrire ces instants innommables de cruauté. Elle montre encore une fois la noirceur du monde et c'est cela qui me fascine chez elle: la justesse de son propos et surtout l'absence de fioriture, qui fait qu'elle va droit au but et qu'elle démontre encore une fois le côté sombre du monde. Cependant, une petite lueur finale peut redonner de l'espoir et ce n'est pas en vain que le lecteur a vécu ce traumatisme. (D'ailleurs, le titre, incompréhensible pour moi au début car tellement antinomique, prend un sens particulier dans la 2e partie du roman). 

Au final, un court roman qui ne vous laissera pas indifférent (loin s'en faut), sur la bassesse du monde et les préjugés des hommes et des femmes. Un roman qui, je l'avoue, n'est pas à mettre entre toutes les mains: personnes sensibles s'abstenir car les scènes dans le hangar sont tellement atroces que le lecteur ressent un malaise permanent. Heureusement que ce roman ne fait pas plus d'une centaine de pages. Un concentré de violence qui vous percutera comme un coup de poing reçu au ventre, à vous couper le souffle. 
Du grand art encore une fois: normal, c'est du Joyce Carol Oates: la plus grande auteure américaine de notre temps. 

P.S. Un grand bravo et merci à Claude Seban, la traductrice française,  depuis quelques années de Joyce Carol Oates, qui réussit à chaque fois à retranscrire merveilleusement le style et les mots de cette grande auteure. Merci madame Seban pour le travail exceptionnel que vous effectuez à chaque livre.

Joyce Carol Oates: Viol, une histoire d'amour, (Rape, A love story), Points, 183 pages, 2006


 5e roman lu dans le cadre du challenge "Oates" organisé par George 

2 commentaires:

  1. C'est avec ce roman que j'ai découvert la plume de l'auteur, en vo, il y a presque dix ans! Et bien cela n'a pas été un bon départ, d'une part à mon avis parce que je n'avais pas les armes suffisantes pour l'aborder: tripes et niveau de compréhension. Du coup j'ai longtemps gardé un mauvais à priori sur l'auteur, mais nous sommes maintenant globalement réconciliées, en partie grâce à toi ;)

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    1. Ouch. Je pense que découvrir la plume de Mrs Oates avec ce livre n'est pas le meilleur moyen pour apprécier l'auteur, à sa juste valeur. Le sujet est quand même lourd a assimiler. Je suis ravi si j'ai pu te remettre en bon terme avec Mrs Oates, car sa plume et certains romans valent la peine d'être lu.

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